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Eugène Mathy, la force du caractère

Reportages vendredi 23 juin 2017 Julien Counet

Avant dernière partie de notre interview avec Eugene Mathy !

En tant que passionné de haut niveau, c'est difficile pour vous de vous obliger, vues vos responsabilités, à aller voir des concours d'autres disciplines et d'être aussi présent au niveau régional ?

J'y vais. Je suis évidemment fort occupé avec le haut niveau et avec les pistes que je monte mais je vais voir d'autres disciplines à tout niveau et je fais les remarques nécessaires quand je vois des trucs à améliorer. Je pense qu'il est important de toujours vouloir travailler dans le même sens avec l'ambition de faire les choses bien et de respecter les chevaux car cela aussi peut parfois être dramatique. Il faut soigner un cheval, s'en occuper, s'en faire un ami. C'est une éducation … mais qu'on a tout un temps oubliée, délaissée. Notre sport a été discret très longtemps puis s'est développé d'un coup mais là, les fédérations n'ont pas suivi. Après il a fallu reprendre et faire des règlements pour rectifier certains points. La FEI s'est également très fort impliqué pour cela au niveau du stewarding et de la protection du cheval. Je pense que cela évolue très positivement.

Eugène Mathy accompagné du ministre André Antoine et des deux cavaliers de la LEWB, Grégory Wathelet et Jérôme Guery.

Vous parlez de la FEI, qui est justement présidée par un Belge, et qui prend beaucoup de décisions pour essayer de clarifier la situation face à cette multitude de nouveaux concours qui apparaissent. Comment suivez-vous cela ? Quel est votre sentiment ?

Je pense qu'ils se plantent. Maintenant, ils vont faire machine arrière. Il y a une évolution qui s'est faite avec de plus en plus de chevaux et de plus en plus de concours … mais ce ne sera pas éternel ! A un moment, il y aura un plafond qu'on n'arrivera plus à dépasser. Ici la FEI vient de se laisser influencer, même si je ne sais pas par quoi ni par qui, en faveur d'un système beaucoup plus cher d'engagement avec une administration plus pointue des engagements… mais ce n'est absolument pas possible. Il faut bien concevoir qu'aux Etats-Unis, seuls les gens nantis montent à cheval. Au Brésil, c'est la même chose … mais si on vient en Europe, c'est tout à fait différent. On voit des professionnels qui se sont fait eux-mêmes avec beaucoup moins d'argent. On a voulu appliquer le système américain au monde entier mais c'est impossible. Ce n'est pas applicable chez nous. Les propriétaires ne sauront plus suivre. Il faut savoir que les cavaliers qui montent en une et deux étoiles mettent de leur poche chaque semaine sauf s'ils sont classés dans les cinq premiers du Grand Prix. Si on augmente encore les frais d'engagement, on va se tirer une balle dans le pied. C'était une mauvaise idée d'aller dans ce sens. Il faut faire attention car nous avons la chance d'avoir un sport qui marche actuellement mais il ne faut pas tuer la poule aux ?ufs d'or.

Vous parliez d'Uliano Vezzani tout à l'heure mais finalement parmi les chefs de piste au plus haut niveau, on voit quelques têtes qui reviennent très régulièrement sur le circuit et pour les autres, cela a l'air difficile de recevoir leur chance. C'est ce que vous vivez aussi ?

Il y a d'abord une question de mode. Cela a été Olaf Petersen, Frank Rothenberger et maintenant Uliano Vezzani. C'est quelqu'un qui construit dans le bon sens avec beaucoup de fautes sur des obstacles très praticables. Il est tout à fait dans la modernité du sport, en plus du fait que le bonhomme est un type très agréable qui sait faire de la politique, qui félicite tout le monde et remercie tout le monde. Un type charmant qui construit bien … mais qui va aussi lasser car un jour, un autre va arriver et va faire bien. Je ne pense pas que ce soit intéressant d'avoir tout le temps le même chef de piste car à la fin cela risque de devenir monotone. Je pense que c'est mieux de diversifier. L'intérêt du parcours, c'est justement de voir un cavalier s'adapter au chef de piste qui vient chaque semaine avec de nouvelles idées et une autre façon d'entrevoir les difficultés. Ce qu'il faut absolument éviter aujourd'hui, c'est de casser les chevaux. Ils sont trop sollicités avec des concours quasiment toutes les semaines. Les chefs de piste qui créent des difficultés en mettant de trop gros oxers ou des distances trop courtes dans les combinaisons n'ont plus leur place… sauf s'ils ont un ami organisateur qui les invite. Luc Musette a aussi beaucoup de succès et fait partie des très bons chefs de piste du milieu.

Mme Mathy et l'une de ses petites filles remettant les trophées lors d'une épreuve du jumping de Liège.

Cet hiver, on s'est retrouvé à plusieurs reprises avec des Grands Prix cinq étoiles qui accouchaient de barrages où l'on retrouvait quasiment la moitié des partants. Vous pensez que cela fait partie de l'évolution du sport ou ce sont des choses qui ne devraient pas arriver ?

À mon sens, ce n'est pas idéal. D'une part, je pense qu'il faut que les parcours soient en rapport avec les dotations. D'autre part, il faut éviter d'avoir trop de barragistes car il n'y a dans une épreuve qu'un quart de classés. L'idéal étant d'avoir autant de barragistes que de classés. Si on prend comme exemple une épreuve comptant pour le ranking de la FEI dotée de 26.000 euros, les 5 premiers vont gagner de l'argent mais les autres ne vont pas gagner grand-chose et vont devoir repartir et fatiguer leur cheval pour gagner très peu. Ce n'est pas l'idéal. Le mieux, mais encore faut-il y arriver, c'est d'avoir entre cinq et dix cavaliers … mais c'est évidemment plus facile à dire qu'à faire. Personnellement, je ne suis pas pour les barrages fleuves et je ne pense pas que les chefs de piste aiment ça. Ce qui est sûr c'est que la qualité des chevaux a augmenté et les pilotes sont devenus très expérimentés. Dans les concours moyens, on doit faire attention à avoir suffisamment de sans-faute et dans les parcours cinq étoiles, on doit faire attention de ne pas en avoir de trop.

A demain pour la suite et fin de cette série de reportages !

Crédit photo : Julien Counet