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Dynamix de Bélhème propulse Steve Guerdat sur le toît de l’Europe à Milan

Steve Guerdat Milan
Sport dimanche 3 septembre 2023 Mélina Massias

Ô temps suspends ton vol. À chaque saut, Dynamix de Bélhème a semblé s’envoler toujours un peu plus haut, sans jamais forcer, toujours avec l’envie, les oreilles pointées en avant, et une facilité déconcertante. Sans doute avait-elle en tête l’idée de décrocher les étoiles. Sa première étoile, elle l’a glanée haut la main et sans conteste en triomphant des trente-septièmes championnats d’Europe de l’histoire du saut d’obstacles. Sur le très bel écrin en herbe de Milan, au cœur de l’hippodrome San Sira, la Selle Français, née chez la famille Aimez, a offert un titre de plus à Steve Guerdat, qui l’a savouré comme le premier de sa très belle collection. Derrière le couple, un autre duo en pleine ascension s’est distingué : celui formé par Philipp Weishaupt et son brillant Zineday, en argent. Enfin, par l’intermédiaire de Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre, le bronze est revenu à la France, qui n’avait plus obtenu de médaille en grand championnat depuis 2016 et son sacre olympique à Rio. 

Qu’elle en a parcouru, du chemin, cette Dynamix de Bélhème, depuis sa naissance, un jour de juin 2013 dans les prairies seinomarines de la famille Aimez. Dix ans, deux mois et douze jours plus tard, la belle s’est hissée sur le toit de l’Europe, sans trembler et à l’issue d’une folle compétition, orchestrée de mains de maître par le maestro Uliano Vezzani. Ce 3 septembre 2023 n’est, en tout cas, pas près de quitter les mémoires de ceux qui ont œuvré à polir ce diamant brut au potentiel hors norme. On imagine les larmes de Laure et Frédéric Aimez, qui ont vibré dès la Chasse derrière leur star, la joie de Philippe Guerdat, qui a, lui aussi, vécu la compétition à distance, celle de Christiane Guerdat, la maman de Steve, présente pour soutenir son fils, d’Emma Uusi-Simola, indéfectible groom de Steve - “la meilleure”, selon ses mots -, mais aussi celle partagée par tout le clan suisse, solidaire jusqu’au bout, à commencer par Martin Fuchs - qui s’envolera dans quelques heures pour Calgary, où il retrouvera… un certain Leone Jei, né Hay El Desta Ali, forfait pour la finale de ces Européens après avoir sauté déjà trois parcours à Milan sans compter la warm up -, Bryan Balsiger, Edouard Schmitz et tous les autres. 

Sortie de piste toute en émotion pour Steve Guerdat et son clan. © Mélina Massias       

“Je savais que Dynamix ne me laisserait pas tomber parce qu’elle est exceptionnelle”, Steve Guerdat

Dans un silence parfois glaçant, les douze sauts effectués par Dynamix et Steve Guerdat ont semblé durer une éternité. “Normalement, monter Dynamix est un pur moment de plaisir. Je peux pratiquer mon sport tout en profitant. Cela ne m’était jamais arrivé dans ma vie. Mais, aujourd’hui, j’avais tellement à cœur de bien faire et de ne pas la laisser tomber, que je n’ai pas vraiment profité. J’étais très concentré”, a même glissé le nouveau champion d’Europe en conférence de presse, où le médaillé de bronze s’est fait remarquer pour son absence... Pour le public, les fans et les nombreux polos rouges, élément distinctif du très soudé clan helvète, dressés aux abords de la piste Marco Fusté, le moment ne fut guère plus agréable, tant tout pouvait basculer à chaque instant. “Dynamix m’a semblé un peu plus fatiguée aujourd’hui. Il s’agit de son premier championnat et je suis content de la façon dont je l’ai gérée. Malgré tout, ma jument était en grande forme. Je savais qu’elle ne me laisserait pas tomber parce qu’elle est une jument exceptionnelle. Je suis fier de monter un cheval comme elle. J’ai eu beaucoup de cracks dans ma carrière, alors dire que Dynamix est la meilleure que j’aie jamais montée veut dire beaucoup. Nous avons toujours su qu’elle était spéciale, ou du moins nous l’espérions. Elle réunit toutes les qualités de mes anciens chevaux. Jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait pas le droit à sa photo dans mon manège, même si nous avons plein de super images de Dynamix. Cela m’a même valu une petite dispute avec ma femme ! Il y a beaucoup de grands chevaux affichés dans mon manège. La première chose que nous ferons demain sera d’y ajouter Dynamix”, a déclaré Steve Guerdat. Malgré une petite touchette, qui a coupé la respiration de bon nombre de personnes, tout s’est déroulé comme dans un rêve ou presque. Une Chasse parfaite, sans mettre Dynamix dans le rouge, une Coupe des nations négociée avec la manière, et une finale gérée aux petits oignons, avec, comme résultat, un score vierge de bout en bout. Deux cavaliers avant son tour, Steve Guerdat était même à pied, tentant de préserver les derniers brins d’étincelle de sa pépite. Depuis le temps qu’il sentait le potentiel de sa chère Dynamix… il a vu juste sur toute la ligne et cette victoire, magnifique et amplement méritée, lui a donné raison. Raison de l’avoir formée avec patience, loin de l’agitation médiatique de série lucrative, et de l’avoir toujours écoutée. Alors, cette après-midi à Milan, Steve Guerdat a savouré chaque instant de son moment à lui. Plaisantant tantôt sur le podium, saluant son public, qu’il a même rejoint en escaladant les tribunes pour retrouver ses proches, le Suisse a levé haut sa médaille et a même jeté sa bombe lors d’un tour d’honneur plein d’émotions.

Le regard d'une championne. © Mélina Massias

À la façon d'un joueur de tennis, Steve Guerdat a escaladé les tribunes de la piste Marco Fusté. © Mélina Massias

Dynamix de Bélhème, une extraterrestre sur le toit de l'Europe. © Mélina Massias



“Les éleveurs sont le point de départ de tout dans notre sport”, Steve Guerdat

À quelques mois des Jeux olympiques, l’incroyable jument Selle Français du numéro douze mondial, fille de Snaïke de Blondel et de la reine Soudaine du Montet (Cornet Obolensky, né Windows van het Costersveld), devrait rester sous la selle de son cavalier de longue date. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de saluer ses fidèles propriétaires, Sabina Cartossi, qui l'avait déjà soutenu en conservant Corbinian, lauréat de la finale de la Coupe du monde de Göteborg, en 2016, et continue de le faire avec l’attachant Vénard de Cerisy. “Il m’est arrivé de faire des cauchemars la nuit et de me réveiller en pensant que Dynamix avait été vendu. Heureusement, ses propriétaires m’ont dit que je pouvais dormir tranquille. C’est incroyable d’avoir des gens comme eux qui me soutiennent et qui m’aident à réaliser mes rêves”, a reconnu le champion. Et, en tout grand homme de cheval qu’il est, le Jurassien n’a pas manqué non plus de tirer son chapeau aux éleveurs, premier maillon de la chaîne, si souvent dans l’ombre et sans qui, pourtant, rien de tout cela ne serait possible. “Je me suis déjà demandé plusieurs fois comment récompenser davantage les éleveurs. J’ai un immense respect pour eux et ils sont le point de départ de tout dans notre sport, alors qu’ils ne gagnent pas énormément d’argent. Je ne suis pas quelqu’un de très sociable de nature, mais nous avons beaucoup de contacts avec les éleveurs de Dynamix et mon épouse leur envoie régulièrement des vidéos et des photos de la jument. Nous les avons même rencontrés en chair et en os au CSI 5* de Dinard cet été, où ils ont pu revoir Dynamix. Les éleveurs vivent à travers leurs chevaux et, oui, j'aimerais trouver une solution, où ils pourraient être plus intégrés dans le sport et le côté commercial. J'y ai pensé plusieurs fois, mais je n'ai pas de réponse (peut-être en réinstaurant une Prime aux naisseurs, ndlr). Je suis d'accord ; c'est quelque chose sur lequel nous devrions nous pencher. Aujourd'hui, je tiens en tout cas à remercier vivement les éleveurs de Dynamix. Ce sont des gens incroyables. J'espère que beaucoup d’éleveurs continueront leur travail à l’avenir, et que nous réussirons à trouver des idées pour les mettre en lumière. Malgré tout, ils continuent à contribuer grandement à notre sport et notre industrie”, s’est exprimé, avec la ferveur qu’on lui connaît, Steve Guerdat, répondant à une question de Studforlife sur le manque de reconnaissance du travail de ceux sans qui rien ne serait possible.

Facile pour Dynamix. © Mélina Massias

Zineday, un autre crack en pleine ascension

Zineday, en voilà un autre nom qui pourrait faire des étincelles à Paris. À tout juste neuf ans, l’alezan de Philipp Weishaupt n’en finit plus de briller. Troisième du Grand Prix CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle en juillet, le styliste fils de Zinedine, qui, comme Dynamix, concourt sans guêtres postérieurs, est encore entré dans une nouvelle dimension cette semaine. Remarquable tout au long de la compétition, celui qui fut formé par des “cavaliers pas trop mauvais”, Richard Vogel et Christian Kukuk a offert l’argent en individuel à son cavalier, qui disputait là son deuxième grand championnat seulement. Et bonne nouvelle, le Westphalien né chez Franz-Georg Ottmann, à Riesenbeck, est, normalement, sécurisé pour son pilote allemand. “Je savais, il y a deux ans de cela, lorsque Zineday a intégré mon piquet de chevaux, quelle était sa qualité. Alors, je me suis dit qu’il fallait absolument que je trouve une solution pour le garder. Alice Lawaetz, qui est originaire des Etats-Unis et est d’un immense soutien pour moi, me permet de le conserver, tout comme Coby 8, dont elle est aussi propriétaire. Si nous recevons des offres pour lui, je ne dois pas m’inquiéter ; juste dire non. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais eu une telle opportunité. C’est formidable. Jusqu’alors, tous mes chevaux étaient vendus lorsqu’ils arrivaient à haut niveau. Avec Zineday, je peux vraiment prévoir l’avenir, établir le meilleur plan pour lui. C’est une chance incommensurable ; je pense que tout le monde peut imaginer la valeur de tels chevaux sur le marché actuel”, a précisé l’Allemand, ravi de sa position. “Être derrière Steve n’est pas nul du tout ! Bien sûr, j’aurais aimé être à sa place, mais il a été le seul à rester sans-faute toute la semaine. Son titre est mérité.” 

Ceux qui ne le savaient pas encore le savent désormais : Zineday est de la trempe des champions. © Mélina Massias



Lorsqu’il parle de son complice, Philipp Weishaupt ne tarit pas d’éloges. “Je pense que la jument de Steve et Zineday ne sont pas très loin en termes de qualité. Zineday a seulement neuf ans. En début d’année, Milan n’était pas du tout un objectif pour lui. J’y suis allé étape par étape, concours par concours avec lui. Je voulais le garder dans l’ombre et m’assurer que les gens ne me posent pas trop de questions à son sujet ni ne me demande à quel point il est bon. Et puis, après Aix-la-Chapelle, ce n’était plus possible ! Même une personne non-voyante se rend compte à quel point ce cheval est talentueux. En venant ici, à Milan, je me suis dit qu’il allait prendre de l’expérience. Je n’avais aucune attente. Je sais que Zineday est super, alors j’ai juste essayé de le garder calme. Nous avons commis une faute vraiment stupide dans la seconde manche de la Coupe des nations sur le numéro 3. Je crois que nous avons été les seuls à commettre cette erreur. Samedi il était encore très frais, ce qui était un peu surprenant, et aujourd’hui il a été fantastique sur les deux parcours. Je n’ai pas encore trouvé ses points faibles ; il peut tout faire, sauter à main droite ou à main gauche, se satisfaire de places courtes ou longues, etc.” De quoi laisser présager de grandes choses au sein du Mannschaft pleine d’atouts. 

Quelle classe, ce Zineday. © Mélina Massias

La France renoue avec le goût de la médaille

Grand absent de la conférence de presse qui a suivi le dénouement de la finale de ces championnats d’Europe, Julien Epaillard devait tout de même être satisfait du comportement de sa Dubaï du Cèdre. Tout au long de la semaine, l’alezane, qui défend fièrement le label Selle Français Originel si cher à certains, a sauté avec beaucoup de marge et d’aisance, comme rarement auparavant. Ses naisseurs, Perrine Cateline et Sylvain Pitois rêvait de la voir affronter le haut niveau. Aujourd’hui, leurs vœux ont été plus qu’exhaussés. 

À juste titre, le Normand estime avoir encore “plein de choses à découvrir” avec Dubaï, et une certaine marge de progression. Il faut dire que ces deux-là ne sont associés que depuis décembre dernier. Son ancienne cavalière, Margaux Rocuet, qui était particulièrement attachée à sa complice a dû ressentir une certaine émotion face à cette récompense. 

Dubaï du Cèdre. © Mélina Massias

Cette médaille, tant attendue depuis le sacre olympique de Rio, sous la baguette du magicien Philippe Guerdat, vient aussi récompenser l’élevage français, qui ne comptait, au départ de ce rendez-vous continental, que cinq représentants. Finalement, sur les quatre-vingt-cinq chevaux au départ, trois ont terminé dans le Top 8 ! En plus de Dynamix, parée du plus beau métal, et Dubaï, en bronze, l’excellente GL Events*Dorai d’Aiguilly a pris la huitième place du classement final. Pénalisée par deux parcours à quatre points lors des deux manches de la finale dominicale, la belle et son cavalier (et naisseur !), Olivier Perreau, se sont distingués, après une superbe semaine, pleine de belles choses et de grandes promesses… qu’il faudra confirmer. 

Olivier Perreau et sa Dorai d'Aiguilly ont réalisé une immense performance à Milan. © Mélina Massias



La Suède craque et Ben Maher reste (encore) au pied du podium

Perchée sur une barrière, sa feuille de résultat à la main, Di Lampard y a cru jusqu’au bout. Peut-être plus encore que son cavalier lui-même. Et pourtant ! Comme à Herning l’an dernier, Ben Maher, qui s’est parfaitement rattrapé après une Chasse en demi-teinte sur son exceptionnel Faltic HB, a terminé au pied du podium. Cruel, très cruel pour le Britannique qui, après un début d’année compliqué par une blessure, est en pleine forme, tout comme son fils de Baltic VDL. Malheureusement, le sort semble s’acharner pour le champion olympique en titre. Manque de chance aussi pour Jens Fredricson qui, après un début de championnat tonitruant a dû composer avec une petite baisse de forme de son Markan Cosmopolit, moins aérien que les jours précédents. Alors qu’il était en tête avant la première manche, le Suédois a craqué une fois, laissant Steve Guerdat seul au sommet, puis une seconde, le privant de tout espoir de médaille individuelle. 

L'adorable Faltic HB est encore passé tout près d'une médaille. © Mélina Massias

En tête depuis la Chasse, Jens Fredricson a laissé échappé deux fautes, une dans chaque manche de la finale, avec Markan Cosmopolit qui devra encore attendre pour décrocher une médaille en individuel. © Mélina Massias

Juste derrière la paire, Henrik von Eckermann, qui serrait le poing à l’issue de son premier tour impeccable sur Iliana, a dû se contenter du sixième rang. Septième, Max Kühner conclut une bonne semaine milanaise, où il s’est offert le bronze par équipe, avec son fidèle Elektric Blue P, une fois de plus au rendez-vous.

Iliana. © Mélina Massias

Outre le sacre d’un beau vainqueur, qui n’avait pas encore cette médaille dans sa collection, une semaine de compétition haletante et des parcours parfaitement construits, comme l’a notamment salué avec beaucoup de sincérité Philipp Weishaupt, les championnats d’Europe de Milan ont aussi récompensé les grooms, si souvent dans l’ombre et pourtant tellement importants. Alors bravo aussi à Emma Uusi-Simola, Lisa Fundis et Caroline Bellouet, les petites mains qui s’occupent avec grand soin de Dynamix de Bélhème, Zineday et Dubaï du Cèdre.

Emma Uusi-Simola, la bonne fée de Dynamix de Bélhème, n'a pu retenir ses larmes. © Mélina Massias

Les résultats complets ici.

Photo à la Une : Steve Guerdat embrasse sa médaille d'or sur Dynamix de Bélhème. © Mélina Massias

Toutes les épreuves des championnats d’Europe de Milan sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.