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Julia Dallamano, un retour au premier plan qui ne doit rien au hasard

Sport vendredi 18 mars 2022 Mélina Massias

Brillante lors de ses jeunes années, Julia Dallamano n’a jamais cessé de travailler pour atteindre ses objectifs. Soutenue par ses proches, dont font partie la famille Delestre, mais aussi Edward Levy et son compagnon, Simon Lorrain, la jeune maman retrouve ce week-end le niveau 5*, grâce à un certain Varennes du Breuil. Jonglant entre commerce et sport dans sa structure, basée en Lorraine, l’amazone a connu une ascension fulgurante, qui n’a peut-être pas encore atteint son apogée. 

Julia Dallamano n’a rien d’une quidam. Forte de ses récentes excellentes performances, signées notamment aux rênes du non moins talentueux Varennes du Breuil (SF, Jarnac x Fétiche du Pas), l’amazone de trente et un ans, installée à Pournoy-la-Chétive, en Lorraine, retrouve les 5* ce week-end, à l’occasion du Saut Hermès, à Paris, plus de quatre après sa dernière apparition à ce niveau. “C’est un peu stressant, mais je suis très motivée”, se projetait la cavalière, mardi 13 mars, à quelques jours de l’échéance francilienne. Désormais, la voilà bien arrivée sous les toiles du Grand Palais éphémère. “Nous sommes assez confiants. Malgré tout, je ne pense pas réellement avoir le niveau de ces concours-là”, concède Julia, qui avoue aussi manquer de confiance en elle. “Varennes a très bien sauté dans le Grand Prix du Grand National de Jardy la semaine dernière et est en grande forme. Il connaît ce niveau d’épreuve et je serais bien accompagnée. Marcel et Simon Delestre seront présents pour m’aider, tout comme mon compagnon, Simon Lorrain. Nous avons une bonne équipe. Il faut que toutes les planètes soient bien alignées ce week-end, mais nous espérons que tout se passera au mieux.” Même si elle ne pourra pas disputer le temps fort dominical, en raison des règles de sélection, Julia vise le Saut Hermès, couru en binôme mixte, samedi 19 mars. “Il y a aussi un prix individuel pour cette épreuve. J’aimerais me classer parmi les trois premiers. C’est très ambitieux et je sais qu’il y aura les meilleurs. Malgré tout, je pense que Varennes en est capable. Ce sera mon Grand Prix du week-end”, ajoute-t-elle.

Avant Varennes du Breuil, Simon Delestre avait également confié Chadino et Qopilot Batilly Z, ici en photo, à Julia. © Sportfot.

Tous les feux semblent en tout cas au vert pour la paire, formée depuis septembre 2021, grâce à l’intervention de Simon Delestre. Le Lorrain collabore de longue date avec Julia Dallamano, qui n’en est pas à son coup d’essai. Si ses récentes performances avec Varennes du Breuil, et notamment ses cinq classements en six parcours disputés sous le soleil espagnol de Valencia, ont remis la jeune maman sous le feu des projecteurs, son parcours n’en n’est pas moins riche. Avant d’occuper par deux fois la deuxième place des Grands Prix de Valencia, Julia a fait ses armes sur le circuit réservé aux jeunes pousses. D’abord à poney, la cavalière s’illustre en participant à trois championnats d’Europe. “Je ne viens pas du tout d’une famille de cavaliers à la base”, retrace l’intéressée. “J’ai commencé à monter très jeune, en poney club, comme beaucoup de personnes. Mon père s’est rapidement pris au jeu et a acquis plusieurs poneys. Après mes trois championnats d’Europe, je suis partie m’installer chez la famille Delestre à l’âge de quinze ans. Marcel était l’entraîneur national des équipes Poneys, avant de s’occuper des Juniors.” Julia achète ensuite Multimed Marrokko (HSH, Kemal-36 x Korhely I), un bon poney qui lui permet de participer à une nouvelle échéance européenne, cette fois en Junior, à Auvers, en 2007. Troisième par équipe, la jeune pilote ajoute une médaille à sa collection, qui comptait déjà une breloque d’argent, décrochée en individuel, et deux de bronze, venues récompenser le travail collectif des Bleuets à poney. En 2009, lors des championnats continentaux Jeunes Cavaliers d’Hoofddorp, aux Pays-Bas, Julia étoffe son palmarès avec une nouvelle médaille par équipe, cette fois recouverte d’argent et glanée aux rênes de Sarantos (KWPN, Emilion x Larome).

La joie de Julia, juchée sur Marokko, ici aux championnats d'Europe d'Auvers. © Sportfot

“Julia est toujours positive et de bonne humeur”, Simon Lorrain

S’en suivent de nombreuses apparitions internationales et autres classements, jusqu’en Grands Prix 3* à 1,50m, ainsi qu’une troisième place des Bleus dans la Coupe des nations CSIO 3* de Bratislava, en 2010, toujours en compagnie de Sarantos. “Ensuite, j’ai continué les compétitions, mais sans résultats très significatifs. J’ai pris part à quelques 4*, mais je vendais souvent mes chevaux”, justifie Julia. Entre temps, la cavalière a quitté les écuries Delestre pour revenir sur ses terres, en Alsace. Finalement, en 2016, elle pose ses valises au haras de Pléville, situé en Seine-Maritime, entre Rouen et Amiens, grâce à l’aide de Thierry Pomel, alors impliqué dans les équipes jeunes de saut d’obstacles. “Dans mes écuries, je faisais beaucoup de coaching, mais aussi du commerce, ce qui ne me plaisait pas trop”, ajoute l’amazone. Valérie Allix, à la tête de l’élevage de Pléville, lui confie alors plusieurs montures. Rapidement, celles-ci lui permettent de progresser.

En 2017, Julia découvre le niveau 5*, à Valence. Si Umea de Pléville (SF, Casall x Jalisco B) l’accompagne dans les épreuves intermédiaires à 1,45m, c’est bien Hoepala vh Daaloh (BWP, Kashmir van Schuttershof x Clinton) qui lui permet de disputer son premier Grand Prix à ce niveau. Une jument qui reste gravée dans la mémoire de l’Alsacienne : “À l’époque, nous l’avions vraiment achetée pour le sport avec mon père. Nous avons connu beaucoup de hauts et de bas. Elle était difficile, mais j’ai réussi à l’emmener au plus haut niveau. Je l’ai ensuite vendue, ce qui m’a permis d’acheter des jeunes chevaux et de continuer à évoluer. Pour moi, c’était l’un de mes plus grands accomplissements.” Une fois l’échéance de Valence achevée, la paire enchaîne à Gijon, où elle termine huitième du Grand Prix. “Sans cette faute, j’aurais pu remporter le Grand Prix”, se souvient la Française. Quelques semaines plus tard, la cavalière prend sa revanche en signant l’un des deux seuls doubles sans-faute de la Coupe des nations du CSIO 3* de Rabat, au Maroc.

L'excellente Hoepala, ici dans le Grand Prix 5* de Valence, première épreuve de ce niveau disputée par Julia. © Sportfot

Après trois années passées au haras de Pléville, Julia rejoint les Pays-Bas et la structure d’Henk Nooren, désormais sélectionneur national des équipes de France Seniors de saut d’obstacles, pour un peu plus d’un an. “C’était une fantastique expérience. Je connaissais Henk de mes années jeunes puisqu’il nous donnait souvent des stages, et j’ai également eu l’occasion de travailler avec Barnabas (Mandi, notamment juge international de dressage, ndlr). Quand j’ai quitté le haras de Pléville, Henk m’a tout de suite accueillie. J’ai monté quelques chevaux de commerce et de clients. Cela m’a surtout permis de découvrir un autre système”, témoigne la trentenaire. Depuis, cette dernière s’est installée aux côtés de son compagnon, Simon Lorrain, à Pournoy-la-Chétive, non loin de Metz. Un peu plus de quatre ans après sa dernière apparition en 5*, et un solide bagage technique en poche, revoilà Julia sur le devant de la scène. “Julia avait déjà fait des 5*, mais elle a changé de système entre temps. Elle était souvent salariée et a été soutenue par ses parents. Sa sélection pour le Saut Hermès découle de notre travail et de notre carnet d’adresses, qui compte notamment la famille Delestre. Cela nous fait très plaisir et récompense notre fonctionnement”, glisse Simon Lorrain. “Bien que cela soit une vraie satisfaction, nous ne nous croyons pas du tout arrivés. Nous ne savons pas ce qu’il va se passer une fois sur place, ni si cela va durer.”

Simon Lorrain et sa compagne jonglent entre le commerce et le sport, un équilibre parfois difficile à trouver. Pour autant, leur travail semble porter ses fruits, en témoigne cette participation au CSI 5* de Paris. Pour retrouver ce niveau, Julia a pu s’appuyer sur sa grande capacité de travail, que n’hésite pas à vanter son compagnon. Montant jusqu’à huit chevaux par jour, dont cinq ou six le matin, la cavalière a des journées bien remplies. “J’ai eu un bébé il y a un an et demi, alors cela me prend une bonne partie de mon temps en dehors des chevaux”, sourit-elle. Et Simon Lorrain de reprendre : “La grande force de Julia est aussi d’être toujours positive et de bonne humeur. C’est très agréable à vivre ! Elle a été formée dans le système Delestre et Nooren et je dois dire que sa force de travail est assez impressionnante. Ses parents sont aussi comme cela et tous les membres de sa famille sont des bosseurs. Julia est également très calme à cheval. Malgré la pression des événements 4 ou 5*, elle ne va pas détruire son équitation. Certaines personnes peuvent perdre leur moyen face à de telles échéances, en faire un peu trop. Même si elle n’a pas suffisamment confiance en elle, Julia dispose d’une base suffisamment solide pour pouvoir monter à n’importe quel niveau. Au Saut Hermès, elle ne va pas, tout d’un coup, monter différemment. Grâce à cette mentalité, elle peut aussi s’adapter à beaucoup de chevaux.”

Valériane de Moyon est une très bonne gagnante à 1,30 et 1,35m. © Sportfot

Une histoire de famille(s)… et d’amis

Ce week-end, à quelques encablures de la Tour Eiffel, c’est l’énergique Varennes du Breuil qui accompagnera l’amazone dans cette nouvelle expérience. Lancé sur la scène internationale par Regis Bouguennec, ce hongre de treize ans, né pour le compte de Jean-Michel Lorain et Benoît Champagnat, a été révélé par Pénélope Leprevost puis Simon Delestre. Depuis septembre 2021, l’alezan, qui a laissé quatorze produits à l’élevage avant d’être castré en 2018, fait le bonheur de sa nouvelle pilote. “Les Delestre savent quels chevaux me confier pour que tout se passe au mieux. Comme ils me connaissent bien, cela fonctionne souvent rapidement”, note Julia. Et Varennes ne déroge pas à la règle. “Je ne le connais pas encore beaucoup, mais je me suis directement bien entendue avec lui. Il est un peu spécial, mais c’est un crack. Il a un très bon tempérament, est très respectueux et rapide”, développe-t-elle. “Il peut être un peu délicat en piste lorsqu’il chauffe et est plus à l’aise à l’extérieur qu’en indoor. Varennes a aussi son petit caractère et est un peu atypique. Il n’aime pas grand-chose, mais apprécie qu’on le monte. Surtout, c’est un vrai guerrier en concours.”

Le charmant Varennes du Breuil. © Sportfot

Ce week-end, et comme souvent, le duo pourra compter sur des personnes de confiance pour l’aider. Les parents de Julia seront là, tout comme Simon Lorrain, ainsi que Simon et Marcel Delestre. Tout au long de son ascension, la jeune femme a pu compter sur le soutien de ses proches. “Mes parents, qui m’ont mis le pied à l’étrier, m’ont beaucoup aidée. Ils m’ont suivi depuis mes jeunes années. Mon père conduisait le camion pour aller en concours. C’était primordial et cela m’a donné une stabilité qui m’a permis de faire partie des meilleurs”, reconnaît-elle. Et d’ajouter en riant : “Mes deux frères ont essayé de monter à cheval, mais ils étaient un peu trouillards. Après les deux, trois premières chutes, ils ont vite lâché l’affaire. En revanche, ils m’accompagnaient en concours et cela les amusait bien de dormir dans le camion, etc.” D’ailleurs, si elle n’était pas devenue cavalière professionnelle, Julia aurait pu rejoindre l’entreprise familiale de son père, spécialisée dans la construction en bâtiment ! Si elle reconnaît également devoir beaucoup - “un peu tout” selon ses termes - à la famille Delestre, son compagnon tempère : “Elle doit sa réussite à tout le monde, mais surtout à son travail. Elle est talentueuse ; dès le départ, elle était plus forte que les autres sur un poney. En Juniors, c’était la même chose. Bien sûr, toute l’équipe était super et il est difficile de dire qu’elle était meilleure que ses coéquipiers, mais elle a un talent intrinsèque et a toujours travaillé pour atteindre ses objectifs.” 

Un autre cavalier fait partie du cercle qui gravite autour de Julia : Edward Levy. Ce dernier a d’ailleurs pris les rênes de la toute bonne Cœur de Prem (Z, Cap Kennedy x Nidor Platière), troisième du championnat de France des chevaux de sept ans l’an passé à Fontainebleau, pour quelques parcours. “Nous travaillons ensemble et achetons parfois des chevaux en commun. Souvent, nous nous prêtons nos montures, pour avoir des avis différents. Nous essayons de nous entraider et d’optimiser le travail de chaque cheval en nous les prêtant. Par exemple, j’ai monté Generation Ixe (SF, Cornet Obolensky, ex Windows vh Costersveld x Diamant de Semilly), qu’Edward avait sous sa selle l’an passé”, explicite la Française. Un fonctionnement qui semble prolifique et que Julia ne souhaite pas bouleverser. “Je préfère garder mes repères, d’autant plus que cela fonctionne bien. Nous travaillons déjà avec les meilleurs. Quand Simon Delestre nous prodigue un conseil, nous ne pouvons que le suivre. Nous nous entendons bien et nous faisons confiance. Je ne pourrais avoir de meilleur soutien que Simon Delestre, qui m’accompagne en concours et m’appelle tout le temps pour discuter de nos programmes ou autres. Il vient même faire sauter certains chevaux chez nous. Après, il est toujours très intéressant et inspirant de regarder d’autres cavaliers, comme Daniel Deusser ou Scott Brash, qui sont des cavaliers qui nous font tous rêver”, complète l’amazone.

Si Valériane de Moyon (SF, Calypso de Moyon x Diams du Grasset) poursuit sa moisson de victoires à 1,30 et 1,35m, que Cœur de Prem poursuit son chemin vers le haut niveau et devrait disputer des Grands Prix 2* en fin d’année, Julia continue de former la relève en montant divers jeunes chevaux. Dans un coin de sa tête demeure un grand idéal. “Mon plus grand rêve seraient les Jeux olympiques. Mais avoir la chance de refaire quelques 5* est déjà un rêve pour nous. Il y a six mois, nous n’aurions jamais pensé pouvoir participer au Saut Hermès !”, confesse la trentenaire. “J’espère que cela se passera bien et que cela nous ouvrira des portes. Il est difficile de tout mettre en œuvre pour revenir à haut niveau. La route est longue et il faut des chevaux incroyables. Le niveau est fou et tous les chevaux sont un peu hors du commun.”

La belle Coeur de Prem Z devrait disputer ses premiers Grands Prix 2* en fin d'année. © Sportfot


Photo à la Une : Varennes du Breuil et Julia Dallamano. © Sportfot