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“Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là”, Sophie et Alexis Bouillot (3/3)

Flambusard
Elevage samedi 2 mars 2024 Thomas Danet Tribut

Guidés par l’amour du cheval, Sophie et Alexis Bouillot ont monté de toute pièce un élevage de chevaux de sport, désormais connu et reconnu, sous l’affixe d’Albain. Cet ambitieux projet est d’autant plus remarquable que ces deux quadragénaires sont issus de familles sans lien avec le monde équestre. L’expression “se retrousser les manches“ semble avoir été faite pour eux, car sans grands moyens mais avec beaucoup de détermination et de sacrifices, ces deux passionnés sont aujourd’hui à la tête d’un cheptel de plus de quatre-vingts équidés, tous sexes et âges confondus. Surtout, le couple peut s’enorgueillir d’avoir fait naître coup sur coup Canabis, Flambusard et Haschich, trois étalons ayant chacun marqué leur génération. Aller à la rencontre de la famille Bouillot, c’est aussi faire le constat que le virus du cheval est contagieux et se partage dorénavant en famille. À leur tour, Charlély et Mélina embrassent la passion dévorante de leurs parents et comptent bien continuer à s’investir à leurs côtés.  

Les première et deuxième parties de ce reportage sont à (re)lire ici et ici.

Le cheval, une passion virale et familiale

Avec une telle structure, le travail ne manque pas à l’élevage d’Albain. Sophie, afférée avec le centre de reproduction et ses obligations de vétérinaire, laisse Alexis, Charlély et Mélina se partager le travail de pas moins de dix-neuf chevaux pour la saison 2024J’ai quatre chevaux attribués et j’ai débourré deux trois ans, dont Kyloren d’Albain (SF, Haschich d’Albain x Tentation d’Albain) qui remporte la section petite taille du régional Selle français des trois ans sport de Cluny en octobre dernier”, explique Mélina. “En plus de Canabis, je peux aussi compter sur Eolia d’Albain (SF, Quick Star x Vas Y Donc Longane), avec laquelle j’ai été championne benjamine, en 2021. Nous montons tous nos chevaux le mercredi et le weekend. Nous alternons aussi les soirs pour pouvoir en monter au moins un, voire deux”, précise l’adolescente, alors que Charlély fait travailler l’une de ses juments sur le plat à ce moment-là. “Charlély a un peu moins de chevaux, car les devoirs en terminale lui prennent plus de temps”, précise Sophie. 

Mélina Bouillot peut aussi compter sur Eolia d'Albain, autre produit maison, et s'attèle à former la relève de son crack Canabis. © Agence Ecary

Pour l’entraînement, les séquences de travail se font, là encore, en famille, sous la houlette d’Alexis, qui troque alors sa bombe pour sa casquette de coach. “Pour le moment, nous ne confions aucun de nos jeunes chevaux à d’autres cavaliers. En effet, nous avons toujours voulu exercer ce métier pour pouvoir monter de bons chevaux. Mais faute de moyens, il nous fallait les faire naître. C’est aussi pour cela que nous ne sommes jamais pressés de vendre nos meilleurs représentants. Nous avons tout fait de A à Z. C’est une réelle satisfaction. Donc aujourd’hui, nous souhaitons légitimement en profiter un peu”, explique le papa-coach, qui avoue, de son côté, travailler seul. Et de reprendre : “Nous ne vendons pas d’embryons, ni de foals. Pour nous, c’est prendre le risque de vendre un poulain à six mois, pour lequel il est très difficile d’estimer la qualité sportive, qui aurait pu se vendre cinq fois ce même prix à quatre ans. Nous préférons les conserver et les faire travailler, quitte à les vendre moins chers que ce qu’il aurait été possible d’obtenir à six mois s’ils ne s’avèrent pas aussi qualiteux qu’espérés. Mon travail n’est pas de vendre des embryons. Ce qui m’intéresse, c’est de voir si mes chevaux sont bons et de les mettre en valeur.”  

Canabis d'Albain et son éleveur, aussi fier l'un que l'autre ! © Agence Ecary



Force est donc de constater que Charlély et Mélina Bouillot, qui baignent depuis leur plus tendre enfance dans l’univers des chevaux de sport, semblent avoir contracté le même virus que leurs parents. Et à ce jeu, voyant l’intérêt de leurs enfants, Alexis et Sophie n’ont pas hésité à leur confier les meilleurs représentants de l’élevage pour les accompagner dans leur progression. Ainsi, après avoir fait sensation sous la selle d’Alexis, puis de Charlély, Canabis est associé depuis fin 2021 à Mélina, avec succès. De son côté, Virgule des Prés, l’une des meilleures mères de l’élevage, a rejoint la selle de l’aîné de la fratrie.

Actuellement en Terminale Scientifique, Charlély Bouillot présente ici sa jument de tête, Virgule des Prés. © Thomas Danet Tribut / @un_hibou_dans_la_lune

Avec la puissante baie, Charlély s’est ainsi classé sixième du championnat des As Cadets de Mâcon en 2022. Bon élève, actuellement en terminale scientifique, Charlély hésite entre la poursuite de longues études scientifiques ou la réalisation d’une formation plus courte qui lui permettrait d’obtenir plus rapidement un diplôme pour revenir dans le milieu équestre. “Les championnats de France à Mâcon avec Virgule représentent un très beau souvenir”, raconte le jeune homme, de manière posée. “Il est vrai que Virgule est une jument compliquée. Les toutes premières fois où j’ai sauté avec elle, je ne trouvais pas les boutons, ce qui faisait que la jument sautait encore plus fort. J’avoue avoir été à deux doigts d’abandonner mais je me suis accroché. J’ai travaillé. Cela a fini par payer. Dorénavant, j’ai très envie de me focaliser sur la formation de mes jeunes chevaux. Par exemple, j’aimerais poursuivre la formation de I Am Merzé d’Albain (SF, Canabis d’Albain x Dollar du Mûrier) et pouvoir l’emmener à la finale de Fontainebleau. Quant à Virgule, je souhaite participer une nouvelle fois aux championnats de France avec elle.” Les objectifs sont donc posés. Et il y a fort à parier qu’avec autant de détermination, le jeune homme les atteindra assurément.

La géniale Virgule des Prés poursuit sa carrière sportive sous la selle de Charlély Bouillot. © Agence Ecary

De son côté, Mélina a rapidement su trouver ses marques avec Canabis d’Albain. Ensemble, ils ont remporté les Grands Prix des CSIO Enfants de Fontainebleau et de Zurich en 2022, puis ceux de Gorla Minore et Compiègne, l’année suivante. “Mes premiers championnats d’Europe à Oliva restent mon meilleur souvenir. Il faut dire qu’un mois avant, je ne savais même pas que j’allais intégrer l’équipe de France ! C’était vraiment une belle surprise. J’étais la plus jeune de l’équipe et nous avons remporté ensemble la médaille de bronze. Côté individuel, j’ai terminé cinquième ex-aequo après avoir concédé seulement quatre points lors de la dernière manche. En 2023, il y avait un peu plus d’attentes de mon côté, car je me doutais que j’allais faire partie de l’équipe pour les championnats d’Europe de Gorla Minore”, narre avec objectivité et maturité la jeune cavalière, médaillée d’argent par équipe en 2023. La saison 2024 s’annonce comme une année de transition, Mélina passant dans la catégorie Junior. “Mon idée est de me focaliser en priorité sur les jeunes chevaux et éventuellement de former d’autres chevaux pour aller sauter de belles épreuves. En toute sincérité, pendant une ou deux saisons, je ne me pense pas capable de prétendre à réintégrer l’équipe de France. J’aimerais déjà me fixer comme objectif de faire de beaux championnats de France dans ma catégorie. Je sais que le passage des épreuves Enfant à Junior est un vrai cap. Actuellement, je dois travailler pour améliorer mon niveau, car je ne me sens pas encore prête. J’ai besoin de progresser.”

Le superbe Canabis d'Albain prend la pose face à sa cavalière. © Thomas Danet Tribut / @un_hibou_dans_la_lune



Actuellement en troisième, Mélina n’imagine pas sa vie autrement qu’au contact des chevaux. “Mon rêve serait de devenir cavalière de haut niveau”, avoue la jeune fille, avec un grand sourire et le regard pétillant, traduisant un dynamisme que ses proches doivent assurément lui connaître. “L’élevage m’intéresse aussi beaucoup. Quoi qu’il en soit, j’aimerais travailler dans les chevaux.”

“La jument pour laquelle les offres sont les plus alléchantes est celle qu’il ne faut surtout pas vendre”

Avec cette vie menée tambour battant, il n’est pas toujours simple pour la famille Bouillot de parvenir à marquer une pause, loin des chevaux. “Chaque année, nous essayons au moins de prendre du temps ensemble à la Toussaint et de partir une semaine au ski l’hiver. Le printemps est une période tellement chargée que l’idée ne nous effleure même pas l’esprit de prendre des vacances”, lance Alexis. “À ce moment, la période de reproduction bat son plein. Très souvent, je reste aux écuries pour surveiller les juments à inséminer et je les laisse partir les trois en concours, sans moi”, ajoute Sophie. “En été aussi, il nous est quasiment impossible de prévoir quoi que ce soit ; exception faite pour 2023, où nous avons fait l’impasse sur la grande semaine de Fontainebleau, ce qui ne nous arrive quasiment jamais.”Sophie Bouillot et toute sa famille ont concédé nombre de sacrifices pour vivre leur rêve avec l'élevage d'Albain. © Agence Ecary

En effet, la concrétisation du rêve professionnel de Sophie et Alexis demande des sacrifices. “Ne pas compter ses heures est une vérité connue de tous. Un élevage de chevaux d’une telle dimension est un travail énorme et quotidien. Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Je n’ai, par exemple, pas de bureau pour travailler au centre de reproduction. Notre maison n’est toujours pas terminée, alors que nous y vivons depuis vingt ans. Bref, le temps manque et au lieu de privilégier un confort personnel, nous avons choisi d’investir l’argent gagné dans notre structure. C’est un dévouement qu’il faut être en mesure d’accepter”, détaille Sophie. “Il faut reconnaître que la profession de Sophie nous a offert une stabilité financière au départ. À l’inverse de la création d’une écurie de propriétaires avec des rentrées d’argent plus rapides liées aux pensions, nous avons dû tenir bon sur le long terme, le temps de faire naître, puis valoriser et vendre correctement nos premiers poulains”, poursuit Alexis, avant de conclure. “Par exemple, nous avons reçu de belles offres concernant Virgule, mais nous ne l’avons pas vendue, car en toute logique, celle qui présente le meilleur potentiel pour transmettre ses qualités, c’est elle-même et non pas sa mère, ni sa sœur. Ce n’est pas évident à mettre en place, car être à la tête d’un élevage nécessite de maintenir une stabilité économique, passant inévitablement par la vente de chevaux. Il faut réussir à tenir. Mais dans l’optique de poursuivre le progrès génétique, il est important de ne pas se séparer trop vite des meilleurs éléments. Le raccourci est souvent pris de penser qu’en conservant un frère ou une sœur, on conserve la même qualité génétique. C’est possible, mais ce n’est pas une vérité irréfutable. Il faut donc garder les meilleurs sujets, surtout concernant les poulinières. À mes yeux, la jument pour laquelle les offres sont les plus alléchantes est celle qu’il ne faut surtout pas vendre.”

Ce beau poulain made in d'Albain est peut-être la relève de Canabis, Haschich et Flambusard. Wait and see. © Thomas Danet Tribut / @un_hibou_dans_la_lune

Photo à la Une : Alexis Bouillot au milieu de ses poulains. © Thomas Danet Tribut / @un_hibou_dans_la_lune