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“Prendre du temps loin du haut niveau m’a fait réaliser que tout arrêter n’était pas une option”, Lucy Davis (2/2)

Lucy Davis
Interviews vendredi 26 janvier 2024 Mélina Massias

Lucy Davis est de retour ! Après avoir brillé au milieu des années 2010 sous le drapeau américain, aidant notamment son équipe à décrocher une médaille de bronze aux Jeux équestres mondiaux de Caen en 2014, puis l’argent collectif aux Jeux olympiques de Rio deux ans plus tard, la jeune femme entend bien se (re)frayer un chemin vers les sommets. Toujours aussi ambitieuse et motivée, la Californienne a posé les bases d’un tout nouveau système qui, elle l’espère, lui redonneront sa place parmi l’élite. Désormais entourée de Laura Kraut et Nick Skelton, et d’un groupe de généreux propriétaires, Lucy Davis a posé la première pierre de son édifice en s’offrant en fin d’année le génial Ben 431, lauréat de deux Grands Prix 5* avec l’Allemand Gerrit Nieberg. Également à la tête du site internet Prixview, l’amazone de trente et un ans évoque sa pause salvatrice, l’arrivée de sa nouvelle recrue, les Jeux olympiques de Paris 2024, mais aussi son intérêt pour l’élevage et la retraite dorée de son fidèle Barron. Un entretien en deux épisodes.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Après Rio, et l’accomplissement de votre rêve olympique, concrétisé par une médaille d’argent collective, vous avez dit vous être sentie vide. Comment avez-vous surmonté ce sentiment et dans quel état d’esprit êtes-vous face à Paris ?

Comme je l’ai déjà dit, j’ai d’abord évolué dans ce milieu grâce au généreux soutien de ma famille assez tôt dans ma carrière. En parallèle, je poursuivais mes études. J’ai aussi reçu beaucoup d’aide de la part de mon entraîneur, Markus Beerbaum, envers qui je suis très reconnaissante. J’étais dans une excellente position pour performer. Après cela, j’ai dû trouver un nouveau système. Je pense que j’ai eu du mal à trouver un nouveau défi et mon équilibre. Prendre du temps loin du haut niveau m’a fait réaliser que tout arrêter n’était pas une option. C’est pour cela que cette fois, pour mon retour, j’ai fondé un syndicat. C’est un nouveau challenge pour moi. J’ai envie de faire de mon mieux pour ces propriétaires et essayer de trouver les meilleurs chevaux possibles afin de créer quelque chose. Je suis dans un tout nouveau système. Je travaille désormais aux côtés de Laura Kraut et Nick Skelton. Je suis extrêmement impatiente d’évoluer dans ce nouvel environnement, tant en dehors que sur la piste. Je veux faire et être la meilleure possible. Si j’y arrive, Ben est absolument capable de sauter aux Jeux olympiques. J’ai évidemment envie d’atteindre le plus haut niveau possible, mais je veux avant tout le faire dans le respect de mon cheval et de mes propriétaires. Mon premier objectif est de bâtir quelque chose de durable.

Lucy Davis a ramené au moins une médaille de tous les grands championnats, hors finales de la Coupe du monde, qu'elle a disputés, comme ici aux Jeux équestres de Caen, en 2014, où elle a contribué au bronze de l'équipe américaine. © Leanjo de Koster / Hippo Foto



Selon vous, qu’est-ce qui rend les Jeux olympiques si spéciaux, pour tous les athlètes et en particulier pour les cavaliers ?

Comme je l’ai dit, les Jeux olympiques offrent à notre sport la chance d’être au même niveau que d’autres disciplines qui reçoivent habituellement plus d’attention. Il y a aussi l’esprit de camaraderie entre les athlètes, le fait d’avoir l’opportunité d’aller au sein du village olympique ; c’est l’esprit olympique que les gens mentionnent toujours. Pour moi, c’est très inspirant et motivant. J’adore observer d’autres sportifs performer. Cela m’enthousiasme. Je pense que cette année, à Paris, les Jeux seront absolument magiques. L’équitation sera à Versailles ! Je ne peux qu’imaginer à quel point cela sera excitant pour les chanceux et chanceuses qui auront l’occasion de faire partie des équipes. Le public international est toujours super, mais les fans français connaissent les chevaux et sont très éduqués. J’espère que nous aurons beaucoup de public et que l’ambiance sera incroyable. Participer aux Jeux est toujours un rêve, et je pense que dans ce contexte, cela sera particulièrement palpitant pour toutes les personnes autour des différentes équipes. 

La Californienne prend ses marques depuis deux semaines avec sa nouvelle star : Ben 431. © Sportfot

J’estime que notre sport n’a pas suffisamment réussi à promouvoir les athlètes de façon compréhensible pour les nouveaux fans

Les Jeux olympiques devraient-ils être un support pour promouvoir l’équitation à un public plus large ? Si oui, par quels moyens cela peut-il être le cas, avant, pendant et après l’échéance ?

À cent pourcents ! Je pense que c’est la meilleure occasion pour promouvoir l’équitation à d’autres personnes. C’est un moment où les gens se regroupent davantage pour assister à des épreuves qu’ils ne regarderaient pas habituellement. Les Jeux sont également diffusés à la télévision dans plein de pays. Je suis peut-être un peu partiale car c’est ce que nous faisons avec Prixview, mais je pense que le meilleur moyen de tirer profit de cette échéance serait que tout le monde puisse avoir des données vérifiées sur les chevaux et les cavaliers, ainsi que de bons commentaires, afin d’éduquer le public. Lorsque j’étais à Rio, les speakers m’ont présentée avec un âge différent chaque jour, n’ont pas donné le bon nom pour la personne avec laquelle je m’entraînais et n’avait que peu d’informations sur mes performances et mon parcours pour être sélectionnée dans l’équipe. J’ai trouvé que c’était non seulement une représentation erronée de moi, de mon cheval et mon programme, mais cela n’a créé aucun lien entre le public et moi après coup. De fait, je pense qu’avoir des informations précises sur tous les athlètes est la clef. Il serait aussi intéressant d’indiquer au gens où suivre les cavaliers après les Jeux s’ils le souhaitent, que ce soit à travers les réseaux sociaux où d’autres sites. Il est important de savoir où ils peuvent regarder d’autres compétitions, trouver les résultats, et où ils peuvent apprendre davantage. J’estime que notre sport n’a pas suffisamment réussi à promouvoir les athlètes de façon compréhensible pour les nouveaux fans.

Accompagnée de son fidèle Barron, Lucy Davis était de la partie à Rio. Les deux complices ont glané une médaille d'argent collective. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Sur vos réseaux sociaux, on peut voir quelques photos et vidéos d’adorables poulains. À quel point vous intéressez-vous et vous impliquez-vous dans l’élevage ?

Je dirais que j’ai un tout petit programme d’élevage. J’ai appris très rapidement et ai beaucoup utilisé le sang français de Diamant de Semilly. J’avais quelques très bonnes juments de sport que j’ai montées au début de ma carrière, ce qui m’a lancé dans l’élevage. C’est très chouette, mais je suis loin d’être une experte en la matière ! (rires) Je pense que dans le futur, je prendrais conseils auprès de plus de personnes expérimentées si je développe cette activité. Les bons éleveurs ont tellement plus de connaissances que ce que nous reconnaissons publiquement. C’est une autre chose que j’espère faire via Prixview : relier les résultats, les données et les informations aux éleveurs et à leur œuvre, parce qu’ils sont beaucoup plus professionnels qu’on ne le croit. Malheureusement, ces chevaux qui sont vendus pour beaucoup d’argent à haut niveau sont un bon coup de pub si les éleveurs sont mentionnés, mais il n’y a pas de lien avec la composante financière pour l’instant… Cela rend les choses plus difficiles pour que les gens continuent à élever davantage. Avec le nombre grandissant de personnes et d'investissements au plus haut niveau - ce qui est très palpitant -, nous avons besoin de plus d’élevage, et que les éleveurs se sentent soutenus afin d’exercer cette activité de façon professionnelle. Ma famille est issue du monde des courses. Ma mère élève des chevaux de course et les vend à un an. Je suis un peu partiale, mais l’industrie pour l’élevage est clairement plus développée dans ce domaine. De fait, on peut entretenir une très bonne activité en tant qu’éleveur et pas seulement en tant que cavalier, entraîneur ou acteur du sport de haut niveau. J’espère que nous pourrons tendre vers ce schéma pour le saut d’obstacles.

L'amazone a monté plusieurs bonnes juments dans sa carrière, dont Hannah, née Helena, fille de Gran Corrado et petite-fille de Nagano. © Sportfot

“Barron est en super forme”

Combien de poulains avez-vous fait naître jusqu’à maintenant ?

J’en ai fait naître sept, avec deux juments. C’est vraiment pour le plaisir. Je me suis dit que je devrais peut-être essayer de faire naître des poulains avec ces bonnes juments. La plus âgée a huit ans et commence à concourir sur le circuit Junior. Nous en avons vendu d’autres aux enchères. Nous explorons différentes pistes pour chacun d’entre eux en fonction de leur qualité. C’est très intéressant d’en apprendre plus sur ce côté-là de ce milieu. J’ai eu la chance de m’associer avec Stal Hendrickx, qui m’a beaucoup aidé avec mes poulains. Je dois les remercier, parce qu’ils sont très doués et m’ont permis d’apprendre énormément de choses.

Enfin, impossible d’achever cette interview sans prendre des nouvelles de votre star Barron (né Undergroud des Hauts Droits, For Pleasure x Nabab de Rêve), désormais âgé de vingt ans. Comment se porte-t-il ?

Barron est en super forme ! Ma famille possède un ranch dans le Montana, et il vit une belle vie là-bas. Il est avec d’autres chevaux. Certains sont des chevaux de western, d’autres des retraités qui ont pratiqué le saut d’obstacles, etc. Mon ancienne groom (Tasha Houghton, ndlr), qui nous a accompagnés durant la carrière sportive de Barron, habite tout près d’où il se trouve. Alors, ils ont l’occasion de passer du temps ensemble. Lorsque je suis là-bas, j’en profite pour monter Barron en promenade : c’est très sympa !

Ancienne star des pistes internationales, le génial Barron coule une heureuse retraite dans le Montana ! © Collection privée

Photo à la Une : Lucy Davis, heureuse d'être à cheval. © Sportfot