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Nicolas Deseuzes : un parcours atypique vers le haut niveau

Reportages vendredi 20 novembre 2020 Oriane Grandjean

Dans cette troisième et dernière partie (lire partie 1 et 2), Nicolas Deseuzes explique sa nouvelle dynamique destinée à s’assurer un piquet de chevaux pour le futur. Même s’il peut s’appuyer sur le soutien de sa fidèle propriétaire, il ne compte sur personne pour atteindre ses objectifs et a investi dans de jeunes chevaux prometteurs qui devraient lui ouvrir la voie vers les CSI 5*.

Partie 3 : miser sur la jeunesse

Stella de Preuilly et Nicolas Deseuzes au CHI de Genève

« Nous avons toujours quelques chevaux avec Catherine Girardot, la propriétaire de Quilane, et j’en ai quelques-uns à moi-même, notamment Stella de Preuilly. Elle a quatorze ans maintenant. Elle était en région parisienne et elle me plaisait beaucoup. Il y a six ans, sa propriétaire et cavalière ne voulait pas forcément la vendre, donc elle m’avait annoncé un tarif élevé. Quand la jument a eu onze ans, elle m’a recontacté car elle arrêtait de monter et savait que la jument me plaisait beaucoup. Ils lui avaient fait faire un poulain et ils voulaient la vendre. Le tarif n’était plus le même et quand je l’ai essayée j’ai tout de suite été conquis. Je l’ai achetée au mois d’octobre 2017. Dès 2018, elle a énormément gagné. » 

Parmi les autres bons chevaux qui ont croisé la route de Nicolas Deseuzes, il cite volontiers Ulloa du Trèfle, « qu’on avait acheté avec Catherine à huit ans. Elle a mis du temps pour arriver à haut niveau, mais elle a fait ses preuves. Elle sautait mieux en indoor.

Il y a aussi eu Topaze Latour, un étalon avec lequel j’ai été troisième du GP de Donaueschingen et de celui d’Arezzo. J’ai croisé sa route lorsque j’allais fêter le Nouvel-an chez des amis en région parisienne. Ils m’ont dit qu’on allait essayer ce cheval le matin du 1er janvier. Ce qui est sympa, c’est que j’avais déjà monté Topaze quelques années auparavant, lorsqu’il avait quatre ans, et il avait alors enchaîné les parcours sans-faute. Il était Elite et avait même gagné le championnat des étalons en Normandie. Je le montais uniquement en piste à cette période. Le cheval a ensuite été confié à Marc Dilasser, qui montait en Coupes des nations. J’ai toujours suivi les parcours de Topaze, car j’avais rarement monté un cheval d’une telle qualité à cette époque. Durant son année des sept ans, il a été opéré d’une hernie inguinale. Il a repris les concours à huit ans, mais sans beaucoup de succès. Mon ami me dit donc qu’on va l’essayer le 1er janvier. Je me mets en selle et c’est vrai que sur le premier saut, il donne l’impression d’être tout mou. Mais je le monte ensuite avec de la vitesse, ce qui caractérise ma monte, et à la fin de la séance, le cheval saute un oxer de 1.50m facilement, même en le poussant dans la barre. Il sautait avec la même aisance qu’à quatre ans. On décide de l’acheter. A cette époque, je commençais à faire mes armes avec Quilane. J’ai donc pris Topaze en Espagne en début d’année, où il classe une 1.40 et fait une barre dans une épreuve comptant pour le classement mondial des cavaliers. S’en est suivi une multitude de classements, notamment en Grands Prix. On l’a ensuite vendu. »

Nicolas Deseuzes et Topaze LaTour (Diamant de Semilly et Narcos) © Sportfot

Quilane ayant pris sa retraite, Nicolas Deseuzes a depuis quelques temps dû réfléchir au moyen de renouveler son piquet de chevaux : « Quand Quilane a commencé à prendre de l’âge, j’ai un peu changé ma politique et j’ai surtout investi dans de jeunes chevaux. Avant, je n’achetais pas vraiment de chevaux, ou alors un seul de temps en temps, mais maintenant j’ai acheté des lot de trois ans, notamment aux haras des Forêts et de Sunheup. Les plus vieux ont maintenant entre sept et huit ans et il y a parmi eux, à mon avis, de vrais cracks. Je vais donc pouvoir continuer mon apprentissage du haut niveau, mais avec une qualité de chevaux encore meilleure. Parmi les chevaux que j'ai achetés, il y a plusieurs étalons approuvés, soit à Zangersheide, soit au Selle-Français. Donc dans une optique de rentabilité, je vais les valoriser en tant qu’étalons. Pour les faire connaître, j’offre quelques saillies. Drugster des Forêts (Kannan et Corofino), par exemple, a été très prometteur dès ses débuts. On l’a notamment emmené sur les six ans à Bourg-en-Bresse, où il a fait sensation. La vidéo du parcours a dépassé les 50 000 vues sur internet. Je me suis dit qu’il fallait valoriser cette qualité. Plusieurs bons éleveurs ont mis Drugster sur leurs juments, notamment l’élevage Mouche, qui a eu plusieurs poulains cette année, dont un a été sixième du championnat de France des foals. J’ai aussi acheté des poulinières ainsi que des embryons de bonnes souches, sur lesquels j’ai mis mes étalons. J’ai notamment un frère d’Ulysse des Forêts, que monte Steve Guerdat. La mère d’Ulysse a été saillie par un de mes étalons, Opium Quality (par Cornet Obolensky et une souche de Casall). Ça coûte cher, mais je me suis dit que durant deux ou trois ans je misais là-dessus. »

Nicolas Deseuzes ici avec Chrome Floreval, un fils de Numero Uno.

Comme cela a été le cas pour tous les cavaliers, les plans que Nicolas Deseuzes avait établis pour la saison 2020 ont été complètement bouleversés par le Covid-19. « Après le confinement, j’avais décidé de prendre part aux concours dans la région. J’ai fait le Grand National de Cluny avec Ulloa. Elle gagne la 1.45m le premier jour et fait deuxième du GP 1.50m. Elle a été vendue directement après cette performance. Stella, elle, avait commencé à être bien à Mâcon, où elle a fait une faute dans le GP, mais c’était une erreur de pilotage. La jument avait très bien sauté d’un bout à l’autre. Je l’ai donc engagée dans le CSI 3* à Busto, où elle a classé la qualificative et gagné le Grand Prix. C’était super. J’ai appelé le sélectionneur dans l’espoir de prendre part à un CSI 4*, notamment à Grimaud. Mais il n’y avait pas de place pour moi. Ce n’est pas évident de construire un programme sur une saison. »

Nicolas Deseuzes et Chrome Floreval.

Il est vrai que l’accès aux plus gros concours du monde n’est pas chose aisée pour les cavaliers. Et malgré le nombre de très bons cavaliers en France, reconnue comme une nation de cheval, ce n’est de loin pas celle qui a le plus de cavaliers dans le top 100. « Nous avions eu une discussion il y a quelques temps avec les instances dirigeantes, car il n’y avait plus de Français dans le top 10 et pas assez dans le top 100. J’ai vu par contre qu’on était la nation d’Europe avec le plus de cavaliers dans le top 250. Ce qui fait la différence, ce sont les propriétaires. C’est aussi pour cela que la Suisse, par exemple, est très forte : elle peut compter sur des propriétaires fidèles. Pour ma part, je mise sur le classement mondial, car je ne peux pas acheter de table pour aller au concours. Dès que tu montes dans le classement, des portes s’ouvrent, c’est sûr. Fin 2019, je suis passé dans les 100 mondiaux. J’étais 99e. Mais avec le peu de chevaux de Grand Prix que j’ai, ils doivent être réguliers pour se maintenir. C’est pour cela que j’espère que Feyah va pouvoir épauler Stella. L’an prochain, quand les sept ans vont pouvoir commencer à faire des CSI, je devrais avoir plus d’opportunités. Je pense que c’est fin 2021 que je vais pouvoir repartir dans des Coupes des Nations. »Nicolas Deseuzes et son fils Arthur

Concilier une vie de famille et le haut niveau n’est pas évident, cela demande des sacrifices : «C’est vrai que je ne vois pas beaucoup ma femme et mes enfants. Je profite de passer du temps avec eux en début de semaine, quand je ne suis pas en concours. Parfois, on prend quelques jours pour aller à la mer et en hiver on va au ski. Arthur a douze ans et Juliette huit ans. Mais ils ne montent pas à cheval ! Arthur montait au poney-club, mais il n’a pas accroché, tandis que Juliette a fait un concours avec un shetland, et cela lui a fait un peu peur. Mes nièces sont plus mordues, par contre. J’ai de la chance de pouvoir compter sur ma sœur qui m’aide aux écuries et qui monte tous les jours à cheval, même si elle ne monte plus en concours. »

Les objectifs ne manquent pas pour Nicolas Deseuzes, qui avoue avoir comme rêve, les Jeux olympiques 2024 de Paris : « Cela paraît inaccessible… mais pourquoi pas ! Parmi mes jeunes chevaux, il y en a, j’en suis certain, qui seront capables de sauter les CSI 5*. Et j’espère que l’un d’eux sortira du lot pour me permettre d’atteindre cet objectif. »

 Fin !

Photos: © Clément Grandjean