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“Nous nous sommes fixé l’objectif d’amener Dubaï du Cèdre au plus haut niveau”, Sylvain Pitois (3/3)

Dubaï
Sport vendredi 1 juillet 2022 Mélina Massias

Cet article a été mis à jour le 8 septembre 2023 à 12h30.

Depuis son plus jeune âge, Dubaï du Cèdre réussit tout ce qu’elle entreprend. Impeccable lors de ses années de formation, qu’elle a achevées par un titre de vice-championne de France à sept ans avec sa complice Margaux Rocuet, l’alezane s’est confrontée, du haut de ses neuf ans, à ses premières épreuves à 1,55m, fin mai, lors de l’étape du Longines Global Champions Tour de Ramatuelle. Sélectionnée pour sa première Coupe des nations 3* il y a quinze jours, à Gorla Minore, la Selle Français Originel amorce une ascension exponentielle dans sa jeune carrière. À l’origine de cette jument puissante, respectueuse et énergique, un croisement génétique imaginé par Sylvain Pitois et sa compagne, Perrine Cateline, entre des souches connues et reconnues. Portrait en trois épisodes. 

La première et la deuxième partie de cet article sont à (re)lire ici et ici.

Pour composer avec la personnalité remuante de sa complice, Margaux Rocuet axe son travail sur deux fondamentaux : la décontraction et le relâchement. “Nous essayons de faire en sorte qu’elle soit le plus disponible possible. C’est une jument qui a vraiment un très fort caractère et qui ne se laisse pas faire. Elle a toujours été de très bonne volonté, voire parfois un peu trop. Son envie a pu lui faire défaut tant elle voulait aller vers les obstacles. Or, lorsque les barres commencent à monter, il faut prendre le temps. Nous avons appris à la connaître et à mettre en place des systèmes. À la sortie de l’hiver, avant de repartir sur une nouvelle année, je peux me permettre de sauter quelques petits parcours d’entraînements. En revanche, une fois la saison lancée, Dubaï n’enchaîne plus à la maison. Nous nous concentrons sur de la gymnastique et de petits sauts pour travailler sur des points précis. Par exemple, si nous n’avons pas très bien réussi une combinaison le week-end, on oriente notre séance là-dessus. Nous évitons les parcours complets car elle commence à s’énerver et se met la pression”, détaille l’amazone.

De l’avis de tous, Margaux et Dubaï se sont parfaitement trouvées, pour former un vrai couple. En plus de l’entente qui règne entre ces deux-là, le parcours qu’elles ont suivi n’a fait que les rapprocher. “C’est toujours un avantage de monter les chevaux dès leur plus jeune âge. Même si je ne l’ai pas montée depuis ses quatre ans, je connais très bien Dubaï. Nous avons pu commettre certaines erreurs que nous ne reproduirons pas. Je sais qu’elle a toujours été dans de bonnes conditions à la maison et elle fait partie intégrante des écuries. Je la considère comme ma jument, même si je sais que ce n’est pas le cas et qu’elle appartient à Perrine et Sylvain, mais ce n’est pas un cheval qui est arrivé il y a deux ou trois mois. C’est vraiment une histoire sur le long terme et je crois que cela joue en notre faveur”, savoure la Bretonne.

Margaux et Dubaï à Lyon. © Sportfot

Aux écuries Rocuet, l’alezane profite également d’une vie de reine. “J’essaye de sortir Dubaï le plus souvent possible. En règle générale, je monte mes chevaux d’âge le matin, puis je leur accorde un maximum de temps au paddock. Nous avons la chance d’avoir de grands paddocks sympas à la maison, avec pas mal d’herbe. Dubaï aime bien aller au paddock, mais avec modération. C’est-à-dire que lorsqu’elle a décidé de rentrer, il est l’heure de rentrer ! Cela peut-être après une demi-heure dehors, ou deux heures. C’est elle qui décide”, sourit sa cavalière. “Ensuite, nous profitons régulièrement de petites promenades dans la campagne environnante. C’est sympa pour les chevaux de concours, qui passent beaucoup de temps en carrière, d’aller en extérieur. Dubaï est super et n’a peur de rien. Elle ne fait jamais un écart, donc se balader avec elle est toujours chouette.”

Le haut niveau en ligne de mire

Pouvant compter sur un solide piquet de chevaux, la jeune femme vit une période faste. Après sa belle prestation dans la Coupe des nations de Gorla Minore, Margaux devrait continuer sur sa lancée. “Nous récoltons le fruit de notre travail”, se réjouit-elle. “Nous avons eu Djibouti et Dubaï lorsqu’ils étaient jeunes. Aujourd’hui, notre investissement commence à payer. Nous sommes une écurie de commerce et n’avons pas les moyens d’acheter des chevaux une fortune. Alors, réussir à conserver quelques montures que nous avons formées et que nous jugeons bonnes, pour réussir à faire ces performances-là, est sympa. Lorsqu’on y parvient, on a le sentiment du travail bien fait.”



Si Djibouti semble viser les Jeux olympiques de Paris en 2024, tant convoités par les cavaliers tricolores, Dubaï, elle, donne les moyens à son entourage de rêver de haut niveau. “Nous nous sommes fixé l’objectif de l’amener au plus haut niveau”, assure Sylvain Pitois, sans détours. L’éleveur imaginerait-il quand même sa jument participer à l’échéance olympique ? “Oui et non. Se fixer un tel objectif est compliqué. Cette compétition sera réservée aux meilleurs, aux plus expérimentés. Et seuls trois entreront en piste”, répond-t-il. “Je n’ai pas apprécié le nouveau format et ce que nous avons pu voir à Tokyo. Je suis très à cheval sur le bien-être de notre jument, donc l’objectif reste d’atteindre le haut niveau. S’il y a des sélections en équipe de France, bien-sûr, ce sera la cerise sur le gâteau, mais nous n’en faisons pas une obsession.”
 Dubaï et Margaux à Fontainebleau. © Mélina Massias

“Dubaï et Djibouti sont totalement complémentaires”, reprend Margaux. “Avec elle, je ne me mets pas trop de pression. Je sens ses capacités et je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle sautera des Grands Prix 5* d’ici quelques temps. Et je sais qu’elle sera là quand j’aurais besoin d’elle. Le programme n’est pas totalement défini. Je me suis lancée dans les premières 1,55m de la jument à Ramatuelle et cela s’est excessivement bien passé. Je crois que son planning va être aux couleurs de ce qui se passe en ce moment. En tout cas, mes deux chevaux sont prêts et capables.” 

Forcément, les performances de l’alezane attire les convoitises. Pour l’heure, Perrine Cateline et Sylvain Pitois étudient les offres transmises par Margaux, mais souhaiteraient d’abord atteindre leurs objectifs avec leur protégée. De son côté, la cavalière de l’alezane espère forcément pouvoir la conserver sous sa selle le plus longtemps possible. “Nous discutons souvent avec Sylvain et il n’y a pas de tabou entre nous. Je tiens à être la plus juste et transparente possible avec mes propriétaires. Pour le moment, Sylvain et Perrine continuent de croire en moi et en notre couple avec Dubaï et c’est chouette. De mon côté, j’essaye de trouver des investisseurs pour trouver un arrangement et continuer cette belle histoire tous ensemble. Sylvain et Perrine sont mes propriétaires, mais pas mes mécènes. J’espère pouvoir trouver des solutions et cela aboutisse”, confie la jeune femme. Et les propriétaires et éleveurs de Dubaï de répondre : “Nous aimerions bien trouver un co-propriétaire afin de mutualiser les risques et pouvoir conserver notre jument un peu plus longtemps. Avec des chevaux de ce niveau-là, nous commençons à recevoir des offres importantes, qui peuvent devenir compliquées à refuser. Alors, nous aimerions bien trouver un ou des associés.”
 
Margaux et Dubaï sur le piste en herbe du Val Porée. © Sportfot

Depuis la rédaction de cet article, en juin 2022, Perrine Cateline et Sylvain Pitois ont trouvé un associé, et pas des moindres. En fin d'année 2022, Julien Epaillard, deuxième meilleur cavalier du monde, a trouvé un accord avec les naisseurs de la bouillonnante alezane, pour écrire une nouvelle page de son histoire. En seulement quelques mois, le duo a surpris son monde en accédant au sommet du jumping mondial en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Premières victoires internationales, premières Coupes des nations CSIO 5* et surtout, premier grand championnat et première médaille ! À seulement dix ans, la nièce de Quickly de Kreisker a l'avenir devant elle et toutes les cartes en mains pour rêver d'une aventure parisienne l'été prochain.

Julien Epaillard aux côtés de Dubaï du Cèdre à Milan. © Mélina Massias



Une influence déjà remarquée à l’élevage

En parallèle de sa carrière sportive florissante, Dubaï se démarque déjà à l’élevage. L’alezane est d’ailleurs déjà grand-mère ! “Je travaille beaucoup sur la jeune génétique femelle. En général, j’utilise des étalons assez confirmés, mais je teste les juments dès leur plus jeune âge. Lorsqu’elles ont six, sept ans, nous savons comment les croiser et gagnons du temps. J’essaye de faire trois ou quatre poulains à deux, trois et quatre ans. Ensuite, on voit rapidement comment elles produisent. Cela donne de bons repères pour la suite et ajoute une plus-value”, juge Sylvain. Dubaï compte ainsi huit fils et filles, et un petit-fils, issu de Jakarta (Dollar dela Pierre, SF, Quidam de Revel x Foudre de Guerre), une propre sœur du prometteur Joli Cœur du Cèdre et Vigo d’Arsouilles (BWP, Nabab de Rêve x Fleuri du Manoir).

Le jeune Mexico du Cèdre, premier petit-fils de Dubaï. © Collection privée

“Jusqu’à maintenant, Dubaï m’a fait des poulains très virils. Les mâles sont tous faits en père et sont vraiment sympas. Ils ont tous des points de force, du sang et de l’envergure. Ses deux premiers mâles sont d’ailleurs étalons. Le premier, Istanbul, un fils de Casall (Holst, Caretino x Lavall I), a été vice-champion de Normandie à trois ans, à l’automne dernier. Il a été vendu à Piergiorgio Bucci, qui en est très, très content. Le deuxième, c’est Joli Coeur. À même pas trois ans - il les aura en août -, il n’est pas loin d’avoir saillie cent juments cette année. Pour un jeune qui n’a jamais eu de selle sur le dos, c’est assez exceptionnel”, se réjouit l’éleveur passionné. “Il est très fertile et très facile à croiser. Ce sont les équipes de France Étalons qui sont venus vers moi, donc c’est de bon augure pour la suite. Dans les autres produits de Dubaï, la première est une Vagabond de la Pomme (sBs, Vigo d'Arsouilles x For Pleasure). Elle a six ans cette année et a été vendue en Espagne. Elle tourne sur 1,25m pour l’instant sous selle amateur. J’essaye toujours de conserver quelques produits pour les mettre en valeur sur le circuit professionnel. Ensuite, la deuxième est partie en Hollande et a été mise directement à la reproduction, comme je l’avais fait avec sa grand-mère, Urgada. Il faut désormais attendre que les produits grandissent pour en entendre parler. Enfin, la propre sœur de Joli Cœur, Jakarta, nous a donné un petit mâle par Vigo. Dubaï a donc été grand-mère pour la première fois !”

Le charmant Joli Coeur du Cèdre, copie conforme de sa mère, réalise une première saison de monte prometteuse. © Mélina Massias

“C’est une belle histoire avec Perrine et Sylvain, même au-delà de Dubaï, puisque mon papa, Bruno, a la moitié de son fils, Joli Cœur (le Breton s'est depuis associé à France Etalons pour conserver le prometteur étalon Selle Français Originel, très prisé à l'élevage depuis ses débuts, ndlr), complète Margaux. “C’est chouette de se dire que la relève de Dubaï se prépare déjà. Son fils est vraiment son sosie. C’en est même perturbant ! Joli Cœur est une copie conforme de sa mère, peut-être un peu plus léger et encore plus dans le sang en termes de physique. À Gorla, j’étais au paddock sur Dubaï et Piergiorgio Bucci est venu me voir. Nous avons pris dix minutes pour discuter de Dubaï et son fils, Istanbul. Au fil des années, l’élevage de Sylvain prend de l’ampleur. À Cabourg, c’est Nicolas Paillot qui m’a demandé ce que je pensais de Joli Cœur, qu’il envisage d’utiliser pour une de ses juments. Lorsque le petit-fils de Dubaï est né, j’ai reçu des photos pour m’annoncer la nouvelle. Nous échangeons toujours de façon très sympathique avec Sylvain et Perrine. Cela me fait plaisir de travailler avec des gens comme eux, qui me font confiance. Cela me touche beaucoup et je tiens à les remercier de me laisser monter et gérer Dubaï comme je l’entends.” 

Encore jeune, la dynastie du Cèdre a toutes les chances de continuer à briller de longues années. Tête d’affiche de l’élevage, Dubaï est sans doute encore loin d’avoir révélé tout son talent. Nul doute que les mois à venir lui permettront d’éclater au grand jour, pour le plus grand bonheur de son entourage, à commencer par ses propriétaires et naisseurs, Perrine Cateline et Sylvain Pitois.

Photo à la Une : Margaux et Dubaï à Fontainebleau. © Mélina Massias