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Xavier Marie, l'avenir comme obsession. (7)

Interviews lundi 30 mai 2011
Xavier Marie, l'avenir comme obsession. (7) SFL : En pratiquant des prix de saillies assez bas, n'avez-vous pas peur d'inciter certains éleveurs à utiliser des juments qui n'en valent pas la peine et de faire une contre-publicité à vos étalons ?

X.M. : « Bien sûr que si… et au fond, ce n'est pas le souci. Bien sûr que l'on aimerait qu'un étalon aille directement aux meilleures juments de l'élevage. Mais bon, cela ne se passe jamais chez un jeune ! On voit d'ailleurs que la réussite de la carrière d'un jeune étalon tient parfois à très peu de choses. Je pense donc qu'il faut donner la chance à un jeune étalon de faire un maximum de juments, l'opportunité d'avoir un maximum de produits et sur ce maximum de produits, il y a la loi du nombre et il y aura de bons produits.

En fait, il y a beaucoup de manière d'aborder la question et j'en suis conscient. Pour Soliman en Allemagne, par exemple. Il avait été précédé d'une forte publicité puisqu'il avait gagné son approbation et avait été acheté un prix élevé, à mon grand dam, mais en Allemagne le modèle fonctionne dans la mesure où le prix est égal à un nombre important de juments derrière, parce que cela fait le buzz. C'est un modèle que reproduit Schockemoehle chaque année… et comme nous voulions préserver le cheval et ne pas risquer qu'il fasse 400 ou 500 juments, nous avons décidé de le mettre à 1200 euros.

Vivaldi du Seigneur (Chellano x Heartbreaker x Darco) est issu d'une mère et d'une grand-mère internationale. C'est la première fois qu'un jeune cheval en Allemagne était mis à un prix aussi élevé. L'année suivant Schockemoehle a fait la même chose avec Diarado sauf que lui a aussi cherché le volume. Mais pour nous, cela a aussi été un moyen d'aller directement aux bonnes juments et de sélectionner et au lieu de faire 300 ou 400 juments comme c'est traditionnellement le cas lorsque des étalons plaisent, il en a fait moitié moins mais je pense que ça l'a aidé à aller vers de bonnes juments. Maintenant, c'était spécifique, c'était le gagnant, il y a eu beaucoup de pub … pour un jeune étalon, c'est beaucoup plus compliqué que ça. Ensuite, c'était tout un contexte, c'était l'Allemagne alors qu'ici, c'est la France ! Pour le marché français, le plus gros étalonnier en France et le seul à avoir des résultats en nombre de saillies avec de jeunes étalons, ce sont les Haras Nationaux. Vivaldi du Seigneur & Matelème Je n'ai que de jeunes étalons et lorsque je démarre, il faut que j'arrive à me faire une place pour qu'ils puissent faire des juments sinon on ne saura pas ce qu'ils valent alors que si je les ai achetés, c'est que j'ai la conviction qu'ils sont bons. Nous avons en plus fait l'erreur de commencer avec trop d'étalons. Non pas en terme de qualité mais trop proposé en même temps qui, de ce fait, se répartissent le marché. Donc au fond, pour moi, la seule manière de rendre compétitif ces jeunes étalons et faire en sorte qu'il fasse le maximum de juments, c'était de se mettre aux conditions des Haras Nationaux. A gauche, Vivaldi du Seigneur & Matelème et à droite, Que Guapo & Banda Le point de départ n'a dès lors pas été de faire du dumping contrairement à ce qui a été dit par certains, on s'est juste aligné sur les conditions des Haras Nationaux, c'est-à-dire un jeune étalon au HN, c'est entre 3,4 ou 600 euros poulain vivant. Nous n'avons fait que nous caler sur ce modèle en étant néanmoins souvent un poil plus cher que les Haras Nationaux. Cosinhus Ce sont des conditions qui sont propres aux jeunes étalons, je suis éleveur et je sais que ce n'est pas évident d'aller vers un jeune qui n'a pas fait ses preuves. Si je n'ai pas un intérêt économique et que je ne suis pas aidé par l'étalonnier, notamment avec la notion de poulain vivant qui aide beaucoup, quel intérêt puis-je avoir ? Songe de Toscane (Indoctro x Quick Star) est issu d'une soeur utérine de l'étalon Jadis de Toscane et la championne de France des 7 ans, Karla de Toscane. Mais autant, nous n'avons rien inventé puisque c'était un modèle des haras nationaux … autant ce modèle de garantie poulain vivant n'existait pas en Allemagne, en Hollande et était assez peu présent en Belgique, donc nous avons décidé de le faire également sur ces pays-là où nous avions également des ambitions et cela marche bien. Levistan (Levisto x Argentan) Néanmoins, cela correspond à une promotion d'une politique des jeunes chevaux mais ensuite lorsque nos jeunes étalons auront fait leurs preuves par le sport et par leur production, seront-ils toujours poulain vivant ? Honnêtement, je pense qu'on aura du mal à sortir de cette logique là mais les prix ne seront plus les mêmes, c'est une chose sûre et certaine. » Spartakhus (Stakkato x Sherlock Holmes), propre frère de Saint Amour. SFL : Là justement, on se rend compte que la collection d'étalon est telle qu'il faut faire des choix pour le catalogue pour savoir qui est distribué ou qui ne l'est pas. Est-ce un choix difficile ? Comment le faites-vous ? X.M. : « Non, ce n'est pas un choix difficile car nous avons quelques règles. Au fil du temps, les étalons qui ne nous ont pas convaincus par leur production, nous les avons éliminés ainsi que ceux qui n'avaient pas assez de réponse du marché. Par exemple, nous avons enlevé Balthazar que nous avions assez peu utilisé nous-même car ce n'est pas un cheval extrêmement chic d'autant qu'il est doté de beaucoup de blanc, il n'a pas vraiment le modèle qui fait rêver les éleveurs et moi le premier. Balthazar (Balou du Rouet x Grosso Z) Lorsqu'on a vu qu'il ne saillissait que 2-3 juments, on s'est dit que ça ne servait à rien. Pour les mêmes raisons, nous ne l'avons utilisé que deux fois en se disant qu'il collait bien et là, on vient de tester les deux premiers produits et notre conclusion est qu'il faut l'utiliser plus. Nous allons donc le réutiliser. D'ailleurs, nous en avons assez parlé avec Kevin et il n'est pas exclu que nous l'utilisions sur Silvana. Comme de quoi, un étalon pas spécialement connu, pas spécialement magnifique mais doté d'une qualité physique assez hors du commun qu'il transmet énormément, peut nous sembler intéressant et compenserait bien les quelques défauts de Silvana. Nous avions donc retiré cet étalon par manque de succès mais il y a aussi des étalons que l'on a retiré et que l'on va retirer au fil de l'eau. Nous avons retiré Cirhus car la production ne nous a pas convaincue … même si il y en a un qui semble très bon. Pour moi, il est hors de question de maintenir un étalon si je n'ai pas la conviction que c'est un étalon intéressant. Ceci concerne la sortie des étalons, mais il se pose également la question de l'entrée dans le catalogue car nous avons encore beaucoup de jeunes derrière. Nous avons beaucoup d'étalons et parfois, c'est très bien … mais en même temps parfois le choix est un peu noyé et je peux comprendre un éleveur qui se dit qu'on ne peut pas avoir autant d'étalons et qu'ils soient tous très bons. Pour cette raison, je ne veux pas augmenter le piquet trop vite même si je pense que nous en avons sincèrement beaucoup de très bons. Nous avons dès lors décidé de les faire entrer plus tard après avoir nous-mêmes validé un certain nombre de choses. C'est-à-dire : avoir tout d'abord validé leur agrément au Selle Français car cela facilite beaucoup les choses pour le marché français. Cela nous a beaucoup handicapé au départ et nous n'avons pas vraiment été aidé là-dessus. Pour un jeune étalon, le fait d'être agréé SF multiplie par 3 sa capacité à faire des juments. Idéalement, nous les laissons sur le site au cas où un éleveur en ferait la demande mais nous n'en faisons pas la promotion, nous faisons nous-mêmes au moins un ou deux poulains pour tester. Churchill, même si nous l'aimons beaucoup et qu'il s'agit d'un produit né ici qui est un fils de Con Air issu de notre première génération, nous avons décidé de lui laisser d'abord faire les 4 ans avant de le rentrer dans le catalogue même si nous aurons déjà 2-3 naissances cette année qui devraient nous aider à décider de son avenir d'autant que nous l'avons utiliser sur des juments sur lesquels nous avions utilisé Con Air et Conrad donc nous allons pouvoir comparer et en fonction de ces critères-là, on va pouvoir décider. » SFL : Comment choisissez-vous vos croisements ? Est-ce que c'est vous qui le faites ? Est-ce votre responsable élevage, Guillaume Gauthier  ? X.M. : « Nous faisons ça en équipe. C'est une des rares choses sur lesquels je suis très présent alors que dans les autres domaines, je délègue beaucoup… même si je suis tout. Les croisements et les évaluations des poulains, on le fait en équipe. Le Prestige St Lois* de Hus Là, nous venons de regarder ceux que nous aimions beaucoup et ceux que nous aimions moins selon nos critères. Après l'an dernier, nous avons vendu plein de poulains et il y en aura des tops dedans mais voilà, c'est le jeu et je n'aurai aucun état d'âme à aller racheter un poulain que j'avais vendu.

Cela est déjà arrivé, j'ai essayé de racheter tout récemment une pouliche de 3 ans qu'on a vendu foal parce qu'elle est top… et je n'ai pas réussi tant pis. Au fond, je segmente bien les activités et l'élevage fait naître et doit trouver, pas sa rentabilité car c'est très difficile, mais sa quasi autosuffisance, ce qui est possible.  »

SFL : C'est ce qui tourne le mieux actuellement ? X.M. : «  Non, c'est le dressage. Bizarrement, ce qui ne marchait pas du tout au départ. Aujourd'hui, nous avons une grosse activité commerciale sur les jeunes chevaux. Nous manquons de chevaux constamment. Il faut bien se rendre compte qu'il y a deux ans d'écart entre le dressage et les autres activités et cela joue beaucoup. On a fait nos preuves et nous sommes désormais acceptés par la filière car nous avons fait nos preuves en élevage, en étalonnage en Allemagne et ici, de fait, car il n'y a que 300 juments de dressage en France, nous avons fait nos preuves en compétition en jeunes chevaux où l'on a vu que ce n'était pas qu'une année, ni un cavalier mais que c'était bien la qualité des chevaux. Jessica Michel et Swing de Hus, vice-champion des 4 ans 2010 Nous avons même fait des Top Price à des ventes en Allemagne avec des poulains nés ici ce qui, pour un éleveur français en dressage, reste quand même une énorme fierté. J'ai été très fier de cela car le premier poulain de dressage né ici et que j'ai fait naître est issu d'un étalon hollandais et d'une mère allemande, ce qui reflétait déjà la philosophie du haras et a été approuvé et primé au Oldenburg. C'était le premier né ici, il s'appelait d'ailleurs First de Hus et la deuxième année, un autre produit fait vice-champion. C'était pas mal d'autant que c'était sur une dizaine de naissances. SFL : Justement, on voit le décalage entre l'obstacle où vous avez été très vite et avez beaucoup investi pour atteindre des sommets et le dressage, qui est toujours en construction. Ce n'est pas paradoxal ?

X.M. : «  Cela a été un philosophie différente. Je vais prendre un grand raccourci mais on construit un cavalier d'obstacle en 4-5 ans et un cavalier de dressage en 15 ans ! Je pense qu'il y avait plus à gagner à former quelqu'un comme Jessica avec les meilleurs entraineurs comme Hans, pour qu'elle puisse former ses chevaux plutôt que d'acheter du clé en main.

D'ailleurs, on se serait viandé. La seule fois où on l'a fait, c'était avec Wordly et c'est un cheval qui ne correspond pas à son équitation. Je pense vraiment qu'on a eu la bonne vision là-dessus en se disant qu'il fallait construire la cavalière. Il faut évidemment partir avec des chevaux de talent et de potentiel ainsi qu'une cavalière et fabriquer tout le monde. » SFL : Que peut-on vous souhaiter pour l'avenir ? X.M. : «  De bien réussir car pour le moment, cela a été une phase de construction. Les choses s'installent et commencent à prendre corps. Que Jessica aille jusqu'au bout et ait de très bons résultats, pareil pour Kevin … En fait, nous avons énormément de chance car on peut dire qu'on en a brassé pour arriver à ce que l'on a mais au fond, on a Kevin dont personne, ni lui, ni moi, ne s'attendions à ce qu'il devienne n°1 mondial si vite. Quand on a eu ces objectifs avec Jessica au départ, honnêtement, tout le monde nous a pris pour des rigolos… et à chaque fois, ce que l'on a fait s'est traduit par du résultat. On s'est fixé dès le début, en ayant été acheté les chevaux il y a 5 ans, de participer aux JO de 2012. Je ne sais pas si ce sera le cas l'année prochaine car ça va être vraiment très juste au niveau de la formation de ces chevaux … mais on y croit et ça, c'est extraordinaire. Alors ce qu'on peut nous souhaiter, c'est de continuer à croire et à réaliser ce en quoi on croit. Si ça se passe, c'est fantastique, mais avec Kevin, on a déjà une chance inouïe. »

FIN