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Jean-Maurice Bonneau a rejoint le paradis

Bonneau
Sport mardi 19 mars 2024 Mélina Massias

Son sourire, sa voix, ses conseils et anecdotes en tout genre manquent déjà à tous ceux qui ont croisé sa route. Jean-Maurice Bonneau, soixante-quatre ans, s’est éteint à son domicile, en Vendée, lundi. Après avoir sillonné une dernière fois les allées d’un terrain de concours, au Saut Hermès, où il avait à nouveau dédicacé son autobiographie On y sera un jour, mon grand, l’ancien sélectionneur des équipes de France et du Brésil laisse un vide immense et une tristesse infinie au sein de la sphère équestre, pour laquelle il a si souvent œuvré avec justesse et détermination.

Depuis ce lundi 18 mars, où la nouvelle a ébranlé le monde des sports équestres, les hommages pleuvent par dizaines, par centaines voire par milliers. Chacun gardera en mémoire de lui l’homme souriant, cultivé, engagé et prêt à tendre la main à n’importe qui qu’il était. Lundi 18 mars, après avoir arpenté les allées du Saut Hermès, à Paris, échangé avec celles et ceux qu’il a croisé dans les allées du concours et dédicacé son ouvrage On y sera un jour, mon grand, Jean-Maurice Bonneau, soixante-quatre ans, a choisi de partir, chez lui, en Vendée. De Rodrigo Pessoa à Eleonora Ottaviani, en passant par Kamel Boudra, Philippe Rozier, Sean Lynch, Yuri Mansur, Marc Dilasser, Guillaume Canet, Darragh Kenny, Poppy Blandford, Nathan Budd, Bruno Rocuet, Laëtitia du Couëdic, Arnaud Boiteau, Virginie Coupérie ou Eric Louradour, pour ne citer qu’eux, nombre d’acteurs du sport qu’il aimait temps lui ont adressé une pensée émue. 

Aux côtés de Kamel Boudra, Jean-Maurice Bonneau avait souvent partagé son analyse, technique et fine, aux commentaires de nombreuses épreuves internationales. © Scoopdyga

“Nous avons l’infinie douleur de vous faire part de la disparition tragique de Jean-Maurice Bonneau, un père, un grand-père, un frère, un ami, un entraîneur si cher à nous tous. Il a marqué l’histoire des sports équestres par son savoir et son amour des chevaux. Il fut un modèle pour beaucoup, son énergie et sa bonne humeur a tiré bon nombre d’entre nous vers les sommets. Il a illuminé nos vies par sa présence, il laisse un vide immense. Nous vous remercions de respecter la douleur et l’intimité de la famille dans ce moment éprouvant”, ont écrit ses proches sur les réseaux sociaux, lundi soir. 



Groom, palefrenier, cavalier, membre de l’équipe de France pendant près d’une décennie, puis entraîneur à succès, que ce soit auprès de cavaliers individuels ou pour les collectifs brésiliens ou français, Jean-Maurice Bonneau était une figure phare du saut d’obstacles mondial. Né au sein d’une fratrie de huit enfants, le Vendéen, futur diplômé d’un CAP de peintre en bâtiment, découvre les joies de l’équitation à douze ans et marche dans les traces de ses frères aînés, Jean-Pierre, ancien cavalier international et entraîneur, André, lui aussi ancien cavalier et à l’origine du célèbre Bonneau International Poney (BIP), et Jean-Yves, bien connu des complétistes, entre autres pour ses qualités de coach. Hubert Thirouin, chez qui il fera ses armes en montant et formant les jeunes chevaux, puis Daniel Constant, pour qui il montera en concours, lui inculqueront les fondations de sa raison d’être. C’est d’ailleurs à l’occasion de week-ends en compétition qu’il fera la rencontre de Jean Rochefort, un homme qui va “transformer [sa] vie”. En 1981, ce dernier lui confiera, entre autres, le débourrage d’un certain Nashville III, produit de son élevage, avant de lui proposer de se rendre aux championnats du monde de Dublin, l’été suivant. Déjà mordu et surmotivé pour porter un jour la veste de l’équipe de France, Jean-Maurice Bonneau vit son premier grand championnat - de l’extérieur - et toutes les émotions qui vont avec. Son ami Jean Rochefort lui dit alors “on y sera un jour, mon grand”. 

Le week-end dernier encore, le Vendéen transmettait son savoir à la jeune génération. © Scoopdyga

Déjà plébiscité par des clients et autres propriétaires, qui lui confie des chevaux, Jean-Maurice prend son envol quelques mois plus tard, et quitte les écuries de Daniel Constant. Quelques années plus tard, il croisera la route de l’Anglo-arabe Jalienny, acquis après des semaines de négociations intensives. L’étalon, plus tard cédé à son ami Andy Smaga, qui fut, entre autres, propriétaire de Quartz Rouge avec sa fille, lui permettra de remporter son premier Grand Prix national. Et puis, en 1987, c’est Nashville qui lui offrira sa première sélection en équipe de France, à l’occasion du CSIO de Sopot. Jusqu’en 1996, il portera fièrement ces couleurs qui l’ont tant de fois fait rêver, jusqu’à décrocher le bronze collectif aux Européens de Saint-Gall, en 1995, aux rênes d’Urleven Pironnière. 

Avec Urleven Pironnière, Jean-Maurice Bonneau a connu quelques uns de ses plus beaux succès sportifs. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Marqué par les conseils que lui ont prodigué Pierre Durand, qui lui a même permis de monter Jappeloup, un souvenir “inoubliable”, Marc et Gilles de Balanda, Nelson Pessoa, Jos Kumps, Hervé Godignon mais surtout le singulier Jean d’Orgeix, Jean-Maurice embrasse à son tour un rôle d’entraîneur, avec un immense succès, cette fois à temps plein. Poussé par les leaders de l’équipe de France à prendre les commandes de la sélection nationale une première fois en 1999, Jean-Maurice Bonneau décline, avant de succéder à Marcel Rozier en 2000, avec la complicité de son ami Thierry Paillot. Dès sa prise de fonction, il accordera une grande importance aux gens de l’ombre : vétérinaires, grooms et autres rouages indispensables de la performance. À l’écoute, déterminé et visionnaire, Jean-Maurice Bonneau conduira les Bleus pendant six ans. Parmi ses plus grands succès figure évidemment la médaille d’or collective décrochée aux Jeux équestres mondiaux (JEM) de Jerez de la Frontera. Pour défendre le Coq, le sélectionneur avait choisi quatre étalons Selle Français Originel : Dollar du Mûrier, Diamant de Semilly, Dollar dela Pierre et Crocus Graverie, montés respectivement par Éric Navet, Éric Levallois, Reynald Angot et Gilles de Balanda. Le premier couple cité se parera également d’argent en solo. Un an plus tard, la France remporte l’argent aux Européens de Donaueschingen. En 2004, Bruno Broucqsault devient le premier Français - et encore le seul à ce jour - à remporter une finale de la Coupe du monde, à Milan, grâce à Dilème de Cèphe… un Anglo-arabe. En 2003 et 2004, la France avait aussi remporté le circuit des Coupes des nations. 

Jean-Maurice Bonneau a mené la France sur le toit du monde en 2002. © Scoopdyga



Défait de ses fonctions de sélectionneur national en 2006, Jean-Maurice Bonneau se consacre, avec la même rigueur, la même écoute et les mêmes ambitions à son travail d’entraîneur privé et mène au succès pléthore de grands noms du saut d’obstacles. Avant d’être un grand artisan du succès des Bleus aux Jeux de Rio, en 2016, époque où il entraînait notamment Kevin Staut et Philippe Rozier, le Vendéen œuvre pour l’équipe brésilienne, de 2011 à 2015, et révèle bon nombre de cavaliers et chevaux. Les Auriverdes qui ont croisé sa route ne l’ont pas oublié et ont été nombreux à le pleurer à l’annonce de sa disparition. Plus récemment, Jean-Maurice Bonneau continuait de dispenser son savoir auprès des cavaliers de la Laiterie de Montaigu, à ceux des écuries d’Ellipse, mais aussi à la jeune génération, qu’il a toujours eu à cœur d’aider, comme d’autres l’avaient fait pour lui dans sa carrière. Il était ainsi impliqué au sein de la Young Riders Academy, un programme d’entraînement et de soutien pour les jeunes cavaliers prometteurs, dont il était le chef d’équipe et conseiller technique. 

Philippe Rozier faisait partie des chanceux qui pouvaient compter sur Jean-Maurice Bonneau. © Sportfot

Toujours dans l’empathie et proche des hommes qu’il a entraînés, Jean-Maurice Bonneau l’était tout autant des chevaux. Ses multiples expériences lui ont permis de côtoyer de grands équidés et, tout récemment, le Vendéen s’était à son tour lancé dans l’élevage, au sein de son haras de Saint-Linaire, au cœur de sa Vendée natale. Jean-Maurice a ainsi fait naître cinq produits, dont la toute bonne Faloucha, neuf ans et créditée d’un ISO 143 en 2021, après ses performances sous les selles de… Robin Le Squerren et Laetitia du Couëdic, deux protégés du naisseur de la fille de Con Air.

“Dans l'ombre des sourires, des larmes coulent silencieusement. Dans la lumière de la positivité se cache parfois un océan de désespoir. L'euphorie masque régulièrement une profonde tristesse. L'enthousiasme dissimule souvent des tourments intérieurs. Dans ce monde de paillettes, tant d'étoiles s'éteignent sans qu'on le remarque. Il est possible de côtoyer quelqu'un sans jamais vraiment le connaître, sans jamais partager ses peines ni ses joies. Dans cette ère où l'humanisme se fait rare, où le dialogue est souvent remplacé par le silence, où le partage est éclipsé par l'individualisme, tant de personnes se retrouvent seules avec leurs tourments. Les moyens de communication se multiplient, mais la véritable connexion se perd. Les âmes hypersensibles se retrouvent isolées, délaissées, parfois jusqu'au point de non-retour. Adieu, Jean-Maurice. Que ton âme repose en paix, loin des tourments qui t'ont accablé. Ton départ laisse un vide immense dans nos cœurs. Mais nous te garderons toujours dans nos pensées, dans nos souvenirs les plus précieux. Ton passage sur cette terre a marqué ceux qui ont eu la chance de te connaître, et le monde équestre te remémorera comme un Homme de cheval enthousiaste, passionné, dévoué et compétent”, a notamment écrit Eric Louradour sur sa page Facebook, rendant un vibrant hommage à Jean-Maurice Bonneau. Pourtant si sensible aux questions de santé mentale, ce dernier a choisi de s’en aller rejoindre ses parents et sa si chère tante Thérèse, dite Nénène, qu’il avait choyée une partie de son adolescence, dans sa soixante-quatrième année. 

Les innombrables messages à son égard en témoignent : Jean-Maurice Bonneau laisse une trace indélébile sur les sports équestres. © Scoopdyga

Studforlife adresse ses plus sincères condoléances aux proches de Jean-Maurice Bonneau, dont ses trois filles, Alix, Clara et Diane, et sa compagne, Beth Madden. 

Photo à la Une : Jean-Maurice Bonneau, ici lors d’une reconnaissance en train de prodiguer l’un de ses précieux conseils. © Scoopdyga