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Philippe Le Jeune, 30 ans au plus haut niveau !

Reportages mercredi 19 janvier 2011 Julien Counet

Troisième volet de l'exceptionnel reportage dédié au Champion du monde, Philippe Le Jeune !

Par contre, en trente ans, il y a aussi des bas où l'on se retrouve sans chevaux ou avec des chevaux de moindre qualité avec lesquels on essaie de faire quelques exploits. Quel état d'esprit a-t-on à ce moment-là ?

 Avec l'expérience et le recul, je préfère être sans chevaux de tête et commencer à construire de très bons jeunes chevaux. Il faut réussir à se dire que pendant deux ans, on met sa carrière internationale entre parenthèse pour reconstruire 2, 3, 4 très bons 5-6 ans. De plus, on a de très chouettes concours régionaux, cela coûte moins cher et on peut y faire du bon boulot en attendant qu'il y en ait un qui perce. Dès que c'est le cas, on est de suite de retour car nos qualités de cavalier, on les garde et on sera toujours compétitif. Cela dépend juste du cheval que l'on a. Par contre, vouloir absolument rester au plus haut niveau en montant des chevaux qui ne sont pas à la hauteur, je l'ai fait un moment mais pour finir, ce n'est pas bien. On fait n'importe quoi, on essaie de monter quand même, de faire des grosses épreuves … on sort avec 8, 12, 16 points. On commence à douter de soi en se disant qu'on est pas assez bon, on croit que le cheval est quand même bien alors que ce n'est pas le cas. On essaie de se secouer, de le tirer au-dessus et à ce moment-là, je pense qu'on prend des défauts dans notre monte car lorsqu'on est compétiteur et que l'on est au concours, on veut faire des résultats … et avec le recul, je me rends compte que ce n'est pas une bonne solution. J'ai essayé plusieurs fois coûte que coûte et je n'aurais pas dû. C'est une chose que j'aurais changé. Maintenant, je sais que lorsque c'est comme ça, j'appelle le propriétaire en lui disant que le cheval n'est pas assez bon et que ça ne sert à rien, que ça va lui coûter de l'argent pour rien et que c'est préférable qu'il vienne le rechercher.

 Pour amener un bon jeune cheval vers le haut niveau, quels sont vos principes et quelle est votre marche à suivre ?

Lorsque des gens veulent me confier un jeune cheval, je commence par l'essayer pour voir si j'ai dessus une très bonne sensation. A ce moment-là, je le prends un ou deux mois à l'essai car les défauts, on ne les voit pas tout de suite surtout qu'avec un jeune cheval, on ne peut l'essayer qu'en sautant un vertical, un oxer et un petit double et ça, il y a quand même pas mal de chevaux qui sautent assez bien et je ne suis pas le cavalier qui essaie des jeunes chevaux sur 1m40 ou 1m50. Je veux avant tout voir la manière dont il saute un oxer d'un mètre 20-25 un petit peu large, et la manière dont il frappe le sol. Si je vois que le cheval est malin, qu'il fait des choses de lui-même … alors je le prends à l'essai et après un ou deux mois, si j'y crois, il rentre dans mon planning de travail. Si l'on suit l'évolution de la carrière d'un cheval, à 4 ans, je pense qu'il doit faire 5-6 épreuves même s'il y a des chevaux qui sont plus à l'?il que d'autres et qui doivent voir un peu plus. J'aime bien arrêter mes 4 ans lorsque tout se passe bien au concours, que j'ai quand même un bon contrôle, que je peux reprendre, que je peux faire des changements de pieds, qu'il saute la rivière, les bidets, les combinaisons. 1 mètre de haut, pas plus. Ensuite, je les mets en prairie car je trouve qu'ils doivent encore se durcir, qu'ils doivent encore grandir, s'étoffer au niveau musculaire, à tout niveau. La nouvelle promesse de l'écurie : Filou de Muze, fils de Stakkato issu de la souche de Qerly Chin.

Lorsque l'on travaille les jeunes chevaux toute l'année, ils n'arrivent pas à se développer de la même manière. J'ai déjà remarqué que lorsque je mettais mes 4 ans deux mois en prairie après les finales de Gesves en continuant à les nourrir de la même manière alors qu'ils étaient toute la journée en prairie, les chevaux explosaient dans leur corps, ils prenaient plus de carrure, musculairement, ils devenaient plus forts et au mois d'octobre, lorsqu'on les remonte, on retrouve des chevaux qui ont vraiment évolué. Maintenant, c'est un choix que je prends uniquement pour des chevaux dans lesquels je crois pour le long terme. Si c'est un cheval qui est destiné au commerce, il reste au travail et on le présente car il faut le vendre et gagner des sous car il y en a d'autres qui arrivent … Mozart des Hayettes est passé sous la selle de Philippe. En Belgique, je milite pour que le cycle se fasse en début de semaine. Avec notre système actuel, mes jeunes chevaux ne sautent pas assez. Les 4 ans font juste quelques parcours mais les cinq et six ans, j'aurais aimé qu'ils sautent un peu plus mais seulement, je suis tout le temps parti en international. Actuellement, j'ai choisi de temps en temps de sortir en régional car sur un vendredi, on peut sortir toutes les catégories d'âge en un jour. Les parcours ne doivent pas être trop gros, ce qui est important c'est qu'ils voient des pistes. Querlybet Hero, l'un des quatre fils de Narcotique II de Muze présents chez Philippe Le Jeune. Mais j'aimerais que comme cela se fait en France, en Allemagne, en Hollande ou en Angleterre qu'il y ait des concours le mardi et le mercredi pour des jeunes chevaux.

Je trouverais ça formidable car on pourrait monter nos chevaux nous-même et je crois que ça améliorerait la qualité du cycle lorsque des Le Jeune, Philippaerts, Lansink , Wathelet et bien d'autres montent leurs jeunes chevaux eux-mêmes car les autres vont quand même regarder ce que l'on fait avec nos jeunes chevaux. Ils seront mieux montés, mieux dressés… Combien de fois est ce que je n'entends pas des gens dire qu'ils donnent leur 4-5 ans à des cavaliers moyens car les chevaux n'ont qu'à courir et à se démerder. Je trouve ça aberrant d'entendre ça car il n'y a rien de plus mauvais pour un cheval. Un cheval doit avoir des bases, un 4 ans doit changer de pied au galop ! C'est tout à fait normal, il le fait au naturel … alors je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas le faire monter. On ne casse rien du tout en demandant ça. Il peut faire une petite épaule en dedans, c'est bon musculairement pour assouplir. En faisant tous ces exercices-là, la bouche va s'améliorer et donc il va être mieux à monter et on va pouvoir mieux le conduire et ainsi mettre de meilleures distances. Je trouve que c'est très mauvais pour un 4 ans qui a de la qualité et qui est respectueux qu'on le laisse se démerder sur les barres. Qu'est ce qui se passe avec un jeune qui ne sait pas où il va, qui n'est pas dressé : il court n'importe comment, il vient souvent beaucoup trop dans le pied et qu'est ce qu'il fait comme il est respectueux : il force, il saute beaucoup plus haut, l'atterrissage est donc plus difficile alors que ses articulations ne sont pas encore très solides. Le cheval commence à se tordre devant, pour éviter de faire la faute, il commence à tordre un antérieur, puis l'épaule puis finalement, on dit que le cheval ne saute plus droit … mais ce n'est pas le cheval qui a pris des défauts, c'est le cavalier qui lui en a donné. Un cheval qui a des qualités, si on l'amène sur de bonnes distances, il va développer son style et pas le contraire. Je me rends compte que beaucoup de jeunes chevaux qui arrivent chez moi n'ont aucune base. Ils savent tous sauter 1m20, 1m30, ils savent tous sauter les bidets, ils ont vu toutes les pistes … on va même au chrono en faisant n'importe quoi pour remporter l'épreuve et gagner 50 ou 100 euros mais quand je demande un changement de pied, de céder à la jambe ou un truc comme ça… les chevaux ne connaissent pas.

Prochain épisode demain !