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“Nous avons encore du mal à réaliser l’exploit qu’ont accompli Garance de Vains et Valentin Pacaud”, Jean-Baptiste Bihl (1/2)

Elevage jeudi 6 octobre 2022 Mélina Massias

À Lanaken, l’émotion était palpable dans le clan de l’élevage de Vains. Venus avec trois chevaux, la famille Bihl et leur cavalier, Valentin Pacaud, ont plus que réussi leur pari. La prometteuse Garance de Vains, fille de la toute bonne Byzance de Vains et petite-fille de la gagnante en Grand Prix 5* Sixtine de Vains, alias Sarena, s’est classée à une excellente deuxième place lors de la finale des six ans. Toujours très disputés, ces championnats du monde réservés aux jeunes chevaux ont également permis à Héroïne de Vains, digne descendante de la crack Alanine de Vains, de s’offrir une place sur le podium de la consolante des cinq ans. Toujours sur son nuage, et avec une passion débordante, Jean-Baptiste Bihl est revenu sur cette semaine exceptionnelle, qu’il n’est pas près d’oublier. Premier volet d’une interview en deux épisodes.

Quelques jours après les très bonnes performances de l’élevage de Vains à Lanaken, à l’occasion des championnats du monde des jeunes chevaux, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

C’était quelque chose d’extraordinaire. Nous avons encore du mal à réaliser l’exploit qu’ont accompli Garance de Vains (Diamant de Semilly x Ogano Sitte) et Valentin Pacaud. Ce n’était que la deuxième année que nous emmenions des chevaux de l’élevage à Lanaken. L’année dernière, nous avions misé sur Gattaca (Kannan x Dollar dela Pierre) et Forban (Ogrion des Champs x Adelfos). Nous y étions allés pour prendre de l’expérience et découvrir l’événement de l’intérieur. Gattaca et Forban avaient réalisé une bonne saison, donc c’était la bonne occasion. Dans les cinq ans, Gattaca avait réalisé un triple sans-faute puis huit points au barrage, une épreuve que les chevaux de son âge n’ont pas l’habitude de disputer. Après cette première tentative, nous nous étions dit que nous reviendrons tous les ans, à condition d’avoir les chevaux pour. C’est une expérience incroyable, qui permet de se mesurer aux meilleurs jeunes chevaux de la terre et aux meilleurs cavaliers de la planète. Il y a plusieurs cavaliers de 5* qui viennent disputer cette échéance (Christian Ahlmann, Rolf-Göran Bengtsson, Olivier et Nicola Philippaerts, Kendra Claricia Brinkop, Eiken Sato, par exemple, ndlr). 

Nous avions déjà réservé notre hôtel au mois de mai ! Qu’on emmène des chevaux ou non, nous souhaitions assister à ces championnats, rien que pour la curiosité de l’éleveur. Cela nous permet de voir ce qui se fait de bien à l’étranger en termes de génétique. Nous pensions emmener Gattaca de nouveau, mais elle a été vendue. Alors, Garance a été accompagnée par Héroïne (Diamant de Semilly x Allegreto) ainsi que Heïdi (Kannan x Obéron du Moulin) dans les cinq ans. Elle a fait une super saison, en étant notamment septième du Top 100 de la Société hippique française (SHF). Elle avait également gagné l’épreuve de vitesse et le Grand Prix au CSI de Fontainebleau (début juillet, ndlr) et terminé deuxième du Grand Prix SHF de la Haye Pesnel, donc nous savions qu’elle était prête. Mais de là à faire ce qu’elle a fait… Ce n’est que du bonus ! Nous étions totalement enchantés et tous en larmes après son barrage. C’est extraordinaire. Garance était vingt-sixième le deuxième jour, douzième le suivant, et cinquième du général avant la finale, le tout sur près de deux-cent-quatre-vingt-dix partants ! En finale, les compteurs sont remis à zéro, mais cela nous a permis d’avoir une bonne place pour la finale. En partant parmi les derniers, cela permet d’observer quelles sont les difficultés et d’être également bien positionné en cas de barrage.

Garance de Vains et Valentin Pacaud.

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Comment avez-vous vécu le barrage de Valentin Pacaud et Garance de Vains ?

J’ai regardé le début du barrage, et lorsque j’ai été voir Valentin, je lui ai indiqué qu’il n’y avait que quatre sans-faute. Il avait son plan. Garance est rapide au sol, va vite au-dessus des obstacles, donc nous étions plutôt confiants. Toutefois, lorsque j’ai vu le premier couple dérouler sa finale, je me suis dit que l’épreuve était pliée et que Valentin ne pourrait jamais aller aussi vite. Finalement, ce duo a terminé troisième, donc derrière nous ! Entre le un et le deux, Valentin a dû ajouter une huitième foulée par rapport à son plan initial, qui était de faire sept. Peut-être que la victoire nous échappe ici, mais c’est déjà extraordinaire d’être deuxième et pour moi, nous n’avons pas perdu. Garance était un tout petit peu contre Valentin et il a préféré refaire une foulée plutôt que de risquer une faute. Il a tellement bien monté ! Toute sa semaine avec Garance était parfaite. Je ne pensais jamais qu’on serait sur le podium. Lorsqu’ils ont passé la ligne, que j’ai vu que nous étions deuxièmes, à quarante centièmes de la tête, je me suis dit que c’était un truc de dingue. Il restait deux partants derrière nous et je n’espérais qu’une chose : rester sur le podium. À la fin du barrage, toute la pression est retombée. Même si nous ne nous attendions à rien, nous restons une famille de passionnés. À ce moment-là, nous avons réalisé l’ampleur de leur résultat.

Jean-Baptiste Bihl a vécu le barrage de Garance de Vains et Valentin Pacaud à plus de 200% depuis le kiss & cry !

Vous ne pouviez pas mieux achever votre collaboration avec Valentin Pacaud, qui a rejoint le haras de Talma…

Non, on ne pouvait vraiment pas mieux finir ! En sortie de piste, j’étais en larmes, Valentin aussi. Il a fait un énorme câlin à mon père et lui a dit “Merci, Monsieur Bihl”. C’était son dernier concours pour nous. Nous le savions, puisqu’il nous l’avait dit dès qu’il a pris sa décision. Ce n’était pas du tout un problème et nous ne partons pas en mauvais terme, loin de là. Valentin est quelqu’un qu’il fallait que nous rencontrions un jour dans notre vie, et je pense que cela était réciproque. Il a été très content de ses trois années à nos côtés. Je ne suis pas certain que tous les patrons d’écuries auraient fait le choix d’aller à Lanaken en fin de saison, sachant que leur cavalier partait ensuite. C’est pour cela qu’il nous a remerciés.

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"Je ne me remets toujours pas de la performance de Garance et Valentin !"

Héroïne de Vains et une fille de Diamant de Semilly et de votre génialissime Alanine de Vains, désormais montée par Samuel Hutton, après avoir été révélée au plus haut niveau par Nicolas Delmotte, puis cédée à Abdel Saïd, avant que la jeune Violet Lindemann Barnett n’en fasse l’acquisition. Pouvez-vous nous parler davantage de cette souche ?

La souche d’Héroïne pourrait être qualifiée de familiale. Son arrière-grand-mère, Aurore de Balme (ISO 154, Narcos II x Calin du Manoir), une propre sœur de Tempête Lorraine, qui a été sacrée championne des cinq ans, appartenait à mon grand-père. Il a cédé Aurore à mon père sur son lit de mort. Ensemble, ils élevaient avec Jean-Luc Henry sous l’affixe de Balme, d’où Inédite (ISO 174, Palestro II x Poltron du Mauger), Diablotin (ISO 133, Narcos II x Calin du Manoir), ou encore Jumbo (ISO 153, Narcos II x Calin du Manoir), pour ne citer qu’eux. Cette souche n’est pas très connue, ni exploitée. Aurore a participé à de belles épreuves. À huit ans, elle évoluait déjà en 2 et 3* avec Pierre Gautherat. Elle s’est blessée, ce qui nous a conduit à la mettre à la reproduction. Elle n’avait pas une fertilité extraordinaire, donc nous utilisions principalement des étalons disponibles en frais. Croisée à Adelfos (ISO 173, Athlet x Caletto), elle nous a donné Mutine de Vains, une super jument, qui, à six ans, était déjà sans-faute dans des Grands Prix à 1,35m. Malheureusement, à Fontainebleau, elle s’est fait peur dans la fosse aux loups. Après cela, nous n’avons jamais retrouvé la jument que nous connaissions. Elle est devenue obnubilée par tout ce qui est coloré, les moquettes, les rivières, etc. Mon frère (Pierre-Henri, ndlr) l’a montée un peu, puis nous l’avons rapidement destinée à l’élevage, à huit ou neuf ans. Comme sa mère, sa fertilité n’était pas exceptionnelle. Nous travaillions beaucoup avec le haras du Reverdy, où Éric (Leclerc, ndlr) s’occupait de nos juments, puisque nous habitons à huit cents kilomètres. Dès que la jument était prête, ils sortaient Allegretto (ISO 179, Jalisco B x Uriel) du box, et la jument était pleine du premier coup. C’était plutôt facile. Pour moi, Allegretto était en plus un vrai extraterrestre en concours. Cela nous a donné Alanine. En liberté, elle n’était pas la plus impressionnante, mais, dès qu’elle est passée sous la selle, nous avons réalisé son potentiel. Lors de sa première séance montée sur la carrière, mon père m’a tout de suite dit “ouh là, ça, c’est une jument”. 

La superbe Alanine de Vains, ici aux rênes du Britannique Samuel Hutton, cavalier pour les écuries d'Abdel Saïd.

Nous avons pris le temps et elle a atteint le très, très haut niveau grâce à Nicolas Delmotte, qui est un crack cavalier. Pour moi, c’est ce qui se fait de mieux en France en termes d’équitation. Avec Alanine, nous n’avons pas fait de transferts d’embryons à quatre ans. Nous avions attendu, sans véritable raison. En revanche, dès qu’Héroïne a été débourrée et que nous avons vu qu’elle avait le potentiel pour devenir une sacrée jument, nous l’avons fait. Nous avons eu une pouliche l’année dernière (Lidocaïne de Vains, par Cornet du Lys, Cornet Obolensky, ex Windows vh Costersveld x Champion du Lys, ndlr). Malheureusement, la porteuse a coulé cette année, mais nous avons un transfert avec Vagabond (de la Pomme, ISO 171, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure, ndlr), en route pour 2023. La souche d’Héroïne est également très sentimentale, puisque c’est un peu notre lignée à nous, de laquelle découlent beaucoup de gagnants. Héroïne est un peu comme sa mère : une vraie jument de concours. À Lanaken, le premier jour au paddock, on aurait pu croire qu’elle était préparée tellement elle sautait fort ! Elle était folle, énervée, surmotivée. Elle passait le dos comme une malade au-dessus des obstacles. Elle a beaucoup de sang, de réflexe, de potentiel et de respect, associés à un très gros esprit de concours.

Héroïne de Vains et Valentin Pacaud.

Son aînée, Garance, n’est pas en reste, puisqu’elle la petite-fille d’une certaine Sixtine de Vains, renommée Sarena et gagnante en Grand Prix 5* avec Ben Maher

Lorsque mon père a commencé l’élevage, il voulait trouver des souches connues et qui avaient déjà fait leurs preuves. Il avait notamment acheté Quolombia (Galoubet A x Rantzau), une fille de Ballerine III (d’où notamment la souche du Château, avec Javotte D, ndlr), et grand-mère de Volnay du Boisdeville (ISO 163, Winningmood vd Arenberg x Jalisco B) par exemple, ou encore Ismène du Thot (ISO 152, Qrédo de Paulstra x Rosire), chez Jean-François Noël, qui est la mère de Fahrenheit de Vains (Cornet Obolensky) et une cousine d’Idéo du Thot (ISO 180, Arioso du Theillet x Shaliman du Thot). Un jour, il a réussi à acheter la dernière fille de Gerbe d’Or (Starter x Babouino, PS), chez Albert Lebrun : Isoline III, une fille de Damoiseau d’Or. Elle a malheureusement été accidentée à trois ans. C’était une magnifique jument alezane, avec une tête superbe, mais elle toisait 1,59m. Elle s’est consacrée exclusivement à la reproduction. Avec elle aussi, nous avons principalement utilisé des étalons en frais. Mon père était l’un des premiers actionnaires du Groupe France Elevage (GFE). Alors, lorsque Calvaro (Caletto x Capitol I) a été distribué, nous l’avons utilisé pour Isoline. C’était un très grand cheval, plein de force, de rayons, et qui semblait bien correspondre à notre jument. Ce croisement a donc donné Sixtine de Vains, qui avait réalisé une super saison à cinq ans avec Luc Couteaudier. Nous l’avions ensuite vendue en fin de saison. À huit ans, elle était déjà classée dans les Grands Prix du Global Champions Tour et la Coupe du monde avec Pius Schwizer. Elle est ensuite arrivée dans les écuries de Ben Maher, où elle a été débaptisée et renommée Sarena. Entre-temps, ma mère était tombée en admiration devant Sisley de la Tour Vidal, qu’elle avait vu en vidéo dans le Grand Prix des sept et huit ans à Aix-la-Chapelle avec Pénélope Leprevost. Sisley est issu d’un croisement entre Ogano Sitte (Darco x Avontuur) et Calvaro, donc, sans vraiment réfléchir, nous avons croisé Sixtine à Ogano. Cela nous a donné Byzance de Vains, la première fille de Sixtine. Byzance (qui évolue désormais jusqu’à 1,45m sous la selle de François-Xavier Boudant, ndlr), sautait plutôt bien en liberté. Rapidement, nous avons fait des transferts d’embryons avec elle. Lorsque les juments sont jeunes, c’est le moment le plus opportun pour avoir recours à ces techniques. Nous avons donc choisi Diamant de Semilly, puisque Byzance, un peu comme Sixtine, est une très grande jument, avec une longue encolure, assez fine sur pattes et avec beaucoup d’air sous le ventre. Diamant nous paraissait être un bon choix pour raccourcir un peu le modèle. Cela nous a donc donné Garance. C’est une belle histoire et une sorte d’accomplissement pour nous. Sa performance permet d’offrir un coup de projecteur à notre élevage, qui a bientôt trente ans. Je ne me remets toujours pas de la performance de Garance et Valentin ! Cela ne nous arrivera peut-être plus jamais.

Sixtine de Vains, alias Sarena, ici à Wellington avec Ben Maher.

La deuxième partie de cette interview sera à retrouver.

Crédit photo : © Sportfot. Photo à la Une : Valentin Pacaud et Garance de Vains au tour d’honneur.