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Kreisker, un élevage de qualité au bout du monde… (3/3)

Reportages mercredi 24 février 2010 Julien Counet

Pour notre dernier reportage, nous avons abordé l'évolution de l'élevage ainsi que le lien entre l'élevage et le sport...

Quand on mise tout son élevage sur de grandes souches, n'a-t-on pas peur lorsque l'on vend des pouliches de perdre son capital ?

« C'est certain et c'est inévitable. Economiquement, on voudrait évidemment garder toutes les bonnes pouliches à l'élevage pour soi mais il faut bien faire tourner la boutique. C'est indispensable de vendre et pour vendre avec une bonne plus-value, on est obligé de vendre les bonnes pouliches. Avec le transfert d'embryon, il est possible de voir une souche se multiplier, se multiplier et qui va perdre de sa valeur mais on a pas trop le choix aujourd'hui de faire comme cela. Peut-être que dans les années à venir, on pourra sélectionner et diminuer le nombre de poulain en améliorant encore la qualité mais c'est assez difficile de lier les deux. »

La fille de Jumpy de Kreisker, Quandice de Kerglenn (Diamant de Sémilly), championne de France des 5 ans 2009 , fait le bonheur de son propriétaire Erwan André.


Quels sont les buts de votre élevage ?

« Comme tout le monde, le but est d'avoir des chevaux qui tournent à très haut niveau et le plus souvent possible. En fait, je dis souvent que si j'arrive à produire des chevaux qui tournent en moyenne sur 1,40m, je serai plutôt content parce que cela voudra dire qu'il y a des chevaux qui sautent un peu moins mais dans la moyenne, il y aura des chevaux qui vont sauter aussi plus. Mon souhait est aussi d'apporter ma petite pierre d'évolution génétique en amenant toujours plus de sang, en changeant les modèles et amener des chevaux plus en adéquation avec le sport moderne aujourd'hui mais cela demande beaucoup d'efforts et de casse-tête pour y arriver. C'est pour cela qu'il est important d'aller voir les autres studbooks et l'évolution de l'élevage européen tout en se rendant sur de grands concours. Ce que je déplore beaucoup et pour moi-même d'ailleurs car je ne l'ai pas fait assez tôt, c'est qu'il faut que les éleveurs se rendent sur les grands concours. 

 C'est comme cela que je me suis rendu compte qu'il fallait apporter de plus en plus de sang, des chevaux plus modernes, plus intuitifs, plus faciles. La force aujourd'hui n'est pas l'élément primordial sur les terrains de concours. Aujourd'hui, on veut des chevaux qui vont vite, qui ont du respect. Aller voir du grand sport, cela fait évoluer. » 

 Le fait que les éleveurs ne se rendent pas sur les terrains de concours, est-ce que vous pensez que ça crée un décalage entre l'éleveur et le cavalier ou l'éleveur et le sport ?

« Entre l'éleveur et le cavalier, je ne pense pas mais plus entre l'éleveur et le sport. Beaucoup d'éleveurs saillissent avec des étalons qu'ils n'ont jamais vu, ce qui est quand même embêtant. Après, je sais que ce n'est pas facile d'aller à Aix-la-Chapelle ou sur de grands concours mais pour évoluer, si l'éleveur ne se rend pas au concours, il ne peut pas se rendre compte de ce que c'est que sauter 1,60m au carré ou d'aller très vite sur une épreuve au chrono avec des grosses barres et c'est plus un défaut de l'éleveur lui-même car on a très peu de corrélation entre le cavalier et l'éleveur, en tout cas en France. C'est plus chacun chez soi et il n'y a pas beaucoup de dialogue à part avec certains cavaliers mais c'est plutôt les cavaliers d'un côté et les éleveurs de l'autre. » 

Qwintus de Kreisker (Diamant de Sémilly & Scala Rouge par Papillon Rouge), finaliste du championnat de France des 5 ans sous la selle de Jean Lemonze

N'est-ce pas un problème justement ? 

« Oui, c'est un problème mais la mouvance change et est en train de changer car les cavaliers commencent à se rendre compte que sans éleveurs, ils n'auront plus de chevaux ou en tout cas de moins bons. Personnellement, je travaille beaucoup avec Jean Le Monze et d'autres cavaliers qui n'hésitent pas à poser des questions sur l'évolution des poulains, sur ce que l'on a, sur les étalons à utiliser et finalement un vrai dialogue s'installe entre l'éleveur qui produit et le cavalier qui consomme. Même avec les cavaliers amateurs, on essaie d'avoir des réunions d'éleveurs pour voir ce que veut le cavalier amateur car on sait très bien que produire que des Quidam ou des Papillon, c'est impossible et ce qui convient au haut niveau ne convient pas à tout le monde et il faut aussi que ces chevaux là, si ils ne font pas le grand sport, soient utilisables par des amateurs. Ca en France, on a un peu de mal à le réaliser surtout avec la grande mouvance des étalons étrangers car c'est certain que ces derniers vont ramener du chic, ce que l'amateur va préférer mais pour s'amuser à sauter un mètre, il lui faut aussi un cheval brave et ça, ce n'est pas toujours facile à associer. C'est assez compliqué de réussir un cheval qui, si il ne va pas au haut niveau, puisse quand même aller à l'amateur. »

Quickly de Kreisker (Diamant de Sémilly & Briseis d'Helby (Laudanum xx), mère de Javelot et Kouros d'Helby) finaliste du championnat de France des 5 ans sous la selle de Thomas Rousseau.


Qu'est-ce que vous voyez comme évolution et comme avenir pour l'élevage de Kreisker ?

« Il y a quelques bons produits qui arrivent et qui devraient évoluer au haut niveau d'ici deux à trois ans et pourront aller dans le très haut niveau si tout va bien.

Viper de Kreisker ( Diamant de Sémilly & Briseis d'Helby (Laudanum xx)), propre soeur de Quickly de Kreisker.

J'aimerais peut-être étoffer ma jumenterie avec des éléments qui apportent un sang nouveau car actuellement, j'ai deux ? trois juments qui sont les fers de lance de l'élevage et j'aimerais avoir deux ou trois juments supplémentaires avec un sang anglo-arabe ou pur-sang pour me permettre de faire des croisements différents de ce que j'ai pu faire aujourd'hui. Maintenant, c'est compliqué à faire et il faut souvent deux à trois générations pour aboutir et récolter les fruits de son travail. J'aimerais également avoir un cheval qui perce dans le haut niveau pour approuver le travail que l'on a fait jusqu'à présent, c'est-à-dire avoir des chevaux classés en 5-6 et 7 ans. Un jour, il faut aussi prouver que l'on est capable de faire des chevaux qui gagnent en CSI, mais ça, c'est encore du rêve aujourd'hui. »