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Quel rôle jouent les sponsors ?

Sponsorisé lundi 11 novembre 2019

Ce mois-ci, nous nous sommes intéressés à la question du sponsoring. Il peut revêtir différentes formes dont les plus visibles sont le naming de chevaux mais aussi d’épreuves, voire de concours. Les sponsors accompagnent les acteurs du milieu dans leur quotidien et sont, de ce fait, des partenaires stratégiques majeurs. C’est à ce titre que nous sommes partis à la rencontre de Charlène GUILLEMYN, assistante personnelle de Pénélope LEPREVOST, de Christophe AMEEUW, fondateur des Longines Masters, ainsi que de Daniele MARS, organisatrice du Jumping de Dinard, afin qu’ils donnent leurs points de vue sur le rôle véritable des sponsors dans leurs activités. C’est la question du mois !

Charlène GUILLEMYN« La majorité des partenariats de Pénélope LEPREVOST, pour qui je travaille en tant qu’assistante, sont partis d’une relation humaine et de confiance. La plupart ont pour origine une amitié, ou des produits utilisés et appréciés depuis longtemps. Les partenariats ont évolué avec la notoriété et les résultats de Pénélope, la majorité des contrats étant renégociés à l’aune de l’évolution de ces deux paramètres.

Il existe différents types de partenariats. La majorité inclue la fourniture de matériels et/ou un soutien financier. Les contreparties, notamment la disponibilité de Pénélope auprès de ses partenaires, dépendent du contrat et de l’importance de l’engagement des sponsors en question, la priorité étant donnée aux plus investis.

Tous les partenaires sont à la recherche de visibilité via l’utilisation de l’image de Pénélope dans leur communication, et par leur présence sur ses réseaux sociaux. Ceux issus du milieu équestre seront plus à la recherche de crédibilité, de légitimité, de retours produits ainsi que du bouche à oreille. Ceux qui sont issus d’autres secteurs insisteront davantage sur les valeurs de Pénélope. Les partenariats peuvent parfois inclure des événements clients, ainsi que des séances de dédicaces lors de concours.

Dans la relation avec les partenaires, et j’insiste avant tout sur ce terme, la priorité est que chaque partie trouve son compte. Il est important d’avoir une communication fluide et honnête de part et d’autre. Lorsque Pénélope reçoit une nouvelle proposition de partenariat, il faut veiller à ne pas faire d’impair. Il faut vérifier les exclusivités, et échanger avec les autres partenaires pour s’assurer que ce nouveau sponsor n’empiète pas sur leurs intérêts. 

Avec le développement des réseaux sociaux, nous veillons davantage qu’avant à l’image et à la communication autour de Pénélope, notamment à la qualité des visuels (publicités, vidéos et photos). Il est déjà arrivé par le passé que certains visuels à la qualité relative soient diffusés dans les médias par des sponsors. L’image a durablement marqué le public, et aujourd’hui encore il nous arrive d’en entendre parler. Il est donc vraiment très important de rester authentique, et d’avoir une communication à l’image de Pénélope. »

Christophe AMEEUW« Le sponsoring est un enjeu fondamental pour les organisateurs d’événements sportifs. Afin d’attirer des sponsors, il faut proposer un produit innovant, qui bénéficie d’une couverture médiatique importante. La visibilité des marques associées à l’événement doit être garantie, c’est une affaire de retour sur investissement. Les premiers sponsors sont déterminants, car ils vont donner de la crédibilité à l’événement, et ainsi en attirer d’autres. Par ailleurs, un événement qui a fait ses preuves va attirer plusieurs sponsors, parfois d’un même secteur, et ainsi créer une mise en concurrence qui va avantager l’organisateur et lui assurer une certaine indépendance financière. Il faut toujours penser un partenariat, un sponsoring, comme un accord gagnant / gagnant. Comme je l’ai dit, ce cercle vertueux est possible si et seulement si le produit proposé, ici un concours de sauts d’obstacles, se distingue du marché par son concept. Pour illustrer mon propos, je vais remonter à 2008 et vous parler de ma propre expérience lorsque j’ai organisé la première édition des Gucci Masters à Paris. 

Il faut se replonger dans le contexte spécifique de cette année-là, la crise économique qui est passée par là et la mauvaise conjoncture qui en a résulté. À cette époque, la majorité des concours de sauts d’obstacles étaient basés sur du mécénat. Je désirais changer ce modèle économique peu viable des « show jumping ». Pour ce faire, j’ai créé un concept expérimental qui allait bouleverser le monde du jumping, et casser les codes en mêlant le sport avec le lifestyle, tout en regroupant les meilleurs cavaliers du monde. Afin de faire venir du public et des sponsors, j’ai choisi de proposer un véritable show, un divertissement avec son, images et paillettes que l’on puisse diffuser facilement sur diverses plateformes numériques. Des formats spécifiques ont été conçus pour la diffusion à la télévision, comme le Speed Challenge. Nous souhaitions créer des temps forts durant chaque soirée.

L’objectif de cette approche était multiple. Je désirais créer une expérience unique en son genre : familiale, gastronomique, artistique ; avec de forts marqueurs qui allaient permettre d’identifier l’événement et de lui donner une forte identité, comme Wimbledon ou Roland Garros. Cette segmentation et ce positionnement s’accompagnaient d’une médiatisation très forte, pour attirer les sponsors à la recherche de visibilité et de retours sur investissement garantis. 

Lorsque je me suis présenté au Salon du cheval ainsi qu’aux sponsors en 2008, mon projet embryonnaire avait déjà été testé durant les Audi Masters de 2007, à Bruxelles, ce qui a plaidé en ma faveur lorsque je me suis mis à la recherche d’un sponsor titre. Il était donc vital de trouver un partenaire qui ait une aura et des valeurs qui attirent. J’ai fait le pari de m’associer à une marque de luxe, Gucci.

Afin de les convaincre, j’ai vendu mon projet comme une alternative en temps de crise à leur communication plus traditionnelle. Avec mon concept, je leur ai proposé de retrouver leur ADN à travers cet événement qui allait être leur nouvelle vitrine. Je croyais en mon projet et j’ai mis personnellement de ma poche la première année, car les moyens alloués au projet n’étaient pas extraordinaires. J’ai vu cela comme un investissement qui allait s’avérer extrêmement rentable. S’associer à Gucci a été une judicieuse stratégie, cela a assis la crédibilité de l’événement et attiré de nombreux sponsors.

Le succès des Gucci Masters a permis, durant les années suivantes, de garder le sponsor titre et de sélectionner les sponsors en les mettant en concurrence, de faire monter les enchères et in fine d’assurer une certaine viabilité économique à l’événement. Les contrats de sponsoring étant signés à long terme, cela nous donnait une visibilité et nous permettait de nous projeter. Au fil des ans, nous avons ainsi pu développer la marque des Masters et créer les Longines Masters Series. Nous avons été pionniers en exportant les Masters sur deux autres continents, l’Asie et l’Amérique, ce qui nous a permis de renforcer l’identité du concept et de rendre l’événement plus fort. Pour preuve, les impacts lors du changement de sponsor titre à Paris en 2014 ont été minimes. Dans un passé récent, le sponsoring signifiait souvent que l’événement sponsorisé était dépendant du sponsor.

Avoir aujourd’hui un concept fort, qui ne se définit pas que par son sponsor titre, est le signe que nous avons réussi le pari pris il y a dix ans. Cela ne signifie pas pour autant que le travail est terminé, bien au contraire ! Beaucoup de challenges nous ont attendus sur la route et nous attendent encore, à commencer par une concurrence de plus en plus accrue. On est passé d’une trentaine à une centaine de CSI 5* en moins de dix années, et on a assisté à l’explosion des réseaux sociaux, qui redéfinissent les standards de la communication. Il faut sans cesse se réinventer si l’on ne veut pas se faire doubler, toujours y croire et ne pas se laisser trop influencer afin de préserver l’ADN de son idée ou de son concept. C’est la clé de la réussite, en sponsoring mais aussi plus généralement pour l’événementiel en général. »

Daniele MARS« Nous sommes une organisation purement familiale au sein du Jumping de Dinard, ce qui facilite la gestion et la rationalisation des coûts. Néanmoins, il est évident que trouver les fonds n’est pas la chose la plus facile et il est clair que dans notre discipline sportive, les sponsors ne se battent pas pour être partenaires, il faut donc aller les chercher nous-mêmes.

Il s’agit de se différencier en proposant un événement qui se démarque des autres, en offrant une exposition médiatique importante. Nos deux épreuves phares, le Derby Tropicana et le Rolex Grand Prix, sont retransmises en direct et en différé dans plus de soixante-dix pays, en plus de la manifestation sportive palpitante qui attire plus de quarante-cinq mille spectateurs. Cette stratégie de positionnement médiatique nous permet d’aller démarcher nos sponsors qui occupent une place primordiale dans l’organisation du jumping.

En effet, le sponsoring représente d’une part un apport financier important, environ 60% de notre budget. D’autre part, c’est le signe que des entreprises de renom reconnaissent la valeur de notre événement en décidant de l’accompagner. Si la majorité des sponsors sont de grosses entreprises multinationales, nous accordons beaucoup d’importance à nos partenaires locaux.

Nous sélectionnons avant tout les entreprises qui ont le même ADN que nous, c’est-à-dire des entreprises qui ont une vraie éthique. Elles sont attachées aux événements qui privilégient le grand sport. Cela signifie qu’elles regardent si le programme sportif est fait dans le sens des cavaliers et des chevaux, si le bien-être des sportifs est respecté et si le public est présent, nombreux et impliqué.

Je souligne ce point car depuis quelques années, le saut d’obstacles de haut niveau connait de nombreuses évolutions avec la multiplication de concours de haut niveau très rémunérateurs qui ne privilégient pas toujours le sport avec un grand S. Les terrains sont souvent très petits et demandent beaucoup d’efforts aux chevaux. Le public est bien souvent absent. En somme, ce sont plus des shows que des événements sportifs.

L’influence des sponsors est réelle, puisque sans eux, la presque totalité des concours de haut niveau ne pourraient avoir lieu. Mais elle peut parfois être préjudiciable pour le sport. C’est notamment le cas avec le sponsor / financeur de la Fédération Equestre Internationale (Longines, ndlr) qui est dans certains cas juge et partie. Il ne devrait pas pouvoir influer sur les choix ou les stratégies sportives de la FEI. Le problème principal est en fait que le sponsor / financeur de la FEI est en même temps sponsor « titre » d’un certain nombre de concours ou de circuits. Cela biaise complètement le jeu. »

Propos recueillis par Manon LE COROLLER. Photo à la Une : Jean-Louis CARLI / ALeA / EEM