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Lorenzo de Luca, la renaissance italienne

Reportages lundi 21 novembre 2016 Julien Counet

On ne l'arrête plus ! Que ce soit avec Ensor de Litrange, Limestone Grey, Halifax vh Kluizebos, Balou de Coeur Joye ou encore Armitages Boy, les résultats s'enchainent semaine après semaine. 

Ces dernières années, l'Italie a semblé décrocher de l'élite mondiale du saut d'obstacles dont elle faisait partie. Pourtant cette année, c'est le grand retour des cavaliers transalpins qui ont trusté les victoires sur les plus beaux concours grâce à Emmanuele Guadiano, Piergiorgio Bucci ou encore Alberto Zorzi mais surtout grâce à leur chef de file, Lorenzo de Luca qui a fait son entrée dans le top 30. À vingt-neuf ans, le jeune homme a réalisé une année 2016 fantastique. Fin 2014, l'Italien quittait les écuries de Neil Jones pour rejoindre celles de Stephex après un magnifique Grand Prix de Genève. Depuis, il n'a cessé de grimper dans la hiérarchie mondiale pour se retrouver aujourd'hui à la vingt-neuvième position du classement mondial.

Ensor de Litrange (Nabab de Rêve x Mr Blue x Chin Chin) n'est autre qu'un petit fils de l'internationale Qerly Chin, fondatrice de la dynastie d'où viennent tant de crack comme Narcotique II & IV, Go Easy de Muze, Vagabond, Giovani de la Pomme et tant d'autres.

Quels ont été vos premiers contacts avec les chevaux ?

J'avais neuf ans. J'ai toujours aimé les chevaux. Nous avions une maison de vacances avec ma famille près de la plage où nous allions durant l'été et à chaque fois que nous allions à la plage, nous passions devant des écuries puis une fois, nous nous sommes arrêtés et je ne suis jamais descendu du cheval ! Personne de ma famille n'était dans les chevaux. C'est assez étrange finalement cette passion. Je dois bien avouer que j'ai toujours aimé les animaux et particulièrement les chevaux, puis à partir du moment où j'ai commencé à monter, tout s'est enclenché. C'était comme une drogue. Lorsque je me suis mis à cheval, nous avons alors trouvé une écurie près de la ville où nous habitions qui était à trente minutes de la maison. La première fois que j'ai monté, c'était donc juste sur la plage. Quand j'ai commencé à monter en ville, j'ai aussi débuté les petits concours. Je n'aurai par contre monté que durant trois mois des poneys en concours. Je suis ensuite passé à cheval avec des concours de 80 cm, 90 puis 1 mètre comme tout le monde. J'ai fait quelques reprises de dressage comme l'exige le règlement en Italie pour pouvoir monter de niveau mais le saut d'obstacle a toujours été le but.

Comment ont réagi vos parents ?

Ils étaient heureux car ils ont vu que j'étais vraiment intéressé par ce sport. Vous devez faire des concessions. Vous ne pouvez pas sortir avec vos amis car c'est un sport qui prend beaucoup de temps. Vous commencez tôt à l'école puis vous enchaînez avec les chevaux. Du coup, vous êtes un peu en dehors des problèmes. Quand on est jeune, on a tendance à traîner et faire des bêtises. Avant de débuter l'équitation, je m'étais essayé à d'autres sports comme la natation, le tennis … j'ai toujours aimé le sport. Quand j'ai vraiment commencé à m'impliquer dans l'équitation, j'ai arrêté les autres sports. J'ai commencé à monter de manière de plus en plus régulière en montant de plus en plus de chevaux. C'était amusant.

Vous avez débuté dans un poney club comme monsieur tout le monde mais comment s'est passé la suite ?

Dans le sud de l'Italie, il n'y avait pas tant d'écurie que cela. Il y avait trois écuries aux alentours mais pas une de plus. J'ai bougé de l'une à l'autre parce que mon père ne voulait pas m'acheter un cheval et ils ont commencé à comprendre que c'était un sport coûteux, ce qui les effrayait un peu. C'était une histoire amusante car mon père avait une société de construction de routes. Dans la première écurie où j'étais, l'entraîneur a bâti de nouvelles écuries et mon père lui a construit des routes pour lui autour, mais il ne l'a pas payé alors finalement, mon père a accepté un cheval mais il s'est avéré que c'était un très mauvais cheval ! Il s'arrêtait et a juste réussi à me faire perdre confiance au passage. Peut-être que mon père a voulu me dégoutter mais non, en fait, il ne connaissait rien et s'était dit que c'était une bonne chose pour moi qui au moins avait le mérite de régler la situation. J'ai alors changé d'écurie vers un entraineur qui était également marchand. J'ai commencé à monter beaucoup de chevaux pour lui et sauter de plus en plus. C'est là que je me suis dit que cela pourrait devenir mon travail dans le futur. Au début, ma famille a insisté pour que je termine mes études. Je pouvais faire ensuite ce que je voulais tant que j'arrivais à subvenir à mes besoins. J'ai donc d'abord terminé mes études à 18 ans puis j'ai bougé vers Rome dans des écuries un peu plus grandes  mais je n'y suis resté que six mois car après j'ai reçu une meilleure offre au nord de l'Italie où je suis resté cinq ans. C'était une écurie de commerce mais j'avais également des sponsors qui me soutenaient pour le sport. Cela marchait très bien et j'ai pu faire de plus gros concours avec de meilleurs chevaux. Il faut bien admettre qu'au moment où j'ai décidé de quitter ma maison, c'était avec le but d'atteindre le plus haut niveau. J'ai essayé de faire tout pour cela et quand j'ai vu qu'en Italie, cela allait être compliqué, j'ai voulu aller voir ailleurs. Je ne savais pas où mais finalement, je suis arrivé en Belgique chez Neil Jones puis au bout d'un an et demi, j'ai commencé à collaborer avec Stephan Conter en étant toujours chez Neil. Cela a été de mieux en mieux avec des chevaux de plus en plus performants puis il m'a demandé de venir travailler chez lui. J'avais rencontré Neil Jones dans quelques concours puis une fois, nous avons parlé ensemble et il m'a proposé de venir chez lui. J'avais 24 ans, c'était une bonne opportunité. Maintenant, cela fait cinq ans que je suis en Belgique.

Vos parents ont accepté votre décision de vous voir partir tenter votre chance de cavalier professionnel ?

Mon père était certes un peu déçu puisqu'il espérait que j'allais reprendre sa succession dans sa société d'autant que je suis l'aîné de la famille même si j'ai également une s?ur. Ça leur faisait peur car ils ne connaissaient rien au sport et n'avaient aucune idée de savoir si je pouvais le faire comme travail. Ils ne connaissaient rien aux chevaux et m'ont donc dit : « si tu pars, on ne te donne pas un euro mais tu peux faire ce que tu veux ». Maintenant, dans ma tête, je me suis toujours dit que je ne voudrais pas leur demander quoi que ce soit et que j'essaierai de trouver une solution par moi-même et ça a été dur au début. Par contre, je ne me suis jamais dit que si ça ne marchait pas, je reviendrais au sein de la société. C'était quelque chose d'inenvisageable pour moi. Au début, c'était vraiment dur car je ne connaissais personne mais je pense que c'est bien d'évoluer étape par étape. Cela permet d'apprécier d'autant plus les choses.

Vous disiez que vous vouliez dès le départ évoluer au haut niveau mais que connaissiez-vous vous-même du haut niveau ?

Juste ce que j'en avais vu à la télévision. Ensuite, je me suis rendu à Rome puis Vérone. J'allais voir ces concours, c'était les deux plus gros concours italiens avec mon entraîneur. Je restais là toute la durée du concours pour regarder les cavaliers s'entraîner. C'était comme un rêve.

Lorsque vous êtes arrivés chez Stephex, vous n'étiez pas aussi connu que maintenant. Travailler avec Daniel Deusser vous semblait une belle opportunité ou vous vouliez faire les choses par vous-même ?

Je suis quelqu'un de très ouvert qui espère apprendre de tout le monde … même simplement en étant au concours lorsqu'on parle avec l'un ou l'autre cavalier. C'est quelque chose d'important et même en étant ici chez Stephex, je m'entraîne toujours avec Henk Nooren qui a été le premier véritable entraîneur que j'ai eu lorsque j'étais toujours en Italie. J'ai eu beaucoup de gens qui m'ont aidé avant cela mais les premières bases, c'est véritablement à Henk Nooren que je les dois. J'ai réalisé avec lui qu'il y avait beaucoup de travail dans mon équitation si je voulais y arriver mais il a été super et il est toujours super avec moi. Il y a toujours du travail d'ailleurs et nous collaborons toujours aussi bien. Je l'appelle dès que j'ai des suggestions ou des questions sur des exercices. Il me connaît bien et je crois vraiment dans son système, ce qui crée une bonne combinaison. Evidemment lorsque nous faisons partie de l'équipe italienne, nous pouvons également compter sur notre chef d'équipe. Hans Hoorn est quelqu'un de fantastique avec qui on peut travailler le matin tous ensemble et il donne toujours de bons conseils. Néanmoins, je me plais vraiment dans la méthode d'Henk Nooren. Pour moi, c'est vraiment ce que l'on souhaite car il veut avoir toujours des chevaux relax et j'aime ce système. L'an dernier, j'ai vraiment senti que j'avais besoin de retravailler avec lui et j'ai demandé l'autorisation à Stephan Conter. Les résultats s'en sont directement ressentis. Tout a été de mieux en mieux. C'est toujours bon d'avoir quelqu'un qui vous suit, vous donne des suggestions.

Travailler chez Stephex, cela implique parfois de magnifiques surprises quand vous recevez des chevaux comme Ensor de Litrange mais aussi de mauvaises surprises quand des chevaux comme Zoe, qui est arrivée avec vous, change d'écurie. Comment le vit-on ?

Nous en parlons systématiquement. Nous parlons d'ailleurs de tout ce qui se passe dans les écuries. Il y a un très bon groupe de chevaux et nous essayons toujours de faire en sorte que les chevaux puissent donner le meilleur d'eux-mêmes. L'an dernier, je n'ai pas eu trop de résultats avec Zoe et du coup, Stephan a proposé que Daniel la monte. Pour moi, c'est évidemment difficile à vivre d'autant que c'est le seul cheval que je monte depuis aussi longtemps. C'était le meilleur cheval avec qui j'ai pu sauter les plus gros Grand Prix au monde en premier lieu mais dans la vie d'un cavalier, vous ne devez pas être individualiste. C'est facile de prendre les réactions quand tout va bien mais les choses les plus dures vous permettent de progresser. Je suis heureux et je ne souhaite à la jument que de bien performer avec Jérôme Guery désormais. Zoe II (Kannan) a intégré les écuries Stephex avec Lorenzo De Luca.

À demain pour la suite !

Photo à la Une : Julien Counet