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Jos Kumps, l'ombre du succès.

Reportages mercredi 9 novembre 2016 Julien Counet

Troisième volet de ce reportage consacré au grand et discret Jos Kumps.

Dès le départ la compétition ne vous a pas intéressée au contraire de la recherche de l'excellence ? 

« C'est un peu comme dans ces écoles où l'on vous fait croire, un peu comme dans une secte, qu'ici, c'est la vraie équitation et seulement ici. J'ai toujours voulu être au contact du sport de haut niveau pour vérifier que je ne suis pas en train de me mentir à moi-même. Lorsque j'ai commencé à monter pour monsieur Pessoa, nous avions décidé dans le contrat que j'aurai toujours à disposition deux chevaux de concours. Ce n'était évidemment pas les meilleurs puisqu'il se les gardait … mais ça, c'est normal. Le problème est arrivé quand Rodrigo a grandi et est passé des poneys aux chevaux car à ce moment-là, monsieur Pessoa est déjà allé rechercher des vieux chevaux à lui qui étaient à la retraite en prairie. A ce moment-là, je suis passé comme le troisième choix. Ca ne m'a pas dégoûté mais ce n'était pas un grand plaisir de se retrouver au concours avec Vagabond King et Mister Moet. »

Comment êtes-vous entré en contact avec la famille Pessoa ?

« J'avais, durant le concours de Bruxelles, rassemblé tout mon courage pour aller voir monsieur Raimondo D'Inzeo qui était aussi un des grands héros à l'époque même si il est malheureusement décédé. Je lui ai dit que je voulais venir chez lui pour apprendre mais il m'a répondu qu'il ne pouvait pas m'aider. Il m'a montré deux militaires qui étaient en train de soigner ses chevaux. Un colonel comme lui dans l'armée n'avait pas besoin d'un Belge pour venir travailler alors qu'il disposait de tout le personnel qu'il souhaitait … et je n'avais pas pensé à cela. Mais il m'a dit : « Si je peux te donner un conseil, n'aie pas peur, va frapper aux écuries importantes. La seule chose qu'ils peuvent faire, c'est de te dire non. Ils ne te tueront pas et ne te tortureront pas non plus. Quand monsieur Pessoa est arrivé de France en Belgique, j'ai pris mon courage et j'ai été l'aborder en lui demandant pour prendre des leçons avec lui. Je suis revenu en 1983 de Grande Bretagne et j'ai rapidement été prendre cours avec lui … mais comme il était souvent parti, c'est Evelyne Blaton qui me donnait cours. Elle m'a alors proposé de monter ses chevaux. A cette époque, elle faisait partie de l'équipe nationale belge et lorsqu'elle était en concours, je devais aller monter les chevaux restant à l'écurie. Je ne voyais jamais monsieur Pessoa car en bon Bésilien, il se pointait à l'écurie à quatorze heures alors que moi, avec les habitudes que j'avais pris en Angleterre, j'étais aux écuries à sept heures et j'avais fini à onze heures. On ne se croisait jamais… Puis le jour où il m'a vu et qu'il a compris que je montais les chevaux d'Evelyne, il m'en a donné deux aussi, deux jeunes que j'ai développés, puis il m'a demandé de m'occuper de Rodrigo qui terminait sa saison de poney. J'ai commencé à le suivre lors de la fin de saison de sa dernière année de poney lorsqu'il participait au championnat de Belgique, hors concours évidemment. Il a ensuite été convenu que je donne cours à Rodrigo tous les mardis et jeudis durant sa période junior et les week-end aller au concours avec lui avant de faire le lundi, l'analyse vidéo des parcours ici, à Ecaussines avec monsieur Pessoa qui ne pouvait pas suivre Rodrigo puisqu'il évoluait encore en concours. A cette époque, un monsieur quelque peu mégalomane … et aussi mythomane avait contacté monsieur Pessoa pour un projet pharaonique d'un centre d'entraînement … mais cela ne marchait pas. A cette époque, les Belges lorsqu'ils passaient une frontière devaient encore payer une garantie de TVA, les Hollandais devaient prendre le bateau car l'Escaut passe par là puis les Flamands et les Hollandais n'ont pas la même culture que les latins. Je recevais une certaine somme d'argent mais nous n'avions pas grand monde, j'ai donc été trouvé monsieur Pessoa en lui disant qu'il faudrait revoir le système car pour un Américain, un Suédois, un Japonais ou un Canadien, ce n'était pas le fait de traverser l'Escaut qui allait les embêter. Nous avons donc commencé à développer cela et nous avons eu des cavaliers de nombreux pays et nous nous en occupions monsieur Pessoa et moi. Lorsque le projet avec ce monsieur particulier a capoté, nous n'avions pas assez de place aux écuries que nous occupions à Loupoigne, nous sommes donc venus ici aux écuries d'Ecaussines. Rodrigo devait avoir seize ans à l'époque. »

Du coup, votre carrière de compétiteur a vite été mise sur le côté.

« Oui même si j'ai encore fait un peu. Elle s'est par contre véritablement arrêtée lorsque mes deux fils ont commencé le sport. Contrairement à un Ludo Philippaerts, je n'ai pas ce côté marchand et je ne pouvais pas avoir assez de chevaux. J'avais besoin de chevaux pour eux. Cela a bien fonctionné puisque les deux ont pu participer aux championnats d'Europe et l'un des deux a même ramené une médaille d'or par équipe, l'autre a eu trois participations. »

Votre carrière sportive est un regret pour vous ?

« Non. Pour le concours peut-être mais pour les heures que vous passez à ne rien faire, certainement pas. Je n'ai pas le commerce en moi comme un Henk Nooren par exemple. Ces gens-là veulent être au concours, c'est leur atelier. Lorsqu'ils ne sont pas occupés avec leur clientèle, ils s'en servent pour repérer les chevaux, faire des contacts. Moi, je n'ai rien de tout ça alors les concours, c'est presque une punition. J'accompagne encore sur les grands rendez-vous comme lors des championnats d'Europe avec Athina Onassis ou les Jeux Mondiaux en Normandie avec les Brésiliens. J'ai également fait tous les camps d'entraînements de l'équipe de France pour Diamant de Sémilly avec Jean-Maurice Bonneau. J'ai toujours gardé un lien avec le concours … mais de moins en moins. »

Comment est-ce que vous développez ce métier de cavalier itinérant en allant entraîner ou monter de gauche à droite ?

« J'ai commencé par prendre des leçons avec monsieur Pessoa, puis Evelyne … puis j'ai accompagné Rodrigo, puis monsieur Pessoa a commencé à m'envoyer chez ses clients importants comme Loro Piana, M. Orlandi, AMG … etc. Je prenais l'avion deux à trois fois par semaine. J'étais deux jours en Suisse, deux jours en Italie… De cette manière, vous développez de nombreux contacts avec différents cavaliers et Evelyne m'a toujours dit de ne pas mettre tous mes ?ufs dans le même panier. J'ai toujours suivi son conseil et je n'ai jamais travaillé uniquement pour les Pessoa même s'ils me l'ont proposé à plusieurs reprises. Cela a toujours été très flexible. Le cas de figure va se représenter ici avec la séparation d'Athina et Doda. Bien sûr que cela va changer un peu ma vie mais ce n'est pas un drame non plus pour moi. Cela ne m'empêche pas de dormir et ça, c'est important. Des gens comme Paul Darragh qui n'avait que la princesse de Jordanie comme cliente, le jour où elle cesse ses activités, vous devenez fou. J'ai travaillé récemment avec la princesse Lama de Saoudie mais le fait que je n'aie pas besoin d'elle a fait que je pouvais dire ce que je voulais… c'est aussi pour cela que cela n'a pas duré très longtemps. C'est aussi pour cela que je ne fais pas de commerce, je ne sais pas faire cela même si je suis bien conscient qu'il n'y a que là que l'on peut gagner de l'argent. Je le sais très bien, je ne suis pas idiot … mais je ne sais pas faire cela. »

La suite, c'est demain.