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Patrick Bizot, un investissement de plaisir

Reportages mercredi 11 juillet 2012 Julien Counet

Derrière Old Chap Tame et son succès se cache une belle histoire reliant trois personnes très différentes, aux caractères bien distincts unis dans une même aventure. Aujourd'hui, zoom sur Patrick Bizot, l'investisseur.

Patrick Bizot fait partie de ces gens discrets qui sont aussi connu dans le milieu qu'ils sont inconnus du grand public. Appareil photo en main, n'hésitant jamais à immortaliser des souvenirs par centaines, l'homme fait partie des grands investisseurs français qui aura permis à de nombreux cavaliers français d'arriver sur le devant de la scène, d'y rester ou d'y revenir sans jamais avoir cherché à se mettre en avant. Son plaisir, il est ailleurs… Sylvie Brohier, Patricia Bizot, Eugénie Angot, Old Chap Tame, Denis Brohier & Patrick Bizot Pourtant, à Aix la Chapelle, tout était fait pour que l'on s'intéresse à lui. Eleveur d'Oh d' Eole, jument Selle Français sacrée championne d'Allemagne, propriété des écuries belges de François Mathy, qui évolue sous la selle de Marc Bettinger, il est également co-propriétaire de l'étalon Selle français Old Chap Tame, vainqueur de la Coupe des Nations, et la BWP Davendy S

Comment a débuté votre rencontre avec Old Chap Tame ?

Cela fait une dizaine d'année que j'achète la moitié d'un, deux ou trois poulains chez Denis Brohier dont Old Chap à un an, Panama Tame à un an puis après j'ai acheté Parenthèse Tame de moitié lorsqu'elle avait 3 ans… etc. Ce que nous essayons de faire avec Denis, c'est qu'il fasse le tri dans sa production et j'achète la moitié des poulains avec lui ce qui lui permet de faire de la trésorerie et lui permet donc de garder des chevaux beaucoup plus longtemps qu'un éleveur traditionnel qui est obligé de vendre pour assurer ses besoins annuels. Sinon, j'ai acheté des chevaux aux ventes de Nash ou de Fences sur un coup de c?ur. Ce que je fais de moins en moins puisqu'aujourd'hui, je produits des chevaux avec 5 ou 6 poulinières dont par exemple Oh d'Eole, qui vient de gagner le championnat d'Allemagne avec Marc Bettinger issue d'un croisement entre Kannan et une Papillon Rouge qui tournait en Grand Prix avec Frederique Fabre Delbos puis Alexis Gautier. J'ai là également un très bon 5 ans issu de cette Papillon par Lavillon … etc J'ai également cette année quelques très beaux poulains d'Old Chap Tame. Je me sers en fait de plusieurs des étalons maison des Brohier tel Tibet Tame mais également des étalons extérieurs pour ne pas tomber dans la co-population la plus extrême. Old Chap Tame Actuellement, niveau compétition, je possède la moitié d'Old Chap Tame, la moitié de Davendy S, une jument par Kashmir van't Schuttershof qui est également présente à Aix sous la selle d'Eugénie qui en possède l'autre moitié. Nos jeunes chevaux que nous avons avec Denis sont au travail chez Stephane Dufour. Moi, mon optique, c'est de choisir avec Denis à quel cavalier nous confions les chevaux pour leur carrière sportive comme nous pensons confier Texas Tame (Portofino x Galoubet A) à Pénélope Leprévost alors que nous confierons d'autres chevaux à Alexis Gautier, Julien Epaillard … et d'autres continuerons à être confié à Eugénie Angot.

Justement, comment s'est fait le choix d'Eugénie Angot pour Old Chap Tame ?

Denis avait pensé à deux personnes. C'était Pénélope Leprévost et Eugénie. Finalement, il y a eu une question d'accord puisqu'Eugénie a accepté de prendre tous les frais à sa charge en échange d'une participation au gain et d'une participation dans le cheval. Nous sommes donc désormais trois co-propriétaires. Eugénie a 25% et le reste divisé par deux entre Denis et moi. Sachant que lorsque lorsqu'un cheval part chez un cavalier de ce niveau-là, nous fixons un prix de départ du cheval de telle sorte que le cavalier qui a assuré la formation du cheval à 4,5 et 6 ans, en l'occurrence Stephane Dufour, soit assuré de toucher une commission au prix pour lequel le cheval a été estimé en quittant sa cour au cas où le cheval est vendu.

Pour vous, cela signifie que c'est un investissement purement financier ou il y a un côté plaisir ?

C'est surtout un plaisir ! Il y a un compte d'exploitation et des dépenses à amortir, mais c'est avant tout un plaisir.

Avec l'arrivée d'Old Chap Tame à ce niveau, c'est l'aboutissement d'un investissement de nombreuses années ?

Non, je ne le vois pas vraiment ainsi. Lorsqu'on fait ça, on sait que c'est long. Il faut laisser du temps au temps, respecter les étapes et ne pas griller le cheval. Il faut avoir une structure de gens compétent, ce que l'on a chez Denis mais c'est aussi vrai au niveau du vétérinaire, du maréchal ferrant, des grooms, de l'état d'esprit et du soin apporté aux chevaux. C'est ça qui est important. D'ailleurs dans le choix du cavalier, les soins pour nous sont tout aussi importants. Au niveau des chevaux, j'ai eu d'autres chevaux qui ont évolué au haut niveau comme Couletto dont je possédais 25% que j'ai vendu, j'avais la moitié de Lavillon que j'ai vendu lorsqu'il a gagné le championnat de France des 6 ans sous la selle de Reynald Angot, j'avais la moitié d'Ornella Mail qui a ensuite été revendue à Madame Pette… et j'avais également la moitié de Panama Tame qui a été vendu à Gilbert Deroock. Je suis conscient des contraintes économiques et il y a un moment donné où il faut assurer le fond de roulement pour payer les frais.

L'aspect commercial fait également partie du plaisir ?

Non, pas du tout. Cela ne fait vraiment pas partie de mes obsessions. La vente se fait d'ailleurs souvent entre cavaliers et nous sommes finalement un peu mis à l'écart et nous intervenons finalement juste au niveau du prix de vente final. Ce qui ne me fruste en aucun cas, c'est juste que le marché est ainsi constitué. Il passe par des courtiers et des cavaliers alors que les tenants et les aboutissants passent finalement entre l'acheteur du cheval et les propriétaires qui sont chacun aux deux bouts de la ficelles mais le système se génère au milieu. » Vous avez suivi toute la semaine d'Aix la Chapelle, quels sont vos impressions ? P.B. : « Je n'avais pas pu me rendre à Rotterdam en raison du mariage d'un couple d'ami et je ne pouvais pas être au four et au moulin, ce que j'ai regretté … car je n'ai jamais mis les pieds à ce concours, comme à Aix la Chapelle du reste. Ici, j'ai été émerveillé et je suis désolé qu'on n'ait pas un niveau d'évènement pareil en France mais je ne pense pas qu'on ait également le même niveau d'organisation, le même sérieux et la même rigueur.

D'ailleurs, on voit bien au long d'une semaine à Aix la Chapelle à quel point la rigueur et le professionnalisme compte alors qu'en France, ce sont plutôt des coups d'éclats, des coups de gueule et de l'amateurisme qui s'articulent et s'agitent dans ce petit milieu équestre par rapport à une rigueur absolue ici en Allemagne.

A propos d'Old Chap, j'ai été très heureux de voir son comportement le premier jour où il fait une petite faute sur la latte de la rivière sinon il a sauté de façon hyper classique en sachant que depuis le début de l'année, il n'a fait que des épreuves en Espagne, puis La Baule mais qu'avec ces histoires de grippe, il a été privé de faire Rome et Madrid, il a fait Rotterdam et qu'il s'est imposé hier lors de la coupe des nations comme un cheval crack ici dans le sérail du cheval mondial. J'étais également très content de voir cette jument par Kashmir de 9 ans que nous avons acheté avec Eugénie à Auvers dans le cul de la manche s'impose comme une jument avec un potentiel pour devenir assez rapidement comme une très grande jument de compétition. D'ailleurs, elle a gagné la grosse épreuve chez madame Mars, il y a 15 jours à Fontainebleau et elle s'est classée 6 ème jeudi dans une grosse épreuve ici à Aix.

Vous parliez tout à l'heure de votre élevage et de vos produits d'Old Chap Tame, c'est une déception pour vous qu'il ne soit pas plus utilisé ?

Le drame des éleveurs, c'est qu'ils n'ont aucune anticipation ! En fait, ce qui les rassure, ce sont les saillies les plus chères. C'est souvent le moment où ils sont les plus chères qu'on se rend compte que la production est très moyenne, il y a donc une espèce de snobisme idiot de vouloir se rassurer en payant cher pour se dire qu'on a fait le bon choix. Pour moi, ce qui est intéressant dans ce domaine, c'est de tester des futurs champions. » Tout le suivi d'un jeune cheval, c'est également ce qui vous passionne finalement ? P.B. :  « Oui, j'ai un plaisir extrême à voir les poulains évoluer au pré avec leur mère puis à un an, deux ans, trois ans … à les voir être débourré, à les voir s'exprimer en liberté sur des barres, à les voir monté dans des épreuves de 4 ans puis les voir grandir à 4,5,6,7 ans … c'est comme une vigne, cela prend du temps avant de faire du bon raisin et si on ne leur donne pas une unité de temps égal à 10 ans, comme pour Old Chap, il vaut mieux passer à autre chose : ce n'est pas la bourse !

Old Chap Tame, vous l'avez beaucoup suivi sur les circuits de jeunes chevaux ?

Oui, beaucoup et de manière régulière.

Aujourd'hui, par rapport au circuit international, qu'est ce qui change dans votre manière de le suivre ?

C'est l'accomplissement de tellement de travail. J'ai téléphoné ce vendredi matin à Stephane Dufour que je tenais vraiment à associer à cette victoire dans la coupe car il a énormément travaillé le cheval, les grooms l'ont énormément soigné à l'image de Benjamin, le groom d'Eugénie, qui vit avec 24h/24. Pour ma part, j'ai un très grand respect pour toutes ces personnes qui entourent de leurs soins et de leurs amours ces animaux en gagnant des salaires modestes. C'est ce qui me passionne et je pense qu'on ne peut aimer les chevaux qui si on respecte et les chevaux, et les hommes.

Qu'est ce qu'on peut vous souhaiter dans cette association ?

Qu'elle dure ! Qu'elle continue encore longtemps en nous faisant vivre d'aussi belles aventures sachant que sur un mois la sensation est tel qu'elle n'est pas prête de se renouveler puisqu'on a gagné deux Grand Prix avec Parenthèse, un Grand Prix avec Davendy S, qu'on vient de gagner la coupe des nations alors qu'Old Chap est sorti du chapeau 6 heures avant… donc ça, c'est un rêve qui nous tombe dessus, on est un peu abruti et on ne s'y attendait franchement pas.

Photos : Julien Counet