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Marie Johnson, une vie au service des chevaux de Ludger Beerbaum (1/2)

Ratina Marie Johnson
Interviews vendredi 15 décembre 2023 Mélina Massias

Même s’il s’améliore, le métier de groom demeure difficile et usant. Rares sont celles et ceux qui consacrent leur vie entière à prendre soin des chevaux d’un cavalier de haut niveau. Marie Johnson est sans doute l’exception qui confirme la règle. Née en Scandinavie, celle qui a côtoyé Rolf-Göran Bengtsson en compétition a rencontré un certain Ludger Beerbaum au milieu des années 80. Plus de trente ans après, la Scandinave reste un soutien indéfectible du jeune retraité. Des écuries Schockemöhle au développement vitesse grand V du complexe sportif de Riesenbeck, en passant par quatre médailles d’or olympiques, deux titres de champion de monde par équipe, un triomphe en finale de la Coupe du monde, une dizaine de breloques européennes, de multiples succès aux quatre coins du monde et une annonce surprise en juillet dernier à Aix-la-Chapelle, Marie Johnson a tout vécu aux côtés du Kaiser. Retour sur une aventure hors du commun, marquée par pléthore de chevaux d’exception.

“Lorsque j’étais encore étudiante, je passais mes vacances d’été en Allemagne, au sein des écuries Schockemöhle. Je trouvais que c’était une chouette expérience. Et puis, en 1986, j’ai commencé à travailler pour Ludger Beerbaum. Il est parti en 1989, et je me suis dit que c’était le bon moment pour moi aussi de prendre un nouveau départ. Mais Ludger m’a dit qu’il allait s’installer en Bavière et m’a demandé de rester une année de plus pour l’aider. Je me suis dit ‘c’est juste pour un an, ce n’est presque rien’. Et aujourd’hui, je suis encore ici !”, sourit Marie Johnson. Originaire de Jämshög, une petite ville au sud de la Suède, la groom a dédié sa vie aux chevaux du Kaiser. “J’ai commencé à côtoyer les chevaux lorsque j’étais jeune, dans un poney-club. J’ai ensuite commencé à monter plus sérieusement, et mes parents ont acheté un poney pour une bouchée de pain. Je pratiquais le saut d’obstacles et faisais des concours. J’ai participé aux mêmes compétitions que des cavaliers comme Rolf-Göran Bengtsson. Je me suis rendu compte que je ne serais certainement pas assez douée et que je serais meilleure en tant que groom. J’ai commencé mes études en Suède, puis j’ai commencé à passer une partie de mon temps libre en Allemagne”, reprend l’intéressée. 

Marie Johnson est ici entourée de Gladys et Ratina à Aix-la-Chapelle. © Collection privée

Un an, deux ans, trois ans… et bientôt quarante !

Une fois le pied dans l’engrenage, la Scandinave n’a pas vu les années défiler, ou presque. Si son rôle à évoluer au fil du temps, passant de voyages aux quatre coins de la planète, pour assister aux plus belles victoires du cavalier le plus médaillé de l’histoire du saut d’obstacles, à celui d’organiser et garder un œil sur toute l’écurie de l’Allemand, la passion est restée intacte. Sans jamais se plaindre, Marie Johnson poursuit son travail avec la même rigueur, la même exigence. Pour autant, la Suédoise n’aurait jamais imaginé rester aussi longtemps aux côtés du Kaiser. “Je ne voulais pas partir. Il m’est arrivé de me dire que je devrais peut-être le faire, mais je suis encore là aujourd’hui”, explique-t-elle. “Je suis allée en concours pendant longtemps, puis j’ai pris un peu de recul pendant quelques années. Ludger m’a demandé si je pouvais l’accompagner de nouveau en concours, notamment avec Chiara, mais aujourd’hui je reste principalement à la maison. Je ne pensais pas être groom aussi longtemps. On travaille dur, mais aujourd’hui, personne ne travaille aussi dur qu’avant. Le métier est devenu au moins moitié moins difficile pour la plupart des grooms. Je pense que l’on peut apprendre énormément et faire beaucoup de choses en étant groom. À mes yeux, il est donc dommage de commencer un nouveau travail. J’aime encore ce que je fais. J’ai eu deux opérations aux hanches, mais je n’ai aucun problème pour curer les boxes le matin. Nous n’avons pas énormément de chevaux, mais j’apprécie toucher un peu à tout : monter, les brosser, prendre soin d’eux. De cette façon, je peux garder un œil sur tous les chevaux. La nouvelle génération a tendance à ne pas vouloir faire telle ou telle chose, mais je trouve qu’il est important d’être prêt à effectuer n’importe quelle tâche. Cela permet d’apprendre à mieux connaître ses chevaux. En tout cas, c’est la philosophie que nous avons à Riesenbeck.”

Marie Johnson tout sourire auprès de Chiara, l'une des plus récentes stars de la carrière Ludger Beerbaum. © Collection privée



Au fil des années et grâce aux multiples expériences et compétences acquises pendant ses trente-sept ans passés auprès de Ludger Beerbaum, a vu son rôle évoluer. “Aujourd’hui, je travaille en étroite collaboration avec notre vétérinaire, que je vois une fois par semaine. J’apprends énormément lors de ses visites et cela me permet de pouvoir superviser tous les chevaux des écuries. Je sais exactement ce que nous avons fait avec eux et je peux ainsi transmettre ces informations aux autres grooms”, apprécie Marie. “Chez Ludger, nous avons plusieurs cavaliers, qui ont chacun leur propre petite écurie. Dans la mienne, j’ai neuf boxes. Certains en ont douze, cela dépend. Chacun a ses propres responsabilités, mais comme je suis ici depuis si longtemps, si quelqu’un a un problème, il ou elle peut se tourner vers moi et me demander de l’aide. Nous essayons de nous entraider autant que possible. Lorsque le personnel des autres écuries a un doute sur quelque chose, il me demande souvent conseil. Nous travaillons ensemble au quotidien. Certains aiment cela, d’autres moins. Il m’est arrivé de voir des gens croire tout savoir après deux ans, ou même deux semaines de travail, mais ceux qui restent le plus longtemps savent qu’ils ne peuvent pas toujours avoir raison. On fait tous des erreurs, mais j’essaye de leur dire ‘ne fais pas ça, on a déjà commis cette erreur avant toi’. J’ai une idée des choses qui peuvent mal tourner. Dans ce sens, j’essaye de les aider et de partager mon expérience. En dehors de cela, tout le monde s’occupe de sa partie et cela nous permet de ne pas avoir cinquante chevaux à nourrir par jour, ni cinquante boxes à curer !”Marie Johnson pause ici avec Gaylord, au début des années 90. © Collection privée

Changements et évolutions

Entre 1989 et 2023, la structure de Ludger Beerbaum s’est métamorphosée. Désormais, ses écuries vont bien au-delà du simple point de base personnel qu’elles étaient auparavant. “Effectivement, tout devient de plus en plus grand à Riesenbeck, et ce depuis des années. Même si cela ne change pas grand-chose pour nous dans les écuries, je trouve que c’était plus facile lorsque tout était à une plus petite échelle. Je ne sais pas si tous mes collègues partagent cet avis, mais grâce au groupe Riesenbeck International, nous avons tout même de très bonnes conditions de travail. Il y a de super appartements de fonction à disposition et avec la législation allemande, on ne peut pas être mal payé. Le petit-déjeuner et le déjeuner nous sont fournis cinq jours par semaine et Kingsland nous fournit des vêtements. Je ne sais même pas combien de stock nous avons ! Les conditions de travail des grooms s’améliorent énormément. Personnellement, je ne vis pas sur place, puisque j’ai ma propre maison, mais si l’on ne souhaite pas dépenser d’argent supplémentaire chaque mois, les appartements à Riesenbeck sont super. Tout coûte évidemment de l’argent, mais avoir le soutien d’une grande entreprise comme Riesenbeck International est un atout. Il y a beaucoup de bonnes choses qui viennent avec cela, mais aussi quelques moins bonnes. Désormais, les gens sont un peu trop gâtés. Ils ont toujours besoin de tel ou tel nouvel équipement, et ils peuvent facilement le faire acheter. Au début, lorsque l’on gagnait une paire de guêtres ou quelque chose pour les chevaux et que je me disais ‘mince, j’ai déjà ce qu’il me faut’, j’allais au magasin pour l’échanger contre quelque chose de vraiment utile. En résumé, travailler pour une telle société rend les choses plus simples”, décrit la soigneuse. “Il y a aussi plus de personnes qui travaillent à Riesenbeck. Si on vient passer deux semaines sur place, on ne connaît pas encore tout le monde ! Nous sommes cinq ou six à être là depuis très longtemps. Nous avons la chance d’avoir une bonne équipe, mais le recrutement était plus simple avant, dans le sens où les gens étaient moins exigeants. En revanche, aujourd’hui les grooms peuvent avoir de belles offres, avec de bons contrats”, poursuit Marie. 

La Scandinave a parcouru le monde pendant près de quarante ans auprès de Ludger Beerbaum. © Sportfot



Et de reprendre, au sujet de l’évolution de son métier : “Aujourd’hui, nous travaillons moins. Avant, la pénibilité et la charge de travail étaient beaucoup plus importantes. Nous conduisions les camions sur des périodes beaucoup plus longues, puisqu’il n’y avait aucune réglementation. Désormais, nous devons prendre une pause toutes les 4h30. Les concours ont aussi amélioré les conditions de travail des grooms et essayent, dans la grande majorité des cas, de prendre soin des grooms. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela progresse. Ces vingt-cinq dernières années, le meilleur concours pour nous a toujours été celui de Göteborg. Je venais de conduire onze heures, et vingt ou trente minutes après mon arrivée, tous les chevaux étaient dans leurs boxes, leurs affaires installées, mon camion nettoyé, on m’avait aidée à le garer, et j’étais déjà de retour aux écuries, parce qu’il y avait d’adorables personnes pour nous donner un coup de main. Quand on arrive en concours, c’est ce qu’on apprécie le plus. Recevoir cette aide, surtout lorsqu’on est fatigué et que l’on doit s’occuper de tout en arrivant, est précieux. Désormais, la plupart essayent de faire ce que Göteborg faisait déjà il y a vingt ou vingt-cinq ans.” 

Cet été, à Aix-la-Chapelle, où le Kaiser a annoncé sa retraite sportive, Marie Johnson était bien là ! © Hippo Foto / Sharon Vandeput

Bien que les choses changent, souvent dans le bon sens, la densification du calendrier international et du programme des différents concours, d’autant plus l’hiver, conduit les soigneurs à enchaîner les longs trajets, en Europe et dans le monde, et les journées à rallonge. Face aux enjeux qui sont les leurs, les organisateurs essaient évidemment de faire de leur mieux et pour cela, le partage et le dialogue avec les principaux concernés restent le meilleur remède. Malgré les contraintes, pour les grooms, la passion l’emporte souvent. Les émotions vécues et l’éclosion des nouvelles stars de la planète équestre sont d’inestimables trésors, et ce n’est pas Marie qui dira le contraire.

La fabuleuse Ratina est, elle aussi, passée entre les mains de Marie Johnson. © Collection privée

Photo à la Une : Marie Johnson sur le dos de la star Ratina Z. © Collection privée

La deuxième partie de cet article sera publiée mardi prochain sur Studforlife.com...