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Eugène Mathy, la force du caractère

Reportages jeudi 22 juin 2017 Julien Counet

Troisième volet de notre saga consacrée à Eugène Mathy.

En tant que chef de piste, vous êtes actif au championnat de Belgique des jeunes chevaux à Gesves ainsi qu'aux championnats du monde des jeunes chevaux à Lanaken. C'est un peu comme pour certains cavaliers, on vous a catalogué comme chef de piste pour jeunes chevaux ? Cette année, quand Lummen est arrivé, on avait un peu l'impression que c'était aussi l'aboutissement de votre carrière.

Oui, peut-être … mais j'ai quand même déjà construit 4 ou 5 CSIO et aussi cinq championnats d'Europe que ce soit en juniors, jeunes cavaliers et poneys. J'ai aussi construit les Jeux Balkaniques et des coupes du monde au Canada, au Brésil… j'ai donc quand même pas mal circulé. A côté de ça, c'est vrai que j'ai toujours eu une attache particulière avec les jeunes chevaux. A Gesves bien évidemment mais aussi avec le cycle classique pour lequel je fais partie des initiateurs avec Maurice Olivier. Je trouve cela intéressant et je suis satisfait quand je vois la quantité de cracks que j'ai pu voir évoluer sur des parcours de 5 ans ou 6 ans avant de les retrouver sur le circuit international qui est rempli de chevaux belges. Je pense avoir ma part de réussite là-dedans. J'ai aussi eu l'occasion de monter une fois le parcours pour les finales du championnat de France des 7 ans. On en a beaucoup parlé cette année-là mais cela m'a beaucoup amusé car quand Uliano Vezzani y est allé 3-4 ans après moi, on a beaucoup parlé de lui aussi. Les éleveurs normands étaient fâchés et nous avons eu des discussions assez virulentes mais je leur ai dit que si leurs chevaux n'étaient pas mieux dressés, ils ne vendraient plus jamais un cheval … et c'est ça qui s'est passé. J'ai été construire là-bas comme je construisais ici le championnat du monde des jeunes chevaux et comme on construit ici en Belgique avec des parcours beaucoup plus éducatifs. Chez eux, ils galopent 3-4 kilomètres avant de sauter un obstacle qui est appelé, rempli et avec des chevaux qui tirent et ne sont pas dressés. Mais on oublie qu'aujourd'hui un client veut un cheval de 5 ans dressé ou ce n'est plus vendable. J'ai eu 3 sans-faute dans le championnat des 7 ans (remporté par Lamm de Fétan, ndlr) et Uliano Vezzani en a eu un ! Maintenant, si je devais y retourner, je construirais autrement en m'adaptant au système français mais je pense qu'en Belgique, on a le bon système pour construire les chevaux.

L'évolution du cycle classique en Belgique, c'est une de vos plus grandes fiertés quand on voit le nombre de chevaux belges qui tournent au haut niveau ?

Oui. Il y a eu une crise mais cela a redémarré. Certains ont voulu faire un cycle flamand et un cycle wallon, cela a débouché sur la création de certains circuits régionaux sur le côté et il aura fallu véritablement prendre le problème à bras le corps car cela aurait signifié la mort du cycle car l'intérêt du cycle c'est que tout le monde peut comparer ses produits et son élevage en regardant l'évolution des chevaux. Si on commence dans un petit pays à scinder, ça n'a plus de sens. Le cycle a repris puis a continué son évolution avec plus de 1 000 chevaux cette année.

Quand on est dans une société où le nivellement vers le bas règne, c'est difficile de prôner l'excellence ? Il faut se battre ?

Cela dépend. Il faut se battre dans les régions, ça oui. Si l'on prend les concours de scolaires, poneys, juniors, jeunes cavaliers … ils sont maintenant encadrés dès le départ d'une manière beaucoup plus professionnelle. La raison est simple : d'une part, vous avez les enfants des anciens cavaliers qui débutent désormais les concours. Leurs parents leur permettent de bénéficier de leur expérience et savent comment préparer les chevaux. Ce n'est évidemment que positif à ce niveau. Malheureusement dans le niveau inférieur, c'est encore trop amateur. Je pense que nous sommes arrivés à deux niveaux différents avec le sport de loisir et le sport de compétition. Si on veut arriver au sport de compétition, il n'y a rien à faire, il faut prendre les bons moyens depuis le départ sinon on n'arrive plus. Ce sport est devenu tellement technique et pointu qu'on ne peut y arriver. J'en veux parfois aux instances régionales de se complaire dans la médiocrité. A la fin, cela me tue car il n'y a pas besoin d'être riche pour faire un bon sport propre : il suffit de le faire comme il faut et de savoir qu'un cheval n'est pas une moto et certainement pas un engin pour se mettre en valeur le dimanche. C'est ça toute la différence. En forçant, nous avons créé l'équitation moderne qui est désormais bien partie, avec les poneys nous avons aussi changé le système … mais il faut du temps. Si on veut continuer à développer le sport positivement, il faudra vraiment développer par la base de plus en plus. Il faudra que ceux qui font du loisir le fasse comme il faut aussi !

 Eugène Mathy et son fils Bernard forment désormais un duo de chef de piste.

On entend souvent des critiques au sujet de la ligue et ou de la fédération mais finalement, quel est, selon vous, leur rôle par rapport au cavalier et quel rôle a le cavalier vis-à-vis de sa fédération ?

La ligue ou la fédération sont là pour que les choses évoluent dans l'intérêt des sportifs… mais c'est-à-dire dans l'intérêt sportif des sportifs, ce qui ne veut pas dire automatiquement dans l'intérêt pécuniaire du sportif. Il faut donc avoir une vision à long terme et savoir que quand on change un règlement ce n'est pas pour les mois qui suivent mais pour les deux ou trois années à venir. La charge des fédérations, c'est d'améliorer leur sport. Je pense que quand on voit le ranking mondial des cavaliers belges, nous sommes plutôt dans le bon chemin même s'il y a évidemment beaucoup d'investissement des cavaliers eux-mêmes mais je pense que cela vient aussi de la façon dont on fait les règlements et on oblige les jeunes à démarrer sur le bon pied. On crée un engouement car au départ les gens regardent puis l'année après ils se disent que c'est bien.

La suite demain !

Crédit photo : Julien Counet