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James Wilson, un joyau de la couronne self-made, mordu d’élevage et un brin perfectionniste (1/2)

Reportages jeudi 5 mai 2022 Mélina Massias

À l'image de Lily Attwood, Jack Whitaker ou encore Harry Charles, James Wilson incarne lui aussi la relève britannique. Pourtant, le jeune homme de vingt-sept ans présente un profil bien différent de celui de ses homologues. Parti de pas grand-chose en montant quasiment exclusivement dans les bois, James a dû se forger une carrière en solo, ou presque. Associé depuis 2017 à sa compagne, Heather Larson, au sein de écuries Hill House Sporthorses, près de Somerset, au Royaume-Uni, le cavalier de la toute bonne Imagine de Muze entend bien se construire un avenir solide, en s’appuyant notamment sur un programme d’élevage en plein développement. Flegmatique, un brin perfectionniste et lucide, le garçon, présélectionné pour les Jeux olympiques de Tokyo l’an dernier, n’a pas fini de faire parler de lui. Rencontre.

Rendez-vous pris, en l'espace de quelques SMS échangés, vendredi 22 avril, à Fontainebleau. Parfaitement ponctuel, James Wilson débarque devant le terrain d'honneur du Grand Parquet, toile de fond rêvée pour découvrir qui se cache derrière ce jeune homme de vingt-sept ans, déjà auteur de belles performances. Fort de sa première victoire en Grand Prix 3*, fin novembre dernier, à Vilamoura, quelques semaines après avoir achevé le temps fort du CSI 3* de Maubeuge au deuxième rang, le pilote a entamé 2022 de la même manière, en s’octroyant un succès au Portugal dans une sélective épreuve à barrage à 1,50m. Outre ces récentes performances, James Wilson s’est forgé un beau CV, dont la principale qualité est sans nul doute la régularité. Si bien que le Britannique avait été nommé par Di Lampard pour figurer sur la longue liste en vue des Jeux olympiques de Tokyo, à l’été 2021.

Si une blessure a compliqué les choses et mis un terme à l’aventure nippone, James n’en garde aucunement un goût amer. Bien au contraire. Philosophe et lucide, le cavalier n’est pas du genre à remettre en cause les choix d’un sélectionneur ou à se morfondre sur son sort sans rien faire. “Je vois les choses vraiment simplement : si on est suffisamment bon et que nos résultats le sont aussi, je pense que l’on peut pousser n’importe qui en dehors de l’équipe. Beaucoup de personnes ont tendance à râler un peu et trouver les sélections compliquées, mais, s’il y a des personnes plus à même de défendre nos couleurs, alors elles méritent leur place. Si on n’est pas assez bon, on ne doit simplement pas être dans l’équipe (rires). Cela fonctionne de cette manière dans les autres sports, et il doit en être de même pour le nôtre. Ainsi, lorsqu’on est choisi, on mérite sa place. Alors, je pense qu’il n’y a aucune raison d’être émotif à ce sujet”, martèle-t-il sans détour.

James Wilson devant le terrain d'honneur de Fontainebleau. © Mélina Massias

Voilà de quoi révéler une première facette de la personnalité de James Wilson, finalement peu connu en France, bien qu’il ait enregistré quelques bonnes performances dans l’Hexagone. En regardant son palmarès et ses résultats sur la base de données de Fédération équestre internationale, la discrétion du jeune homme se traduit par des apparitions parcimonieuses, mais toujours bien senties, au plus haut niveau. Sans surprise, cela s’explique par la volonté du pilote de préserver ses meilleures montures. “Cela aide d’avoir de bons chevaux, mais il est important de ne pas trop leur en demander et d’établir un bon plan pour eux. Soit on a beaucoup de chevaux et on peut concourir tous les week-ends, soit ce n’est pas le cas et il faut alors réfléchir avec sa tête”, lance-t-il.

Imagine de Muze, l’athlète de tous les superlatifs

Imagine de Muze. Voilà le nom de sa meilleure monture. À quatorze ans, cette jument BWP, issue du croisement entre Nabab de Rêve et Quilina van’t Plutoniahof, une fille de Chin Chin, a permis à son cavalier de parcourir les plus belles pistes du monde et de se démarquer à de nombreuses reprises ces dernières années. “Elle m’a énormément appris et m’a donné confiance en piste pour mes premières apparitions à très haut niveau. À chaque fois qu’elle s’essayait à quelque chose de nouveau, elle était super : la première Coupe des nations que nous avons fait était celle du CSIO 5* de Saint Gall où elle a signé un double sans-faute, notre première Coupe du monde, elle était sans-faute, son premier concours du Global, elle était sans-faute, et elle a terminé sixième de son troisième Grand Prix 5*. Elle est incroyable”, résume l’Anglais.

Imagine de Muze. © Mélina Massias

Lancée sur la scène internationale par la Britannique Emma Stocker, Imagine passe aux rênes d'Heather Larson, la compagne de James Wilson, début 2016. La paire féminine fait ses gammes et atteint rapidement les Grands Prix 2* et 3* à seulement huit ans. Fin 2017, la grande jument noire change de selle, au profit de celle de James. “Il y avait beaucoup d’intérêt autour d’Imagine lorsqu’elle avait huit ans. Elle volait. Ma petite-amie n’est pas très grande, alors, la voir se balader sur des épreuves à 1,50m sur cette jument noire que personne ne connaissait nous a valu de recevoir de nombreux appels”, se souvient le Britannique. “Quand j’ai commencé à monter Imagine, nous avons dû nous habituer l’un à l’autre, et notamment au fait qu’elle soit montée par un homme et non plus par une petite amazone.” Assuré de pouvoir conserver Imagine, que Heather et sa mère, Sue, ne “laisserait partir pour rien au monde”, James peut s’adonner à lui concocter le parfait programme de concours. Pétrie de qualités, sa complice lui met des étoiles plein les yeux. “Elle est une vraie battante en piste et est l’athlète par excellence”, assure-t-il. “Elle se gère parfaitement : elle n’est jamais stressée de voyage, chaque fois qu’elle entre dans son box, peu importe s’il a juste été à la douche avant, elle boit - ainsi, elle reste toujours hydratée -, elle mange toujours, où qu’elle aille. Si elle a eu du repos, en raison d’une blessure ou autre, elle ne devient jamais stupide et travaille directement normalement. Elle n’en fait jamais trop quand elle saute, … Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de chevaux qui peuvent faire ça, du moins pas sans avoir quelques bizarreries à côté qui compliquent tout. Imagine sait probablement à quel point elle est douée (rires).”

Imagine et Heather Larson. © Sportfot

Si cette perle noire est la star des écuries, une autre monture peut l’épauler. L’Amour, une Hanovrienne de quatorze ans ayant effectué une large part de sa carrière sous selle tchèque, a rejoint le piquet de James au printemps 2021. “Nous l’avons achetée comme une bonne jument pour faire 1,45, 1,50m, mais elle a déjà sauté des Grands Prix 4* et les deux manches de la Global Champions League. Elle n’est plus un jeune cheval et nous nous sommes tout de suite bien entendus. Peu importe la piste, de Monaco à une grande piste en herbe, elle est partante. Elle se bat pour son cavalier, ce que j’adore - j’aime les juments qui peuvent faire cela”, explique le pilote, qui prépare également quelques jeunes montures pour l’avenir. “J’ai deux chevaux de six ans très talentueux, et deux bons huit ans également. Mais, encore une fois, on ne peut pas tout faire et il faut adopter une bonne gestion, réfléchir à quels concours cibler et guider ses chevaux pour y obtenir de bons résultats. Je crois que nous sommes plutôt bons à cela. Bien sûr, j’aimerai être en concours tous les week-ends, mais ce n’est pas possible avec mon piquet actuel.”

Un autodidacte parti de (presque) rien

Avant de terminer avec un double zéro dans la Coupe de Saint Gall, d’enchaîner avec une sixième place dans les Grands Prix du CSIO 5* de Sopot et du CSI 5* de Waregem, un huitième rang au 3* de Birmingham, puis un onzième à Oslo, un douzième à Londres, et un dixième à Malines, en 2019, et d’enchaîner avec un bon cru 2021, James Wilson a dû se construire en partant de rien, ou presque. “Il y a eu beaucoup d’apprentissage à faire en chemin, c’est certain, mais cela a été une chouette aventure”, sourit-il. “J’ai commencé à monter à cheval à l’âge de cinq ans, mais je ne viens pas du tout d’un milieu professionnel. Mes parents avaient des emplois ordinaires. À la maison, nous n’avions aucune installation : pas de carrière ni même un champ suffisamment plat pour monter dedans. Je ne pouvais aller qu’en extérieur et en balade tout le temps. Alors, quand j’ai eu dix-sept ans, j’ai dû faire un choix et je suis parti à l’étranger pour en faire ma carrière. Jusqu’à mes vingt-et-un ans, j’ai travaillé pour diverses écuries, puis je me suis installé avec Heather et nous avons fondé notre structure, Hill House Sporthorses. Nous avons commencé avec quelques quatre ans, puis nous nous sommes développés et voilà où nous en sommes aujourd’hui.” 

Contrairement à ses amis Harry Charles et Jack Whitaker, qui peuvent compter sur le soutien de leurs illustres pères, Peter et Michael, James Wilson s’est forgé en officiant dans plusieurs grandes écuries, dont celles de Stuart Harvey, qui avait notamment découvert l’excellent Hello Forever, partenaire de l’Écossais Scott Brash, puis celles de Egbert Schep, aux Pays-Bas, après avoir fait un bref passage en Suisse. Pourtant, rien ne ferait renoncer James à son Angleterre chérie. Pas même le Brexit. “C’est vraiment plus difficile d’être installé en Grande-Bretagne. Je tiens à dire que je ne fais pas partie de ceux à avoir voté en faveur du Brexit (rires) et je ne crois pas que ce soit le cas de beaucoup de gens de chevaux. Les voyages sont un peu délicats, mais il y a des points positifs pour chaque localisation”, souligne-t-il. “J’ai passé huit mois en Europe l’année dernière. C’était vraiment facile avec les chevaux, et même pour engager du personnel. Il semblerait qu’il y ait davantage de personnes passionnées par le saut d’obstacles sur le continent. Mais le mode de vie est vraiment mieux en Angleterre. Nous avons une belle maison et de bonnes installations et cela me manquait simplement trop. Pour l’heure, je préfère continuer à travailler vers mes objectifs depuis le Royaume-Uni.”

 

L'Amour, ici à Fontainebleau. © Mélina Massias

“Il n’est pas toujours facile de vivre avec moi (rires)”

Cette année, James visera les Coupes des nations, dont le circuit devrait être plus riche que lors des deux derniers millésimes, largement perturbés par la pandémie mondiale. Le Britannique figure d'ailleurs d'ores et déjà parmi les cinq paires choisies par Di Lampard pour se rendre au CSIO de Rome, dans quelques semaines, puis à celui de Saint Gall. “Ensuite, si cela me mène à un championnat dans l’été, ce serait super”, se projette le Britannique, qui reste toujours aussi flegmatique. “Je sais vers quoi je dois tendre, mais chaque chose en son temps. Cela veut dire que je dois d’abord me faire ma place et bien performer dans les Coupes des nations. Je crois qu’ensuite, le reste suivra de lui-même. Nous pourrons alors établir un plan précis.” S’il reconnaît que l’équipe britannique est “très forte”, comptant dans ses rangs, outre les jeunes Jack et Harry, avec qui James entretient des relations amicales, Scott Brash ou encore Ben Maher, champion olympique individuel à Tokyo l’été dernier. “Harry a un piquet de chevaux qui serait l’envie de n’importe qui dans le monde. Jack est également un cavalier fantastique, comme il l’a prouvé à Leipzig. Et ensuite, il y a Ben et Scott, qui sont la génération au-dessus”, analyse-t-il. “Mais comme je l'ai dit, si on est assez performant, alors on peut être meilleur que n'importe qui, et pousser n'importe qui hors d'une équipe. Finalement, il est important que nous travaillions tous ensemble afin de répondre présent en tant qu'équipe dans n'importe quel championnat ou n'importe quelle Coupe des nations.” 

Quality Time of Picobello, huit ans, est venu à Fontainebleau pour prendre de l'expérience. © Mélina Massias

Photo à la Une : James Wilson et Imagine de Muze à Fontainebleau. © Mélina Massias

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