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Produire dans le sang : ce week-end, Xavier Leredde présente le studbook Anglo-normand au Salon des Étalons

Communiqués vendredi 18 février 2022

Lors du Salon des Étalons, vous allez présenter sur votre stand ce studbook français qui se distingue du Selle Français et de l’Anglo-Arabe et qui est peut-être l’avenir du cheval français de haut niveau. Les origines remontent au siècle dernier et pourtant on les retrouve dans le studbook actuel. Pouvez-vous nous parler de la genèse et du principe fondateur du studbook Anglo-Normand ?

Xavier Leredde : Le studbook Anglo-Normand est né juste après la Seconde Guerre Mondiale, sous l’égide du directeur du Haras de Saint-Lô de l’époque, Paul de Laurens de Saint-Martin et de son sous-directeur, Jacques de Royer-Dupré, père d’Alain de Royer-Dupré, entraîneur de Son Altesse l'Aga Khan. L’objectif de ce studbook était alors de produire des chevaux compétitifs au plus haut niveau.

Pour ce faire, Laurens de Saint-Martin a su piocher dans les courants de sang de différents étalons de races de sport, à savoir le Pur-Sang Anglais, l’Anglo-Arabe, l’AQPS et le Trotteur Français, et les ont couplés à des juments locales aux qualités recherchées. Le résultat a été heureux car nous avons ainsi pu obtenir des chevaux exceptionnels, à l’image d’Ibrahim, qui a ensuite produit Almé, Jalisco, Papillon Rouge ou encore Quidam de Revel.

Nous retrouvons ce même schéma du côté des poulinières. Ainsi, notons Gazelle d’Elle, souche phare de la famille Pignolet : sa première mère est issue du Pur-Sang L’Alcazar et sa seconde mère du Pur-Sang Ivanoe. Le père de Gazelle d’Elle, Uriel, est issu d’une mère ¾ Pur-Sang. Enfin, Dirka, la mère de Quidam de Revel, a pour père de mère le Pur-Sang Harphortas. Ces croisements de lignées sont très importants et ont été édités vers la fin des années 1940 dans le studbook Studbook Anglo-Normand. Je conserve d’ailleurs de mon père le précieux tome 1.

Pouvez-vous nous citer quelques performances marquantes de ces chevaux type Anglo-Normand ?

XL : Ce studbook a vécu des années exceptionnelles, notamment la victoire de l’équipe de France lors des Jeux équestres mondiaux de 2002 à Jerez de la Frontera. L’équipe, alors composée de quatre couples, devient Championne du monde avec quatre étalons Selle Français de type Anglo-Normand ! Éric Levallois était avec Diamant de Sémilly, Gilles Bertran de Balanda avec Crocus Graverie, Reynald Angot avec Dollar dela Pierre et Éric Navet avec Dollar du Murier (Jalisco B x Uriel). À noter qu’Éric Navet et Dollar du Murier ont également décroché la médaille d’argent en individuel. Une performance à ce jour inégalée par les autres studbooks mondiaux.

Les derniers représentants en date du Selle Français de type Anglo-Normand sont par exemple Orient Express, Rahotep de Toscane ou encore Urvoso du Roch. Le Selle Français Anglo-Normand est un merveilleux courant de sang, fruit d’une minutieuse sélection d’une cinquantaine d’années !

Votre constat concernant le cheval français d’aujourd’hui est qu’il peine à se maintenir au plus haut niveau, concédant régulièrement des places aux chevaux étrangers sur les grandes échéances. Selon-vous, quelles orientations ont conduit à cet état ?

XL : J’ai fait partie du premier bureau du Selle Français, sous la présidence de Philippe Curti. À cette époque nous avions, entre autres, créé deux sections dans le studbook : l’une ouverte à tous les chevaux (aux chevaux étrangers et au mélange des poulinières avec les chevaux étrangers) et l’autre seulement ouverte au pur Selle Français. Pour nous, un des points principaux était d’avoir un élevage français qui conserve l’apport de sang à tout prix, que ce soit par le Pur-Sang ou encore l’Anglo-Arabe.

Le bureau qui nous a succédés a choisi d’emprunter une toute autre voie, comme par exemple la moindre importance accordée à l’apport de sang au profit de l’ajout de sang étranger. Je n’ai jamais été opposé au sang étranger, mais seulement pour des chevaux étrangers très qualiteux. Hélas, ça n’a pas toujours été ici le cas. Ce choix n’était pas un choix des éleveurs mais celui imposé par seulement quelques étalonniers. De ce fait, nous sommes dorénavant à la remorque des studbooks étrangers. Ces nouveaux chevaux français que nous produisons n’ont presque rien de français et rien de très attrayant… En vingt ans, cinquante années de sélection ont été détournées par l’oubli de ces principes qui nous animaient et qui menaient de façon probante à l’excellence française.

L’ajout de sang, notamment provenant de Pur-sang dans l’élevage de chevaux de saut, serait-il donc l’atout majeur pour produire les champions de demain ?

XL : Cela fait vingt ans que j’entends dire que le Pur-Sang n’a aucune valeur et qu’il est destructeur ! Ceci est complètement erroné, ce sont des propos tenus par des personnes que nous voyons rarement sur les champs de course et qui n’ont jamais monté ou élevé un Pur-Sang. Utiliser une lignée de Pur-Sang de qualité sera plus bénéfique que d’aller chercher des courants de sang moyens de chevaux étrangers. Les performances le prouvent. Par exemple, Falcone Rouge (champion des deux ans à Saint-Lô en 2017 puis exporté en Allemagne, ndlr) et son propre frère de grande qualité, Him Alaya Rouge, ont pour père de mère le Pur-Sang Villez, que l’on retrouve également dans la souche maternelle du champion de steeple-chase Frère D’Armes, également élevé au Haras des Rouges, et entraîné par Dan Skelton, fils du célèbre Nick Skelton. 

Jappeloup, célèbre exemple du croisement d’un étalon Trotteur avec une mère Pur-Sang (Photo ©Kit Houghton)

Selon vous, est-ce que les chevaux en épreuves Amateurs ont besoin de sang tel que celui apporté par l’Anglo-Normand ? 

Him Alaya, Tyrol Rouge avec une mère Pur-Sang par Villez - Credit @BreedinGLOBAL
Interrégional des quatre ans à Auvers, SF 

XL : Non, mais pour courir des GP 5* et gagner dans un barrage, le sang est important. Ayant couru le CHIO d’Aix-la-Chapelle, je vous assure qu’il vous faut un cheval sanguin car les manches se succèdent ! (Coupes des Nations en deux manches le jeudi, repos le samedi puis le Grand Prix d’Aix la Chapelle le dimanche, ndlr). En seconde manche et au barrage, on voit bien ceux qui ont encore de la réserve et ceux qui n’en ont plus.

Xavier, auriez-vous un dernier message à faire passer pour conclure cette interview ?

XL : Je souhaite transmettre tout ce que j’ai pu comprendre et apprendre lors de ces années de sélection, notamment au contact des gens formidables que j’ai côtoyés et qui étaient animés comme moi par cette envie de produire un cheval capable de gagner au plus haut niveau, aussi bien en concours de saut d’obstacles qu’en courses. Je suis prêt à aider les éleveurs qui souhaitent évoluer au haut niveau, j’ai donc décidé de rouvrir le studbook Anglo-Normand, créé par mon père dans le but de nommer, de conserver et d’entretenir comme il se doit le réel studbook originel.

Photo principale : ©PSV photo