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“Je n’ai jamais douté de Grandorado”, Willem Greve (2/2)

Sport samedi 14 janvier 2023 Mélina Massias

Pour sa première année au plus haut niveau, en 2022, Grandorado TN N.O.P a crevé l’écran. En toute logique, le bai avait été sélectionné pour défendre les Oranje aux Mondiaux de Herning, mais une mauvaise chute de son cavalier de toujours et co-propriétaire, Willem Greve, a court-circuité les plans du duo. Qu’importe. À douze ans, le puissant fils d’Eldorado van de Zeshoek et Charmieque, une descendante de Carolus II, ne semble être qu’au commencement de son apogée. Reconnu pour ses talents dans le sport, en attestent ses trois doubles sans-faute en Coupe des nations 5* la saison dernière, mais aussi à l’élevage, où il compte déjà plus de mille descendants, le KWPN est avant tout le fruit d’une histoire d’amitié de longue date entre ses éleveurs : Martinus Rietberg et Dick Verhoeven. Retour sur l'ascension de celui qui pourrait bien devenir un phénomène.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Quand bien même Grandorado ait toujours été au-dessus du lot, sans un véritable travail d'orfèvre et l’acquisition de bases solides, le puissant étalon ne pourrait sans doute pas se targuer des résultats qui sont aujourd’hui les siens. “Je n’ai jamais douté de Grandorado. Il est très timide, a toujours été un peu méfiant et très vif, à regarder autour de lui. En revanche, face aux obstacles ce n’est jamais le cas. Il a toutefois besoin de beaucoup de travail et d’une grande discipline. Je lui ai dédié un temps phénoménal et cela a payé. J’ai toujours cru en sa qualité de saut et ses moyens”, détaille Willem Greve, qui fêtera son quarantième anniversaire le 26 février prochain. “En fait, Grandorado a surtout énormément d’énergie et dégage beaucoup de puissance. Le plus important est de parvenir à canaliser cela, et faire en sorte qu’il utilise ces qualités à bon escient en piste. Il effectue ses détentes avec beaucoup d’aisance, puis quand il entre en piste il se met à ruer, à jouer. Mais, une fois le moment venu, il répond présent. Le point primordial avec lui a été de le faire mûrir dans sa tête et de lui donner de l’expérience. Je pense qu’avec les années, cela ne va aller qu’en s’améliorant. Plus il va disputer des concours comme celui-ci (le CHI de Genève, ndlr), plus il va s’aguerrir et plus il verra de nouveaux endroits, meilleur il sera. Sa qualité intrinsèque n’est pas à 100%, elle est à 110%. De fait, j’ai le sentiment qu’il ne fait que s’améliorer.”

Grandorado sur la sortie de triple dans le Grand Prix de Genève. © Mélina Massias

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Malchance et rendez-vous manqué

Remarqué dès ses débuts et paré d’argent lors de son dernier championnat du monde des jeunes chevaux, à sept ans, en 2018, le puissant fils d’Eldorado van de Zeshoek et Charmieque a éclaté au grand jour en 2022. Pour la première fois de sa carrière, l’étalon s’est entièrement concentré sur son rôle d’athlète, ses propriétaires ayant fait le choix de ne distribuer sa semence que sous forme congelée. Et alors qu’il n’avait disputé qu’un unique Grand Prix 5* avant ses onze ans, à Vérone, en novembre 2021, le KWPN a su franchir le cap du très haut niveau sans forcer. D’abord troisième et double sans-faute dans le temps fort du Majeur Rolex de Bois-le-Duc, en mars, Grandorado a ensuite enchaîné sur sa lancée : neuvième du Saut Hermès après une faute au barrage, double zéro dans la Coupe des nations de Rome puis de nouveau impeccable dans celles de Rotterdam et Knokke. C’est bien simple, les deux complices ont formé l’un des trois uniques duos à n’avoir aligné que des partitions sans fausse note en épreuves collectives avant l’échéance de l’année, avec les paires composées de Janne Friederike Meyer-Zimmerman sur Messi van’t Ruytershof et Simon Delestre, associé à Cayman Jolly Jumper. “Le nombre de sans-faute qu’il continue sans cesse à réaliser est juste incroyable”, peine presque à réaliser le Oranje. En toute logique, et contrairement à l’amazone allemande, Willem et son fidèle destrier avaient été choisis par Jos Lansink pour composer le quatuor hollandais pour les Mondiaux de Herning. Mais, sans crier gare, le sort s’est acharné.

Grandorado et Willem Greve en plein travail pour leur pays. © Scoopdyga

Le jour de l’officialisation de la sélection de Grandorado pour son premier championnat majeur, Willem reçoit un appel de Lia Agteres-Verhoeven. La jeune femme lui apprend que son père, co-naisseur du bai, est brutalement décédé. “Il avait prévu de venir à Herning…”, glisse, non sans émotion, le pilote néerlandais. En accord avec la famille Verhoeven et la famille Nijhof, une cérémonie d’adieux est programmée, afin que le regretté Dick puisse saluer une dernière fois son protégé. Le lendemain, Willem subit à son tour les foudres du destin. En chutant de cheval, il se fracture la cheville et le bras. Contre son gré, il doit alors tirer un trait sur l’échéance danoise. “La semaine suivante, les copropriétaires de Grandorado étaient à la maison. Nous l’avions pionté et lui avions mis une belle écharpe noire. J’étais en fauteuil roulant, mais nous avons pu dire un dernier au revoir à Dick Verhoeven. C’était très émouvant pour tout le monde”, se souvient Willem. “Les deux éleveurs et leurs familles respectives faisaient leur maximum pour assister à tous les concours de Grandorado. Lorsqu’il avait remporté l’argent à Lanaken à sept ans, nous avions diné tous ensemble, soit une vingtaine de personnes. C’est une perte très triste et cette semaine a été une montagne russe.” 

Le partenaire de Willem Greve ici à sept ans. © Sportfot

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Sportivement parlant, ce rendez-vous manqué a forcément constitué une déception pour le Néerlandais. “C’est un euphémisme !”, renchérit-il. “Ne pas aller à Herning a été une page noire dans ma carrière. On investit tellement de temps dans un cheval comme lui. Ses co-propriétaires avaient aussi fait le choix de ne pas le proposer en frais cette saison et de se concentrer sur le sport. Tout était super en place : tac, tac, tac. Remporter une médaille en championnat, que ce soit avec mon équipe ou en individuel est aussi mon rêve (les Pays-Bas ont décroché l’argent au Danemark, ndlr). J’étais dans une période de ma vie où mon cheval était en grande forme et où j’étais en confiance. Tout était aligné, et puis ces incidents sont arrivés. Maintenant que cela est arrivé, nous devons nous tourner vers l’avenir.” Un avenir qui semble tendre les bras à Grandorado et son cavalier.

Le passage de dos - sans artifice - spectaculaire de Grandorado. © Sportfot

“En tant qu’éleveurs, nous sommes simplement très fiers et reconnaissants”, Lia Agteres-Verhoeven 

Depuis son retour à la compétition, en octobre dernier, le bai a concédé quelques fautes ci et là, se classant tout de même dixième à Stuttgart après avoir enregistré quatre points au barrage. Cependant, il convient sans doute de souligner qu’il n’a disputé que… onze épreuves à 1,60m dans toute sa carrière ! Sa première année à haut niveau lui a d’ailleurs permis de décrocher le titre honorifique de meilleur représentant du stud-book KWPN de l’année, après que près de 6 000 internautes ont voté en ligne. Et son cavalier ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “Je vais faire quelques étapes de la Coupe du monde et voir si j’obtiens assez de points pour me qualifier pour Omaha. Je vais également me concentrer sur les Dutch Masters. Puis, après la finale de la Coupe du monde nous attaquerons la saison extérieure”, précise Willem. Dans un coin de sa tête, le Néerlandais pense aussi sûrement - et légitimement - aux prochains grands championnats : les Européens Longines de Milan prévus cet été, et, surtout, les Jeux olympiques de Paris, en 2024.

Les moyens du KWPN résumés en une photo. © Sportfot

Malgré l’intérêt que suscite Grandorado, Willem Greve semble pouvoir envisager la suite sereinement, sans craindre une vente. “Bien sûr, il est parfois financièrement irrésistible de dire non à une offre, mais notre coopération avec la famille Nijhof est excellente. J’espère que Grandorado fêtera ses quatorze ans sous ma selle. Ensuite, à long terme, nous avons prévu de ne pas le vendre”, précise l’intéressé.

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Alors que l’épopée fantastique du duo ne semble en être qu’à ses prémices, Lia Agteres-Verhoeven est déjà aux anges du parcours suivi par son protégé. “Nous sommes vraiment ravis que Willem ait pu acheter nos parts de Grandorado. Nous sommes reconnaissants que Willem et la famille Nijhof soient ses propriétaires. Auprès de ces derniers, il reçoit les meilleures chances possibles à l’élevage, tandis que Willem lui donne l’opportunité de s’exprimer au mieux dans le sport. Cette association nous satisfait pleinement. Willem et toute l’équipe de Nijhof sont entièrement responsables de la progression et des performances de Grandorado”, tient à souligner la jeune femme. “En tant qu’éleveurs, nous sommes simplement très fiers et reconnaissants. Nous espérons pouvoir continuer de profiter de ce couple et leur souhaitons plein de succès. Nous croisons aussi les doigts pour que Grandorado confirme les premières impressions qu’il a donné à l’élevage. Ses produits sont encore jeunes, donc nous devons patienter, mais nous avons de grands espoirs et une totale confiance en lui pour le futur.”

Grandorado dans les prés de ses éleveurs, en Hollande. © Collection privée

“Grandorado pourra être aussi important que Diamant de Semilly”, Willem Greve

De fait, l’avenir va se conjuguer à l’élevage pour Grandorado. D’un modèle moderne, contrairement à ce que pourrait laisser croire la force et l’envergure qu’il dégage en piste, le KWPN s’est toujours montré brillant dans le sport, mais aussi en tant que reproducteur. En somme, le bai semble disposer du full package, d’avoir tout pour plaire. Sans surprise, Willem garde ainsi un œil attentif sur la production de son complice. “On me montre souvent ses produits et beaucoup de gens me disent avoir de bons descendants de Grandorado. Mes collègues cavaliers l’utilisent à l’élevage ; ils le voient en concours, au paddock, quand il saute, etc. C’est un cheval qui fera une différence plus tard. Il y a de grands chevaux, à l’image de Kannan, Emerald ou Diamant de Semilly, qui ont marqué l’histoire. Je pense qu’il pourra être aussi important qu’eux. Le temps le dira, mais sa production semble très prometteuse”, mesure le cavalier.

La classe et le charisme de Grandorado. © Mélina Massias

En plus de ses brillantes qualités sportives et physiques, le fils d’Eldorado van de Zeshoek est doté d’une personnalité attachante. “C’est le plus facile des chevaux. Il peut être très frais sans raison, donc il faut toujours faire attention, mais il ne se comporte pas comme étalon. On peut le mettre à côté d’une jument dans un van ou un camion ; il ne fera jamais quoi que ce soit. Bien qu’il soit le plus gentil des chevaux et très facile dans le caractère, il faut rester sur ses gardes car il peut exploser à tout moment tant il a d’énergie ! C’est un grand cheval, mais, dans sa tête, il a toujours été un petit garçon timide. En le voyant, tout le monde se dit qu’il déborde de moyens, mais il faut aussi trouver un moyen de gérer cela et d’appréhender sa qualité et son corps. Depuis l’an dernier, j’ai le sentiment que tout se met en place”, estime Willem. Et ses résultats en compétition, ainsi que la mise en lumière de ses premiers produits, ne font qu'accroître l’intérêt des éleveurs. “En se concentrant sur le sport en 2022, nous avons obtenu un effet secondaire : il est très, très populaire auprès des éleveurs et la demande pour sa semaine est très importante. Nous devons donc trouver le bon équilibre pour satisfaire tout le monde”, note le cavalier et co-propriétaire du KWPN.

Fin de parcours et un énième double sans-faute à la clef pour Grandorado et les Pays-Bas. © Sportfot

Les premières générations de Grandorado, approuvé à trois ans dans son stud-book de naissance grâce à une note de 85,5 points, ont vu le jour en 2016, notamment aux Pays-Bas. Depuis lors, la base de données Horsetelex a répertorié près de mille descendants. Parmi les plus âgés, quelques-uns évoluent à 1,30 et 1,35m et plus, à l’image de Lambada (mère par Metall), Lagrande E (mère par Voltaire), Ladalco-Z (mère par Orame), Granada LVP (mère par Lordanos), Let’s Go R (mère par Lupicor), Lyviano (mère par Vincenzo) ou encore Keep It Cool (mère par Nassau). À ceux-ci s’ajoutent également une bonne poignée d’étalons approuvés dont George Washington (mère par Up To Date), Lucky Luke (mère par Canabis), Gentleman d’Aubry (mère par Verdi TN), More Special (mère par I’m Special de Muze), Casanova NW (mère par Carrico), Onassis (ex Otis, mère par Quasimodo van de Molendreef) et Lamaze TN (mère par Carthago). En France, environ cinq-cents juments ont été confiées à Grandorado et le SIRE a, pour l’heure, enregistré plus de deux-cents naissances sur son sol, les premiers ayant vu le jour en 2020.

Les produits de Grandorado suivront-ils sa voie, en se démarquant, comme lui, lors des championnats du monde de Lanaken ? © Sportfot

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“La famille Rietberg dispose des installations les plus propices à l’élevage. Ils ont donc plus de poulinières. Ils ont beaucoup utilisé Grandorado et ce qui semble ressortir est que ses produits sont très vifs. Le slogan des dernières sélections KWPN était ‘Grandorado produit des chevaux qui sautent’. Et c’est exactement ce que nous voyons : des chevaux qui sautent, énergiques, qui sont beaux et forts et avec lesquels il est agréable de travailler”, complète Lia Agteres-Verhoeven. S’il est encore trop tôt pour juger de l’empreinte qu’il laissera dans dix, quinze ou vingt ans sur le monde du jumping, Grandorado, douze ans, s’annonce comme l’un des incontournables des années à venir.

Grandorado dans le Grand Prix de Genève, en décembre 2022. © Mélina Massias

Photo à la Une : Grandorado à l'œuvre sur la sublime piste de Palexpo. © Mélina Massias