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“Je pense que les chevaux français sont formés à être résistants et à avoir une mentalité de gagnants”, Abdel Saïd (3/3)

Abdel Saïd Bandit Savoie
Interviews jeudi 13 juillet 2023 Mélina Massias

Abdel Saïd est un passionné, un vrai. Toujours disponible et prêt à échanger, tant que le sujet a trait de près ou de loin aux chevaux, l'ancien représentant égyptien qui porte désormais les couleurs de la Belgique n'élude aucune question et leur trouve toujours des réponses argumentées et pertinentes. “Je crois fermement en ce que nous faisons, je sais combien nous aimons nos chevaux et je n’ai rien à cacher”, assure-t-il avec sérénité. Bien décidé à se donner les moyens de faire plus que de la figuration à très haut niveau, le trentenaire se reconstruit un piquet solide, pour lequel il nourrit déjà de grandes ambitions. À la tête d'une société de plus en plus reconnue dans le microcosme équestre, ce touche à tout à la sympathie non dissimulée a également décidé d'élargir son implication - déjà conséquente - dans l'élevage, en proposant un alléchant catalogue d'étalons. Entretien en trois épisodes.

Les première et deuxième parties de de cette interview sont à (re)lire ici et ici.

Parmi vos jeunes pépites, se trouve le très remarqué Haschich d’Albain (mère par Quartz du Chanu). Comme son père Canabis d’Albain (Baloubet du Rouet x Kannan), il fait sensation à chaque sortie. Qu’aimez-vous particulièrement chez lui ?

C’est un cheval très prometteur. Il est tellement difficile de trouver un tel mélange entre la qualité, le respect et la bravoure ! Il est très mature dans sa tête et est tellement talentueux qu’il n’a pas besoin de fournir le moindre effort pour franchir un obstacle. J’ai monté beaucoup de bons chevaux, avec des bonnes têtes, un grand cœur, mais qui n’étaient pas forcément les plus talentueux ; pour sauter, ils doivent s’employer. Pour lui, tout cela est naturel, aisé. Quand les barres ne sont pas hautes, il les franchit avec facilité. Et c’est ce que j’ai aimé chez lui lorsque nous l’avons acheté. Je l’avais évidemment vu sauter en vidéo, mais lorsque je l’ai essayé, il ne volait pas au-dessus des obstacles à la détente. Il faisait tout correctement, était extrêmement agréable à monter, et on pouvait sentir qu’on avait à faire à un cheval confiant et très intelligent. Je pense que c’est d’ailleurs sa plus grande qualité. Je lui ai confié la mère de C-Jay, par exemple, ainsi que certains de ses produits. Elle m’a déjà donné des poulains avec le sang de Baloubet, donc j’ai utilisé Haschich, un petit-fils de Baloubet, pour quelques embryons avec Gigi. Je fais des essais et j’essaye de développer notre élevage de cette façon. Peut-être que j’ai tort, peut-être que j’ai raison (rires). On en reparlera dans quelques années !

À quatre ans, Hashich d'Albain, ici lors de la Grande Semaine de Fontainebleau sous la selle de son naisseur Alexis Bouillot, ne laissait déjà personne indifférent. © Mélina Massias



“À mon avis, le Cycle classique réservé aux jeunes chevaux en France est possiblement le meilleur circuit de formation en Europe”

Dans votre carrière, vous avez rencontré beaucoup de succès avec des Selle Français, comme Bandit SavoieVenise du Reverdy, Arpège du Ru ou encore Alanine de Vains, qui était passée sous votre selle quelque temps. S’agit-il d’un heureux hasard, ou trouvez-vous quelque chose de particulier chez les chevaux nés en France ?

Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, mais plutôt une combinaison de plusieurs facteurs. Plus le temps passe, plus je comprends. Tout est logique. Je ne crois pas au hasard. Pour moi, les chevaux français ont quelque chose de spécial. Pourquoi ? À mon avis, le Cycle classique réservé aux jeunes chevaux en France est formidable. C’est possiblement le meilleur en Europe, parce que les jeunes ont l’occasion de fouler des pistes en herbe, d’évoluer dans des terrains vallonnés, de sauter des rivières, etc. Cela leur permet d’apprendre, et seuls les plus solides se distinguent. S’ils ne sont pas assez forts, qu’ils n’ont pas un mental à la hauteur de l’enjeu, ils disparaissent. C’est complètement différent dans d’autres pays, où les jeunes chevaux sautent seulement sur de petites pistes en sable toutes les semaines. En résumé, je pense que les chevaux français sont formés à être résistants et à avoir une mentalité de gagnants et un très grand cœur. Je pense que cela vient aussi des origines. En France, il y a beaucoup de sang dans les pedigrees. J’adore les chevaux français ; ils sont très compétitifs et ont aussi beaucoup de caractère ! (rires) Je ne sais pas si j’ai raison ou non, mais voilà mon avis sur la question. 

Abdel Saïd enregistre toujours de très bons résultats avec sa véloce Arpège du Ru. © Scoopdyga

Quel regard portez-vous sur ce que l’on pourrait qualifier “d’élevage moderne” ? Avec la démocratisation de techniques de pointe, comme le transfert d’embryon et l’ICSI, par exemple, ne doit-on pas craindre une perte de diversité génétique et d’éclectisme dans les chevaux de sport ?

Je pense que c’est une question très intéressante. Je suis du genre à ne pas aimer lorsque je ne comprends pas quelque chose. Je ne suis pas un spécialiste de ces techniques, mais ce je sais, c’est que les chevaux deviennent de plus en plus légers dans leur modèle, et, de fait, plus fragiles puisque cela va de paire. Ils ont également plus de sang. Lorsqu’on gagne quelque chose d’un côté, on en perd de l’autre. Les chevaux risquent donc de devenir un peu plus sensibles sur l’aspect santé. En ce qui concerne purement les techniques d’élevage, il n’y a aucune preuve qui montre que tout est tout blanc ou tout noir, tout bon ou tout mauvais. Peut-être que lorsqu’il y en aura, j’aurais un autre avis. En attendant, je pense qu’il y a toujours de la diversité. Beaucoup d’éleveurs ont désormais accès à un plus large choix d’étalons et je pense que c’est important que les gens en profitent. Avant, cela était plus difficile. À l’époque, les gens n’avaient peut-être accès qu’à cinq étalons, ce qui n’était pas toujours l’idéal. En ce sens, les techniques modernes donnent plus de possibilités aux éleveurs. Il est difficile de donner une réponse complètement tranchée, car je n’en sais pas assez à ce sujet. 

Bonne Amie à l'œuvre à Mexico. © Sportfot



“Nous avons tous besoin les uns des autres”

Vous semblez très ouvert à la discussion. Est-ce important pour vous d’être le plus transparent et accessible possible ?

Oui, c’est aussi un peu dû à mon caractère. Je crois fermement en ce que nous faisons, et je sais combien nous aimons nos chevaux. C’est pour cela que nous sommes dans ce milieu. Les chevaux sont la première raison qui nous a poussé à développer notre activité. Je sais à quel point nous prenons soin d’eux, tout ce que nous sacrifions et investissons pour eux. Ils nous le rendent bien, mais c’est pour cela que je n’ai aucun problème à parler de notre fonctionnement. Je suis totalement passionné par ce que nous faisons. Je suis très heureux de partager cela avec quiconque me pose des questions. Une part de moi est fière du chemin parcouru, mais je suis avant tout un amoureux des chevaux. Je n’ai rien à cacher, parce que je sais quelles sont nos intentions.

Abdel Saïd n'a rien perdu de sa passion. © Sportfot

C’est aussi agréable de partager une part de mes connaissances et de parler ouvertement avec tout le monde. Je trouve chouette que les gens puissent se sentir connectés avec un cavalier qui évolue à haut niveau. La vue d’ensemble est aussi primordiale. Nous devons collaborer avec les éleveurs et tous les maillons de la chaîne ; au bout du compte, nous avons tous besoin les uns des autres. Cette mentalité bénéficie à tout le monde. J’ai le sentiment que le monde, en général, tend de plus en plus à dire “on n’a pas besoin d’eux, parce qu’ils vont acheter nos chevaux et les revendre beaucoup plus cher”. Seulement, parfois les gens ne réalisent pas tout le cheminement derrière cela, les risques encourus, et le travail investi sur un jeune cheval de qualité. Une fois qu’on l’a acheté, sa valeur ne se multiplie pas par cinq toute seule. Il faut le former, en prendre soin, être patient, parfois faire face à des blessures, etc. La route est semée d’embûches. Une fois que nous travaillerons tous en bonne intelligence, cela bénéficiera à tout le monde ; le client, l’éleveur, le cavalier, etc. Je pense qu’il y a assez à manger pour tous.

Le styliste et talentueux Obama van Ostaayen. © Sportfot

Lorsque vous avez un peu de temps libre, aimez-vous vous adonner à d’autres activités ?

C’est une bonne question ! (rires) J’aime la bonne nourriture. Lorsque nous allons en concours, j’apprécie aller dîner dans un bon restaurant le soir. Nous sommes tellement passionnés par ce que nous faisons que ce sont presque des vacances. Bien sûr, notre emploi du temps est intense et très chargé et certaines journées sont difficiles, mais je ne cherche pas vraiment d’autres hobbies. De toute façon, mon esprit est tellement occupé par les chevaux qu’il est difficile d’aller faire autre chose. Je ne suis pas seulement un cavalier. Lorsque ma journée est terminée, je ne pars pas en disant “salut, on se voit demain”. Le soir, je pense, je pense, sans cesse. Et ce cheval, quel va être son programme ? Que va-t-il faire ? Finalement, c’est un peu ça, ma passion. Sinon, je dirais que l’élevage et les jeunes chevaux sont mon hobby. Je dois aussi avouer que j’aime le snowboard. Une fois par an, l’hiver, nous trouvons le temps de partir en vacances au ski. Je prends le temps d’apprécier les montagnes et de me relaxer !

Abdel Saïd en toute décontraction. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Photo à la Une : Abdel Saïd et Gigi van het Daalhof, la jument qui a véritablement lancé son élevage personnel. © Sportfot