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Steve Guerdat fait parler l’expérience à Bordeaux et devance les jeunes Jeanne Sadran et Harry Charles

Minka
Sport samedi 3 février 2024 Mélina Massias

Pour Jeanne Sadran et Harry Charles, comme pour leurs formidables complices, Dexter de Kerglenn et Novio vd Donkhoeve, alias Sherlock, le talent n’attend pas le nombre des années. Mais parfois, l’expérience combinée au génie permet de faire la différence. Face à des tribunes pleines à craquer, Steve Guerdat a mené à la victoire et révélé sa pépite Is-Minka, une fille de Mylord Carthago, décidément fort bien représenté dans cette étape de la Coupe du monde Longines. Tous issus de la formidable génération 2013, ces trois chevaux de onze ans ont montré l’étendue de leur talent dans un Grand Prix ayant permis de mettre en lumière de nouveaux visages.

Le patron, c’est lui. Samedi 3 février, Steve Guerdat a fait vibrer tout Bordeaux, grâce à deux parcours impeccables aux rênes de sa jeune pépite, Is-Minka, une fille de l’omniprésent Mylord Carthago, ancien complice de Pénélope Leprevost et fleuron de l’élevage de Paule et Jean-Louis Bourdy-Dubois. Pourtant, il y a deux ans, le Suisse, sacré champion d’Europe l’été dernier avec Dynamix de Bélhème, sa reine, n’était pas en mesure de signer une performance comme celle réalisée dans l’avant-dernière étape du circuit de la Coupe du monde Longines, édition 2022-2023. En pleine phase de reconstruction, le perfectionniste de la première heure faisait le dos rond, attendant que passe le mauvais temps. Jeunes, ses montures avaient besoin de s’aguerrir, de prendre du galon pour embrasser le chemin écrit par les Jalisca Solier, Nasa, Nino des Buissonnets, Paille de la Roque et autres Bianca avant elles. En donnant le temps au temps, en rongeant son frein et en écoutant chacun de ses complices, le champion olympique de Londres a semé des graines, arrivées à maturité ces derniers mois. Son titre européen en est une preuve, de même que l’état de forme exceptionnel affiché la saison passée par un autre Selle Français, Venard de Cerisy, lauréat du prestigieux Top Ten Rolex IJRC à Genève en décembre… échéance à laquelle Steve n’avait pu participer douze plus tôt, la faute à une vingt-cinquième place au classement mondial Longines des cavaliers. Et puis, plus récemment encore, le Jurassien a fini de récolter le fruit de son travail, avec l’éclosion tant attendue du sensible et puissant Double Jeu d’Honvault et la brillante Is-Minka, qui a déployé ses ailes en Gironde. Dans cette spirale positive, Looping Luna, déjà remarquée sous la selle de Richard Vogel, ou encore Lancelotta, fraîchement arrivée au sein de son piquet de chevaux, pourraient suivre la même trajectoire. Quoi qu’il en soit, et plus encore que jamais, le Suisse prouve, ou plutôt confirme une énième fois, sa capacité à préparer les joyaux de demain et à suivre ses plans. Il y a déjà deux mois, Steve Guerdat avait annoncé octroyer une période de repos à ses deux stars que sont Dynamix et Venard, pour prendre le temps de façonner ses autres diamants, en vue de la finale de la Coupe du monde.

Is-Minka a littéralement survolé les obstacles dans l'acte initial de l'étape de la Coupe du monde Longines de Bordeaux. © Mélina Massias



“La chose qui me fait vraiment plaisir est que je crois vraiment beaucoup en cette jument depuis ses sept ans. J’ai mis un peu de temps à avoir le déclic avec elle. En fait, il a eu lieu aujourd’hui. Tout est allé assez vite et facilement jusqu’à 1,40, 1,45m. Ensuite, chaque étape a pris beaucoup de temps. J’étais sûr qu’elle finirait par gravir la dernière marche, donc j’ai juste essayé de ne rien changer, de simplement lui laisser le temps de prendre confiance en elle et se régler sur la hauteur. Dans ce genre de situation, le plus dur est justement de ne pas changer son fonctionnement. L’expérience aide un peu. Je ne savais pas que ce serait ce soir, mais j’étais persuadé que cela allait payer un jour. Je suis content que cela soit arrivé plus vite que prévu. Is-Minka aurait dû me quitter après le concours de Saint-Lô l’année passée. Les papiers étaient faits, elle devait partir en Amérique. Nous devions la déposer à Paris sur la route du retour, mais elle a remporté le Grand Prix. Mon beau-père a décidé de la racheter et m’a dit qu’elle ne me quitterait pas. Je suis donc très content pour lui aujourd’hui, cela lui montre qu’il a eu raison de nous faire confiance car Is-Minka démontre tout son talent. Cette victoire me fait extrêmement plaisir”, a commenté l’heureux lauréat en conférence de presse, toujours plein de sagesse.

La fille de Mylord Carthago a remporté sa plus belle victoire à Bordeaux, la première à ce niveau. © Mélina Massias

La jeune garde en impose… 

Des leçons, Steve Guerdat en aurait sans doute des milliers à transmettre. Son retour au sommet, plus fort et plus solide que jamais, et sa capacité à traverser l’adversité devraient être autant de sources d’inspirations pour celles et ceux à qui il a barrer la route dans le temps fort du CSI 5*-W de Bordeaux. À vingt-deux et vingt-quatre ans, Jeanne Sadran et Harry Charles seront inévitablement amenés à connaître des moments moins glorieux dans la longue carrière qui se profile devant eux. Mais au Parc des expositions de Bordeaux, l’ambiance était à la fête. Evidemment, la Française et le Britannique, deux et troisième sur leurs respectifs Dexter de Kerglenn et Sherlock, né Novio vd Donkhoeve, auraient rêvé de chiper la victoire au numéro quatre mondial, mais leur satisfaction était totale. Et il y avait de quoi !

Dans un barrage à six, pour trente-cinq départs et un plateau globalement peu aguicheur - la faute, notamment, à un calendrier international saturé et le télescopage du début de la nouvelle Ligue des nations Longines et l’historique circuit hivernal de la Fédération équestre internationale (FEI) -, Steve Guerdat a régné en maître. Premier à s’élancer dans la finale au chronomètre, l’Helvète a mis tout le monde d’accord en arrêtant le temps en 40’’34. Harry Charles et son bai par Bisquet Balou vd Mispelaere auquel il porte un amour émanant de chaque cellule de son corps, si bien qu’il a affirmé que si les Jeux olympiques avaient eu lieu un an plus tard, il aurait été le parfait candidat pour l’échéance, ont tenté de réitérer l’exploit de La Corogne, mais le scénario n’a, cette fois, pas joué en leur faveur. Avec un chronomètre de 42’’81, tous deux ont terminé troisièmes. “Sherlock a été aussi bon qu’il l’est. Bien qu’il ait remporté la Coupe du monde de La Corogne, il reste relativement inexpérimenté. Il n’a pas disputé beaucoup d’épreuves à 1,60m dans sa vie. Steve a réalisé son barrage avec une vraie aisance. Bien sûr, j’ai voulu tenter ma chance et essayer de le rattraper, mais après les deux premiers sauts, je savais que cela ne serait pas possible. Sherlock doit encore apprendre à aller vite. Une fois que cela sera fait, je pense qu’il sera vraiment compétitif et fantastique”, a déclaré le Britannique, la tête sur les épaules, comme s’il avait fait ça toute sa vie. Ce soir, celui qui envisage, sous toute réserve, d’emmener Sherlock jusqu’à Riyad pour prendre part à la finale du circuit, a célébré son excellente troisième place auprès de son illustre père, Peter Charles, venu spécialement pour l’occasion, une heure avant le coup d’envoi du Grand Prix. “J’espère qu’avec ce résultat, le déplacement en valait la peine”, a-t-il souri. 

Chouchou de son cavalier, l'attachant Sherlock confirme sa montée en puissance. © Mélina Massias



Un temps deuxième, le représentant de l’Union Jack, qui avait déjà fait retentir la Marseillaise vendredi soir grâce à Billabong du Roumois, un Selle Français par… Mylord Carthago, a finalement cédé une place à Jeanne Sadran. La Toulousaine, “presque régionale de l’étape”, a fait vibrer des tribunes pleines à craquer et acquises à sa cause en coupant les cellules en 41’’75. Brillante, la jeune femme, dont la progression ne cesse de croître, a réalisé la plus belle performance de sa carrière, et avec la manière, grâce à la complicité d’un certain Dexter de Kerglenn, véritable phénomène. À tout juste onze ans, l’étalon bai, fils de… Mylord Carthago - encore -, confirme de sortie en sortie son potentiel hors norme. “Le sport est plus facile avec un cheval comme Dexter, je n’ai pas beaucoup de mérite. J’ai eu la chance de monter d’excellents chevaux, mais Dexter est différent. Il a quelque chose de spécial”, s’est réjouie la jeune femme, à un rien de devenir la première amazone à s’imposer dans cette étape de la Coupe du monde. “Aujourd’hui était un jour charnière pour moi. Il me manquait quelques points [en vue de la finale du circuit]. J’ai commis une faute la semaine dernière dans le Grand Prix. Cela m’a rapporté quelques points, mais ce n’était pas suffisant. Si j’avais été plus raisonnable, j’aurais dû prendre moins de risques au barrage, mais le public était tellement fantastique… Je n’ai jamais vraiment joué de barrage à ce niveau-là dans ma carrière et c’était l’occasion. J’avais vu le barrage de Steve et, sincèrement, je savais que je n’irai pas plus vite que lui. Cependant, je pouvais faire en sorte d’être juste derrière lui. Je suis très heureuse, c’était une épreuve importante pour moi. Riyad est mon seul objectif de l’année. Ce n’était pas vraiment au programme, mais nous avons eu de bonnes surprises sur plusieurs étapes et j’espère désormais que cela sera suffisant. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre, mais je trace mon petit chemin.” Alors que son fidèle Vannan transmet le flambeau à sa sœur cadette, Jeanne Sadran, accompagnée de son fabuleux Dexter de Kerglenn ou de son cher Unforgettable Damvill, entre autres montures, est définitivement dans la cour des grands. 

Quel phénomène, ce Dexter de Kerglenn ! © Mélina Massias

…et de nouveaux noms s'imposent

Contrairement à l’an dernier, où le Brésilien Marlon Modolo Zanotelli, qui n’était pas de la partie pour remettre son titre en jeu, s’était imposé au terme d’un barrage à… dix-sept (!), le tracé de cette édition 2024 du Jumping International de Bordeaux s’est montré beaucoup plus subtile. Inouï du Seigneur, à qui la hauteur et la difficulté de ses premiers parcours à 1,60m ne fait guère peur, Calizi ou encore la prometteuse Elfy du Pic ont fait les frais du difficile mur de palanque numéro sept, avec un refus suivi d’un abandon, et deux chutes impressionnantes. Scott Brash et Michael Jung, aux rênes du très expérimenté Hello Jefferson, né Jerenmias van het Hulstenhof, et Fischer*Duopower, né Guan GJB, qui découvre ce niveau, ont préféré jeter l’éponge, tandis que seuls deux couples, parmi les vingt-sept à avoir achevé leurs parcours, ont enregistré plus de huit points. Malgré des combinaisons fragiles et des lignes techniques, plusieurs paires ont surpris, en bien. Ce fut par exemple le cas du duo numéro trois, formé par l’Autrichienne Katharina Rhomberg et Colestus Cambridge, un hongre de neuf ans pétri de force, de respect et de moyens et auteur d’un parcours à quatre points pour sa première dans le grand bain, ou encore d’Isabella Russekoff et de son généreux C Vier 2, sixièmes. Barragistes, l'Israélienne et l’ancienne star de David Will - entre autres - ont réussi un incroyable exploit en s’ouvrant les portes du barrage, eux qui restaient sur deux abandons, à Amsterdam et La Corogne, à ce niveau.

Isabella Russekoff se souviendra longtemps de ce samedi soir à Bordeaux. © Mélina Massias



Un rang devant eux, Roger-Yves Bost a aussi fait parler toute son expérience, aux rênes d’une Ballerine du Vilpion des grands jours. L’alezane et son cavalier ont enregistré un excellent double zéro, après deux parcours parfaitement négociés. La quatrième place, quant à elle, a été occupée par Pieter Devos, loin d’être un inconnu. En revanche, sa Casual DV, une véritable crack du haut de ses neuf ans, l’est un peu moins. Il y a un an, la belle disputait son premier CSI 5* en toute discrétion, sur cette même piste, dans les épreuves intermédiaires du concours. Fruit du croisement entre Cornet Obolensky, né Windows vh Costersveld, et une certaine Just Me D (Cicero van Paemel), la Zangersheide semble avoir hérité du meilleur de ses deux parents. Ce premier classement en Grand Prix 5*, pour sa première tentative à ce niveau, en appelle indéniablement d’autres. Et quel bonheur a dû ressentir Pieter Devos, naisseur et cavalier de Casual.

Produit maison, fille de Just Me D, qualités à revendre ; Casual DV a tout pour écrire une très belle histoire avec son cavalier Pieter Devos. © Mélina Massias

Sept, huit et neuvième, Julien Anquetin, Jessica Burke et Eduardo Alvarez Aznar ont pris un bel accessit grâce à trois parcours à quatre points rapides sur Blood Diamond du Pont, Nikey HH et D’Orient Batilly, tandis que Galaxy HM a fait forte impression sous la selle de l’Israélien Robin Muhr, pour une onzième place à la clef. En quête de points, le Centaure Marcus Ehning n’a pu éviter une faute avec Coolio 42, roi de l’étape madrilène de la Coupe du monde. Douzième, le duo a toutefois confirmé sa complicité, évoluant en filet simple et sans artifice, après avoir utilisé quelque temps une bride. Enfin, dixième, Déesse de Kerglenn a dû donner le sourire à la famille Richard, qui, comme Dexter, l’a vue naître dans ses prairies du Finistère. Sous la selle de Harrie Smolders, la fille de… Mylord Carthago était alignée au départ de sa deuxième Coupe du monde. 

À Bordeaux, tout semble aller de paires : deux fils de Mylord Carthago en haut du classement, après avoir vu deux descendants de Cardento briller dans ce Grand Prix dominical l’an passé - derrière, déjà, une fille de Mylord -, deux belles prestations israéliennes, signées Isabella Russekoff et Robin Muhr, dont le Galaxy HM a fait forte impression, et deux produits de l’élevage de Kerglenn parmi les meilleurs de la journée et sans doute de leur génération. Et si Steve Guerdat signait aussi un doublé en s’imposant dans le temps fort du dimanche à Bordeaux ?

Les résultats complets.
Le classement général provisoire complet.

Photo à la Une : Steve Guerdat et sa princesse Is-Minka. © Mélina Massias

Les épreuves du CSI 5*-W de Bordeaux sont à (re)voir sur GRANDPRIX.tv.