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Kreisker, un élevage de qualité au bout du monde… (2/3)

Reportages mardi 23 février 2010 Julien Counet

Dans ce second volet, nous parlerons du choix des juments, des croisements ainsi que des étalons. 

Comment avez-vous sélectionné votre jumenterie ?

« Beaucoup sur les souches maternelles ! J'ai tenu compte des gagnants en première, deuxième et troisième générations pour avoir une fixation des gènes. C'est-à-dire que pour moi, on peut trouver une bonne jument qui produit deux bons chevaux mais qui n'a aucune souche. Je ne crois pas trop à ce schéma là. 

 Jifrane de Chalusse (Papillon Rouge & Nifrane).

Je pense que pour avoir une souche stable et fiable, il faut que la première mère ait produit, la deuxième mère ait produit et la troisième mère aussi. Si la quatrième a produit, c'est encore mieux mais c'est quand même très rare. Après, je m'oriente de plus en plus vers une jumenterie que je peux croiser pour avoir le plus de sang possible car je pense qu'aujourd'hui, il faut avoir le dernier sang pour pouvoir faire du concours de haut niveau. C'est une chose compliquée car le sang ne se mesure pas et c'est un peu au feeling de l'éleveur par rapport aux croisements et ce qu'apporte une mère ainsi que le père. »


Economiquement, est-ce que vous pensez que les métiers d'étalonniers et d'éleveur sont systématiquement liés ?

« Pas toujours mais de plus en plus ! Pour nous, c'est compliqué étant situé à l'extrémité ouest de la Bretagne car les gens ne vont pas venir chez nous si on a un étalon. Les gens vont plus se diriger vers du sperme frais ou transporté, ce qui diminue les possibilités de sperme congelé.

C'est pour cela que nous avons choisi l'opportunité de louer aux Haras Nationaux car, même si nous n'avons pas la totalité des recettes, cela ne nous coûte quasiment rien et on a un pourcentage des recettes assez important. Nous avons de la chance que notre étalon, Fakir de Kreisker saillisse beaucoup. L'élevage, c'est une chose, l'étalonnage, c'est un plus quand l'étalon fonctionne bien. »

Comment voyez-vous justement l'évolution des Haras Nationaux ?

« Je pense que les Haras vont avoir un grand rôle administratif. Ils sont en train de diminuer drastiquement leurs charges fixes, surtout au niveau des bâtiments … etc. Ils avaient des charges beaucoup trop importantes et ils sont en train de diminuer cela puis petit à petit, ils vont laisser l'étalonnage au privé. »

Est-ce que c'est une bonne chose pour les éleveurs ?

« Je ne pense pas forcément, mais je pense que les étalonniers privés qui vont reprendre cela vont être obligés, si ils ne sont pas déjà en train de le faire, de tirer les prix vers le bas car il n'y aura pas un étalonnier qui aura le monopole. On voit d'ailleurs aujourd'hui plusieurs étalonniers privés qui pratiquent des prix plus bas que les Haras. »

Comment choisissez-vous vos étalons ?

« Bien sûr, comme tout le monde, en fonction de la jument. En fait, je pense qu'il y a plusieurs catégories. Si vous avez une très bonne jument, là, vous pouvez vous permettre de croiser sans particulièrement faire un poulain commercial mais vraiment en fonction de ce qu'apporte la jument. 

Roger-Yves Bost & Nifrace de Kreisker (Carnute & Jifrane de Chalusse).

Vous pouvez donc utiliser un étalon jeune ou peu connu qui va apporter une chose ou l'autre tout en complétant bien la jument. Si vous avez une jument un peu moins connue ou reconnue et là, il faut réussir à aller vers un étalon plus commercial tout en complémentant forcément la jument afin de pouvoir vendre le poulain au mieux. »

Dans votre sélection d'étalon, est-ce que vous pensez également à vouloir conserver un patrimoine Selle Français ou est-ce que vous voulez faire un élevage plus européen qu'autre chose ?

« C'est peut-être un peu chauviniste mais je pense qu'il est important de garder des souches franco-françaises, peut-être simplement parce que l'on voit que les étrangers sont demandeurs de nouveau sang. Alors, c'est certain qu'aujourd'hui avec Diamant, Quidam, Jalisco : on ne sort pas vraiment des courants de sang que sont Grand Veneur, Ibrahim et Uriel. On tourne un peu en rond alors on cherche après de jeunes étalons qui vont apporter un nouveau sang pour pouvoir diversifier le sang français. Maintenant, on reste dans les mouvances d'essayer un peu le sang étranger pour voir ce qu'il peut apporter. On aimerait évidemment qu'il ramène du chic, un bon galop, en étant plus moderne et plus facile d'utilisation. Si je pouvais ne faire que du cheval français, je ne ferais que du cheval français, mais ce n'est pas toujours facile. »

Vanille de Kreisker (Messire ardent x Chin Chin & Jifrane de chalusse)


Vous pratiquez beaucoup le transfert d'embryon. Est-ce qu'économiquement, c'est intéressant ?

« Economiquement, c'est intéressant sur les très bonnes juments. Sur des juments comme Betty ou comme Jumpy, c'est intéressant car tout le monde veut des poulains de ces juments là. Forcément, si vous avez trois poulains de ces juments là, vous avez trois fois plus d'argent qui va rentrer si vous vendez les poulains. Si vous avez une jument lambda, pour moi, ce n'est pas du tout intéressant car c'est beaucoup trop onéreux. S'il faut attendre six ans pour voir si le cheval est bon, ce n'est pas du tout intéressant. Cela coûte fort cher et il faut bien se rendre compte qu'un transfert d'embryon, ce n'est pas forcément un poulain viable et ce n'est pas un crack à tous les coups. »

 Vegas de Kreisker (Fergar Mail et Jaika du mesnil, s?ur de Baladine du Mesnil)


Géographiquement quand on est installé dans le Finistère, qu'a-t-on comme avantage et comme inconvénient ?

« Comme avantage, on peut dire que l'on a la visite de gens qui ont déjà étudié les papiers et qui ne viennent pas par hasard chez nous. Etant vraiment situé à l'extrémité, j'ai coutume de dire que l'on est le dernier élevage avant l'Amérique et on ne vient jamais par hasard chez nous. Les trois quarts des gens qui viennent sont intéressants et intéressés alors qu'en Normandie, il y a beaucoup de passage. On sort souvent les chevaux pour des clients, il y a beaucoup de concurrence dans le secteur. C'est plus difficile de vendre des chevaux lorsque Levallois, Leredde et Pignolet sont l'un à côté de l'autre. Lorsque vous êtes éleveur à côté d'eux, c'est plus compliqué. L'inconvénient se situe beaucoup dans le transport des chevaux, pour se rendre sur des concours ou simplement se déplacer pour aller voir d'autres poulains : les temps de transports sont très longs. Les autres avantages aussi, c'est le climat : il ne gèle jamais, on a de la terre à un prix très correct à la vente ou à la location donc pour moi, il y a plus d'avantages que d'inconvénients. »

Est-ce que ça influence beaucoup votre manière d'élever ?

« Tout a fait. Nos poulains sont toute leur vie dehors car il ne gèle jamais. Ils sont nourris ensuite en complément minéraux et grâce à cela, ce sont des poulains qui grandissent de manière beaucoup plus naturelle car ils n'ont pas un niveau protéique trop important. Ils n'ont pas des pics de protéines durant leur carrière ce qui permet à l'os de pousser de manière plus régulière que quand vous nourrissez à l'aliment car c'est à ce moment là que peuvent se faire des suros et des problèmes articulaires. »

Dernier reportage demain !