Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

Kendra Claricia Brinkop, la fraîcheur, la détermination et le talent des grands

Sport mercredi 17 août 2022 Mélina Massias

Peu importe la monture qui lui est confiée, Kendra Claricia Brinkop parvient à en tirer la quintessence. À vingt-sept ans, l’Allemande a déjà eu la chance de monter et former quelques sacrés cracks, à l’image de Kastelle Memo, cédée l’hiver dernier à Carlos Hank Guerreiro, ou encore A La Carte NRW, avec lequel son mentor, Marcus Ehning, évolue toujours au plus haut niveau. C’est d’ailleurs au sein de la structure germanique du Centaure que la jeune femme a fait ses gammes vers les CSI 5*, à partir de 2017, après avoir rencontré ses premiers succès en tant que Junior. Depuis avril 2019, l’ancienne pensionnaire de la Young Riders Academy a rejoint la Belgique, pour évoluer au sein des écuries Stephex, dans lesquelles elle semble pleinement s’épanouir. Ambitieuse, dynamique et déterminée, Kendra Claricia Brinkop a toutes les cartes en main pour se forger sa place parmi l’élite mondiale. Rencontre.

“Beaucoup de personnes me disent que la façon dont je monte ressemble un peu à celle de Marcus Ehning. Je crois que c’est le plus grand compliment qu’on peut recevoir”, sourit Kendra Claricia Brinkop, installée à l’une des tables surplombant la piste en sable du Jumping international de Dinard. Il est vrai qu’en l’observant évoluer aux rênes de ses montures, la fluidité, la décontraction et la facilité dans l’exécution de n’importe quel mouvement transparaissent. Ses qualités, elle les a en partie développées chez le Centaure allemand, aux côtés duquel elle s’est formée pendant plus de deux ans. Ambitieuse et en quête de nouvelles expériences pour parfaire ses connaissances, la jeune allemande a ensuite posé ses valises au sein des écuries Stephex, en avril 2019. “La plus grande différence entre les deux est que l’écurie de Marcus est privée. Il fait tout tout seul, alors que Stephex est une grande entreprise. Nous sommes également une écurie de commerce, ce qui veut dire que nous vendons des chevaux”, explique Kendra. “C’est très différent, mais j’ai appris à faire progresser des chevaux dans ces deux endroits. Je commence avec des montures de six ou sept ans, puis je les emmène sur des épreuves plus importantes. C’est l’une de mes grandes qualités : je suis capable de former correctement des chevaux. Je le fais encore aujourd’hui, comme avec Tabasco de Toxandria (Z, Thunder van de Zuuthoeve x Cento Lano, vainqueur de la finale réservée aux chevaux de sept ans à Dinard, ndlr) par exemple. Au sein des écuries Stephex, il est également très intéressant d’être entouré de plein de personnes venues d’horizons et de pays différents. On apprend de tout le monde et c’est passionnant. Marcus m’avait conseillé de prendre du métier ailleurs. Je suis jeune, j’ai envie d’apprendre, de découvrir de nouveaux systèmes. J’ai acquis beaucoup d’expérience au cours des deux années que j’ai passées aux côtés de Marcus, mais j’avais besoin de voir autre chose.” 

Tabasco de Toxandria à Dinard. © Mélina Massias

Une précocité à en faire pâlir plus d’un

Depuis son plus jeune âge, la jeune femme est entourée d’équidés. “Je suis né dans une famille passionnée de chevaux. J’ai commencé à monter à cheval très tôt”, se souvient-elle. “Ma famille est toujours derrière moi et me soutient autant que possible. Ma sœur monte aussi à cheval, donc nos parents doivent faire avec. Heureusement, ils adorent les chevaux. Nous avons d’ailleurs une petite structure à la maison, où mes parents font naître quelques chevaux. Ce n’est pas seulement la passion de ma sœur et moi, mais celle de toute notre famille.” Mordue par le saut d’obstacles, Kendra ne tarde pas à se démarquer. “J’ai gagné ma première épreuve à 1,40m à treize ans il me semble. Je voulais tout le temps monter à cheval. Alors, savoir si je voulais devenir une cavalière professionnelle ou non n’a jamais été une question ! Je n’ai jamais testé autre chose ; ç’a toujours été les chevaux.”

Et grand bien lui en a pris ! En 2011 et 2012, elle dispute ses premiers championnats d’Europe en Juniors, aux rênes de Leonardo B 3 (Hann, Londonderry x Woermann) et Chalkidiki B (Holst, Carvallo BB x Carneval), deux produits maison. “Participer à des championnats est bénéfique pour les jeunes. La pression y est élevée et je ne crois pas que l’on puisse retrouver cela dans n’importe quelle autre épreuve. C’est très important d’apprendre à gérer la pression, mais aussi à communiquer et travailler en équipe. Les épreuves collectives sont complètement différentes des autres. Il ne s’agit plus seulement de nous, de notre performance et de la façon dont on monte, mais de la manière dont on interagit avec nos coéquipiers”, juge la cavalière, désormais âgée de vingt-sept ans.

Kendra et Leonardo B lors des championnats d'Europe de Comporta. © Sportfot

Très vite, l'amazone est repérée de part et d’autre. Elle tape dans l'œil de Marcus Ehning, qui lui propose alors d’intégrer ses écuries, sises à Borken, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, tout près de la frontière néerlandaise. “Après l’école, j’ai continué à monter à cheval, mais j’ai d’abord effectué une formation plus théorique. J’ai commencé à travailler dans les bureaux de la Fédération allemand, car je souhaitais en apprendre davantage sur tout ce qui entoure le monde équestre. Si je souhaite un jour fonder ma propre structure, ces connaissances me seront nécessaires. À ce moment-là, Marcus m’avait déjà demandé si j’aimerais venir monter et travailler pour lui. En fait, il a dû attendre six mois avant que je lui dise ‘oui, maintenant je peux venir’. Nous avons appris à nous connaître et c’était une super période”, reprend la jeune femme, qui débarque chez l’homme aux trois victoires en finale de la Coupe du monde avec un certain A La Carte NRW (Westph, Abke x Lux Z). “J’ai eu A La Carte à six ans. Nous avons couru notre première Coupe des nations 5* ensemble (en 2017, 0+12, déjà dans l’Officiel de Grande-Bretagne, ndlr) et maintenant, Marcus le monte toujours. À Hickstead, il a signé un sans-faute et un parcours à quatre points dans la Coupe des nations. C’est cool !”, se réjouit-elle. “Cela prouve ma qualité de formatrice de chevaux. On les fait évoluer, on leur donne de l’expérience ; c’est incroyable à quel point on peut progresser avec les chevaux. On démarre avec un cheval qui ne sait même pas marcher droit, et, deux ans après, on le rend super pratique. C’est ce qui me rend heureuse : voir mes chevaux éclore au niveau supérieur.” 

A La Carte NRW, ici à La Baule sous la selle de Marcus Ehning, a été formé par Kendra. © Mélina Massias

“J’aimerai participer à un championnat avec l’Allemagne”

Sous la selle de Kendra, de nombreux cracks auront trouvé pilote à leurs rênes : la géniale Kastelle Memo (BWP, Thunder van de Zuuthoeve x Cicero van Paemel), brillante l’hiver dernier, sa nouvelle star, Do It Easy (SF, Vigo Cécé x Laeken), le tout bon Cordynox (Westph, Cornado I x Polydor), la plaisante Caramia 25 (Hann, Chacco-Blue x Almox Prints J), qui lui aura permis de disputer sa première étape Coupe du monde, mais aussi le tempétueux Hector van d’Abdijhoeve (BWP, Cabrillo van de Heffinck x Utrillo van de Heffinck), qu’elle a présentée avec brio lors d’une épreuve nationale, en janvier 2019, le rendant presque méconnaissable. “Marcus m’a bien sûr inculqué sa façon de monter, mais aussi comment respecter mes chevaux dans différentes situations. Il est un homme de cheval de premier plan. J’ai également appris à gérer une écurie comme il le fait. Il est en concours tous les week-ends, et, pour cela, il faut avoir un bon programme, pour chaque cheval. Il est très doué pour établir des plans”, salue l’Allemande, qui a emmené toute son expérience avec elle jusqu’en Belgique.

En parallèle de son apprentissage chez le maître allemand, Kendra a également intégré les rangs de la Young Riders Academy en 2017, un programme complet, permettant de révéler les talents de demain. Dans sa promotion, la représentante germanique comptait par exemple l’Italienne Francesca Ciriesi, qui montre le bout de son nez à haut niveau, l’Irlandais Michael G Duffy, la Japonaise Karen Polle ou encore son compatriote Guido Klatte. “Avoir une telle formation, soutenue par Rolex, est d’une grande aide. On n’apprend pas seulement à monter à cheval, mais aussi à répondre à des interviewes, on approfondit nos connaissances sur l’aspect vétérinaire, sur l’histoire du sport, sur comment gérer une écurie, sur ce que comprend l’organisation d’un concours, etc. Beaucoup de choses nous sont enseignées, autant à cheval qu'en classe. Nous parlons des règles de notre sport, du bien-être des chevaux, etc. C’est fantastique”, résume-t-elle.

Kendra et la crackissime Kastelle Memo avait crevé l'écran lors de la Coupe des nations de Rome, en 2021. © Sportfot

Dynamique, enthousiaste et déterminé, Kendra impose sa fraîcheur et insuffle un nouveau souffle à la Mannschaft, comme peuvent le faire ses coéquipières et coéquipiers Janne Friederike Meyer Zimmerman, Jana Wargers ou Gerrit Nieberg. Au sein des écuries Stephex, au cœur desquelles elle semble pleinement s’épanouir, la jeune femme poursuit son ascension vers les sommets, en arpentant les allées de certains terrains prestigieux, comme à Dinard. “C’est la première fois que je viens ici. Le concours est impressionnant. J’adorerai revenir un jour pour le 5*”, se projette-t-elle. Mais, à raison, la talentueuse cavalière se donne le droit de voir encore plus grand. “Bien sûr, j’aimerai participer à un championnat avec l’Allemagne un jour. Participer aux Jeux olympiques et y gagner une médaille est le rêve de tout cavalier. Et c’est absolument mon objectif ! À cela, j’ajouterai ma volonté de m’approcher du top 10 mondial. Je souhaite en faire partie un jour”, assure-t-elle sans détour. Et son dernier objectif est en bonne voie, puisque l’amazone originaire de Neumünster, a intégré le top 100 mondial le mois dernier.

Une passion dévorante…

À son talent, son expérience et sa motivation à toute épreuve, Kendra peut ajouter une bonne dose de passion, mais aussi un soutien de taille : celui de Stephan Conter, patron des écuries Stephex. Au pays des Diables Rouges, la Germanique peut compter sur des montures de talent. À Dinard, s’il a préféré préserver son incroyable Do It Easy, l’amazone comptait toutefois sur le qualiteux Narcos vd Smidshoeve (BWP, Toulon x Thunder vd Zuuthoeve), neuf ans et déjà au départ de quelques Coupes des nations 3* et épreuves à 1,55m cette année, ainsi que le prometteur Tabasco de Toxandria. “Mes chevaux sont tous différents, mais j’ai la chance de pouvoir dire qu’ils sont tous respectueux et ne veulent pas toucher les barres. Ils sont également motivés. Cela peut être difficile pour les cavaliers de les faire se détendre, mais je préfère monter des chevaux dans le sang et puissants. Alors, c’est un point positif pour eux”, précise-t-elle. À son piquet de chevaux, s’ajoute plusieurs jeunes recrues, mais aussi Nector vd Bisschop (BWP, Echo van’t Spieveld x Darco), récent septième d’un bon Grand Prix 3* à Opglabbeek le week-end dernier, et deuxième à Knokke d’une épreuve de même niveau le mois dernier. “Je suis super heureuse aux écuries Stephex. J’ai un patron fantastique, qui nous pousse et nous motive vraiment sur le plan sportif. Je profite de tout en ce moment”, complète-t-elle.

Le prometteur Narcos vd Bisschop, ici à Knokke. © Sportfot

Malgré tout, dans une écurie de commerce, il faut se résoudre à voir ses meilleurs éléments partir. Un sujet que la jeune femme préfèrerait ne pas aborder. “C’est forcément très, très dur de vendre nos chevaux. De l’extérieur, les gens pensent que nous ne faisons que les utiliser pour le sport, alors que nous les traitons comme des membres de notre famille. Ils font au spa, profitent de moments de détente et de tout ce qui peut les rendre heureux, en forme et motivés. Nous passons des heures avec nos chevaux, surtout lorsque nous les gardons plusieurs années à nos côtés. On passe plus de temps avec eux qu’avec nos proches et nos amis. Alors, forcément, les vendre est très dur”, tranche-t-elle. “J’essaye de toujours garder contact avec leurs nouveaux propriétaires ou cavaliers, et cela fonctionne bien. Par exemple, ce week-end (à Dinard, à la fin du mois de juillet, ndlr), j’ai revu l’un de mes anciens protégés. C’est vraiment chouette.” 

… et une tête bien faite

Très attachée à ses camarades de jeu, l'Allemande prête également beaucoup d’attention au bien-être animal. “Je comprends que quelques personnes critiquent notre sport, mais elles devraient venir passer une semaine entière avec nous pour voir comment nous traitons nos chevaux. Ils ne voient que des fractions de dix secondes de ce que nous faisons. Bien sûr, ces critiques ne sont pas bonnes pour notre sport, mais j’essaye d’être positive. Parfois, l’animosité des gens m’inquiète, mais lorsque quelqu’un commet quelque chose de mal, nous devons lui dire ‘désolé, mais ce n’est pas ok. Ce que vous venez de faire n’est pas juste pour votre cheval’. Et pour cela, nous avons de super stewards et juges. Nous avons le droit à l’erreur, mais il faut que quelqu’un nous le fasse remarquer et nous dise ce qui n’est pas permis. Ensuite, il faut voir la réaction de la personne : s’il réagit positivement, c’est bien. S’il recommence ces mauvais agissements, là, cela devient problématique”, développe l’amazone avec justesse.

Kendra et Kastelle Memo, l'an dernier, sur la magnifique place de Sienne. © Sportfot

Complètement mordu par les chevaux, Kendra leur dédie tout son temps ou presque. Profite-t-elle d'autres activités ? “Comment est-ce possible lorsqu’on passe vingt-quatre heures par jour avec les chevaux ? En général, je passe quatre ou cinq jours par semaine au concours. Si l’on n’est pas addicte à ce milieu-là, on ne peut pas y travailler. Ma plus grande passion, ce sont les chevaux. Je ne m’intéresse pas vraiment aux autres sports, puisque je n’ai pas le temps de les suivre le week-end. Cependant, j’aime bien passer du temps avec mes amis et faire un peu de shopping de temps en temps pour me vider la tête”, répond-t-elle. En plus de sa carrière de cavalière, la jeune femme s’est également lancée dans… l’élevage ! “On peut essayer d’être aussi intelligent que l’on veut en élevage, en faisant les meilleurs croisements possibles, à la fin, cela ne donnera sans doute pas ce que l’on imaginait. Il faut une part de chance. Pour l’élevage, il n’y a pas vraiment d’études à faire. Ce n’est pas simple. L’élevage est une théorie que personne ne connaît vraiment”, rigole-t-elle. “J’ai commencé à faire naître quelques chevaux moi-même. J’ai une jument avec laquelle j’ai sauté des épreuves qualificatives pour les championnats d’Europe. Je commence doucement, mais, en ayant chaque année un poulain, on se retrouve rapidement avec quatre ou cinq jeunes à monter. Cela étoffe notre piquet plus rapidement qu’on ne le pense !”

Aussi sympathique qu’elle est talentueuse, Kendra Claricia Brinkop a toutes les qualités pour atteindre ses rêves les plus fous. Sûre d’elle sans être arrogante, bien au contraire, déterminée, rigoureuse et franche, l’Allemande n’a rien à envier à personne. Et certainement pas sa capacité à former un couple avec ses montures. “Je crois que ma plus grande qualité, ou du moins ma préoccupation principale, est la connexion avec mes chevaux. Je ne peux pas monter tous les chevaux. Parfois, il faut savoir se dire ‘je ne suis peut-être pas le meilleur cavalier pour ce cheval, et nous devrions changer’. C’est aussi bien que nous ayons plusieurs cavaliers dans nos écuries. Je pense que je suis plutôt douée pour sentir ces choses-là”, achève l’Allemande. “Il ne faut pas baisser les bras trop tôt non plus, car tout prend du temps, mais après quelques mois, il est parfois plus raisonnable de donner aux chevaux de meilleures chances. Cela forge aussi notre personnalité. Et avoir une bonne alchimie avec mes chevaux est un trait de caractère important chez moi.” Bref, tous les ingrédients sont là pour faire de l’amazone de vingt-sept ans une grande femme de cheval.

Kendra Claricia Brinkop, ici à Dinard. © Mélina Massias

Photo à la Une : Kendra Claricia Brinkop en compagnie de Narcos vd Smidshoeve dans le Grand Prix 3* de Dinard. © Mélina Massias