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Pius Schwizer, l’expérience et la fougue

Reportages mardi 23 juin 2020 Oriane Grandjean

Deuxième partie de notre rencontre avec Pius Schwizer. Le Suisse évoque les chevaux qui ont marqué sa vie, à l'image de la fabuleuse Carlina.

D’où vient la méthode Schwizer ?

J’ai toujours énormément observé les autres cavaliers. C’est comme cela que j’ai appris. C’est de la que vient ma monte et mon système. J’ai aussi regardé d’innombrables vidéos de parcours. C’est important que la monte soit belle, mais ce n’est pas l’essentiel, il faut aussi que ce soit juste. S’il ne fallait en citer qu’un, Willi Melliger a toujours été une idole pour moi, il avait un talent incroyable en parcours.

Avez-vous un entraineur qui vous suit ?

Je me suis beaucoup entraîné avec Achaz von Buchwaldt. Je trouve que c’est un entraîneur parfait. Et c’est une personne foncièrement gentille, ce qui ne gâche rien. Il dit peu de choses, mais ce qu’il dit a le don de te faire beaucoup réfléchir. Il sait te motiver, il est très fort au niveau mental. J’ai aussi eu la chance de travailler avec d’autres bons entraîneurs, tels que Henk Nooren ou Thomas Fuchs, mais je dois avouer qu’Achaz von Buchwaldt m’a énormément apporté. D’ailleurs, aujourd’hui encore, je lui envoie les vidéos de mes parcours pour avoir son avis.

En Suisse, on évoque souvent la nécessité de partir à l’étranger pour parfaire ses connaissances, mais cela n’a pas été le cas pour vous…

Non, effectivement. Je n’ai jamais quitté le pays. Cela dit, pour ma part, c’était d’abord une question financière : mes parents n’avaient tout simplement pas les moyens de m’envoyer à l’étranger. J’ai l’impression que c’est un peu devenu une mode maintenant, mais à l’époque ce n’était pas pareil. Je trouve aussi que chez les jeunes d’aujourd’hui, il y a des cavaliers qui prennent tout trop vite pour acquis. D’ailleurs, il n’est pas rare d’en voir à haut niveau pendant peu de temps, avant qu’ils ne disparaissent des radars, car ils n’ont plus le cheval qui leur permettait de réaliser des exploits. Ils n’avaient pas le talent nécessaire, mais un cheval d’exception. Ma philosophie a toujours été qu’il faut savoir reculer pour mieux sauter. Quand j’étais n°1 mondial, quelqu’un m’a dit : « Tu te souviens de toutes les étapes que tu as franchies pour parvenir jusque-là ? Ne les oublie pas, parce que tu vas les retraverser dans l’autre sens. » Il faut accepter de redescendre. Rien n’est éternel.

Quel est le cheval qui a le plus marqué votre carrière ?

Carlina, sans la moindre hésitation. C’était une jument exceptionnelle. Elle avait tous les moyens, était un vrai phénomène en parcours, était facile à monter, et elle ne regardait rien. Je l’ai repérée lorsqu’elle avait 7 ans dans une épreuve youngster où elle courait sous la selle de Philippe Lejeune. Nous avions le même propriétaire, François Leiser, qui m’a ensuite confié la jument. J’ai eu énormément de chance de pouvoir monter un tel cheval. Il m’aura certes manqué un titre individuel avec elle, mais Carlina m’a beaucoup appris. A posteriori, je réalise que j’ai peut-être voulu aller trop vite. Il faut dire qu’à 8 ans elle courait le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle comme si c’était une promenade de santé. C’était un peu trop tôt. Il aurait fallu lui laisser un peu plus de temps, faire des choses plus faciles, notamment à 8 ans, et la suite aurait peut-être été différente. Mais elle n’a jamais eu de problèmes de santé. Quand Carlina a quitté mes écuries, elle était en top forme. Je ne ferais plus la même erreur à présent. Je sais que je peux attendre si j’ai un crack de la trempe de cette jument, lui laisser du temps.

Ulysse fait aussi partie des chevaux qui ont compté….

Evidemment ! C’était un cheval très difficile. Il était un peu sauvage quand il est arrivé. Mais j’ai toujours cru en lui. Je savais qu’il pourrait devenir un cheval de Grand Prix. Il avait déjà 11 ans, mais comme il avait peu couru auparavant, j’étais persuadé qu’il pouvait encore progresser, ce qu’il a fait. Quand il est arrivé, il avait fait des misères à ses cavaliers précédents. Ma groom se faisait embarquer, elle ne pouvait plus l’arrêter. Mais à force de travail, je suis parvenu à lui apprendre à rester calme, et il n’a cessé de progresser.

Et l’histoire ne se finit pas là, puisqu’il a terminé sa carrière avec votre épouse, Florence…

Oui ! François Leiser, le propriétaire d’Ulysse, voulait le récupérer pour sa compagne. Mais je voulais qu’il reste chez moi, parce qu’il m’avait beaucoup donné. J’ai dû débourser une somme assez élevée pour un cheval de 17 ans, mais il le méritait. Florence a ainsi pu faire de bons parcours avec lui et apprendre, car il n’était pas facile à monter. Bien qu’elle ait fait ses débuts au plus haut niveau tardivement, puisqu’elle a d’abord suivi des études universitaires, Florence a beaucoup de talent. Elle travaille beaucoup, elle m’écoute, me contredit, parfois… Pour revenir à Ulysse, il coule désormais une retraite paisible à Sevaz, dans un élevage où il profite de grands prés. J’ai été le voir il y a quelques semaines. C’est toujours lui le chef !

Vous avez la réputation d’amener de nombreux chevaux à haut niveau. Quel est votre secret ?

J’aime beaucoup former les chevaux, c’est tout. Pour moi, ce n’est pas intéressant d’acheter des chevaux déjà compétitifs à haut niveau. De toute manière, je n’aurais pas les moyens de m’offrir des chevaux à plusieurs millions. Je pense néanmoins être assez bon pour évaluer le potentiel d’un cheval et l’amener tout en haut si je l’en sens capable. Les gens doivent apprendre à former les chevaux. Certaines personnes achètent des chevaux une fortune, mais ne sont pas capables de les monter et ça, pour moi, c’est une véritable catastrophe.

La suite demain...