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“Je considère que Gamin fait partie des quatre ou cinq meilleurs chevaux du monde”, Arturo Fasana (3/3)

Sport mardi 14 février 2023 Mélina Massias

L’histoire de Gamin van’t Naastveldhof pourrait grossièrement se résumer à celle d’une étoile montante qui en croise une autre sur sa route. Issu d’un élevage belge peu connu, qui n’a jamais produit un tel cheval, le bai, dont les origines le prédestinaient tout de même à une belle carrière, aurait tout aussi bien pu sombrer dans l’oubli. Mais, pour le plus grand bonheur de toutes les personnes qui ont contribué à l’éclosion de ce doux géant, le destin en a décidé autrement. En un peu plus d’un an, le sBs a connu une ascension fulgurante sous la selle d’Edouard Schmitz, dépeint comme la relève du clan suisse depuis ses jeunes années. Ces deux-là étaient faits pour s’entendre. Entre leur première victoire en Grand Prix 3* et leur prestation magistrale lors de la finale de la Global Champions League de Prague, les deux complices ont trouvé le temps de triompher au milieu de l’arène de Dublin, arrachant leur plus beau succès face à de redoutables adversaires, stupéfaits par leur prestation. De ses débuts en compétition, sous la selle de Mathieu de Nutte, dentiste à la ville et cavalier passionné, à son acquisition par Arturo Fasana et son arrivée dans les écuries de son pilote genevois, Gamin a mûri, jusqu’à devenir l’un des meilleurs chevaux du monde. Celles et ceux qui ont contribué à son éclosion brossent le portrait de ce phénomène, qui n’a pas fini de faire parler de lui. 

Les premières et deuxièmes parties de ce portrait sont à (re)lire ici et ici.

Tout porte finalement à croire que Gamin van’t Naastveldhof et Edouard Schmitz étaient faits pour se rencontrer. “J’ai une chance inouïe de pouvoir monter un cheval comme Gamin. Si on m’avait demandé de décrire mon cheval idéal, je pense que, même sans l’avoir rencontré, j’aurais dépeint quelque chose de très similaire à Gamin”, avoue le jeune homme de vingt-trois ans. Pas de doute non plus du côté de Natalie Steinhauser. L’amazone allemande l’assure : “Ils ont trouvé le cavalier parfait pour Gamin.” Même son de cloche du côté de Mathieu De Nutte, qui ne doit nourrir aucun regret quant au fait de ne pas avoir fait l’acquisition de son ancien protégé, il y a de cela un peu plus de six ans, et peine encore à croire le chemin qu’il a parcouru depuis. “Même si je ne les connais pas personnellement, je trouve qu’Edouard et Gamin forment un super duo. Ils ont déjà prouvé de quoi ils sont capables. Surtout, ils maintiennent leur niveau et répètent les performances”, reconnaît le Belge.

Edouard Schmitz et Gamin van't Naastveldhof à Prague. © Sportfot

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Pour performer et se rivaliser avec les meilleurs mondiaux, Gamin semble avoir trouvé son équilibre dans une vie rythmée entre travail, détente et sorties au grand air. “Lorsque nous ne sommes pas en concours, nous essayons d’aller beaucoup en balade avec lui”, développe Edouard. “Typiquement, ses séances de travail sont divisées entre trente minutes de promenade et une demi-heure d'exercice en carrière ou en manège en fonction de la météo. Le matin, il profite du paddock, soit en sable lorsque les conditions climatiques ne sont pas très bonnes, soit en herbe aux beaux jours. L’été, nous travaillons également sur le terrain en herbe. Pour le reste, nous ne faisons pas beaucoup sauter les chevaux à la maison et Gamin n’est pas une exception. Avant d’aller en concours, il peut faire une ou deux séances d’obstacle en fonction du temps qu’il a passé sans compétition. Gamin n’a, de toute façon, pas besoin d’effectuer des millions de saut. Il a un tel sens de l’obstacle qu’il n’est pas nécessaire de lui faire répéter ses gammes. Il sait comment cela fonctionne et connaît son métier. Nous essayons surtout de le garder dans un bon état d’esprit et faisons en sorte qu’ils prennent du plaisir à travailler. Avec lui, il ne faut pas passer trop de temps à répéter des exercices, sans quoi il peut se défendre contre son cavalier.” Cette routine, combinée à une progression réfléchie et graduelle ont propulsé le puissant bai dans une toute nouvelle sphère en 2022.

Fin de détente pour les deux complices à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

2022, année de l'avènement et des émotions

En décembre 2021, Gamin dispute ses deux premières épreuves à 1,60m. S’il quitte la piste avec quatre points et une onzième place à la clef dans la première, au cœur de Palexpo, il se qualifie pour le barrage et se hisse au cinquième rang de la seconde, le petit Grand Prix du CSI 5*-W de Londres. Dès lors, tout s’accélère. Six mois plus tard, le 22 mai 2022, la paire remporte son premier Grand Prix 3*, à Bratislava. Deux semaines plus tard, un double zéro dans la Coupe des nations de Sopot s’ajoute à la liste des réussites du binôme, bientôt complétée par leur plus beau triomphe : une victoire dans le Grand Prix du CSIO 5* de Dublin. Un moment inoubliable, qui vient confirmer deux ans de travail et de persévérance. “Connaissant la difficulté et le temps qu’il faut parfois pour ne serait-ce que parvenir à un sans-faute sur un parcours de niveau 5* - ce qui est déjà conséquent -, ce qu’ont fait Gamin et Edouard à Dublin est irréel. Ils font tous les deux partie des plus rapides du monde. Lorsqu’ils ont gagné là-bas, les deux Irlandais (Conor Swail et Shane Sweetnam, ndlr) qu’ils ont battus se demandaient ce que faisaient ces deux Gamins au milieu d’eux ! Nous étions tous scotchés. Là, nous avons compris. Nous savions que Gamin avait quelque chose de spécial, mais après cela, il avait franchi une étape importante dans sa carrière”, sourit Arturo Fasana.

Le barrage victorieux de Gamin van't Naastveldhof et Edouard Schmitz à Dublin.

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“L’année 2022 a été forte en émotions. Nous commencions vraiment à entrer dans la cour des grands, dans le système des Coupes des nations et dans l’équipe numéro une. Mais tout restait nouveau”, retrace Thibault Baudron. “J’ai découvert plein de concours cette année, que ce soit Dublin, Calgary ou New-York. Toutes ces expériences étaient super à vivre et je ne m’attendais pas forcément à ce qu’une victoire en Grand Prix 5* arrive tout de suite ! Nous étions plus dans l’optique de prendre de l’expérience et de savourer ce qui nous arrivait. Je n’aurais jamais osé me dire ‘ce Grand Prix là est pour nous’. Dublin était forcément un moment incroyable, avec un scénario qui l’était tout autant. C’était génial et en même temps presque inattendu.”

Gamin van't Naastveldhof à Spruce Meadows. © Collection privée

En novembre, après avoir engrangé encore un peu d’expérience, le duo remet le couvert, du côté de Prague, en signant le sans-faute décisif, dans la lucrative finale de la Global Champions League, dont les Miami Celtics sortent grands vainqueurs. Sous pression, les deux complices relèvent leur défi, alors même que Gamin n’aurait initialement pas dû disputer ce parcours. “Edouard voulait monter Quno pour le dernier parcours, et puis, il ne l’a pas senti au meilleur de sa forme. Alors, il m’a dit ‘je vais prendre Gamin’, contre l’avis de sa cheffe d’équipe, qui ne voulait pas ! (rires) Il a fait quelque chose d’extraordinaire à Prague, face aux meilleurs cavaliers du monde”, glisse Arturo.

Gamin van't Naastveldhof rassuré par son fidèle ange gardien, Thibault Baudron, lors de la remise des prix de la Global Champions League, à Prague. © Sportfot

“Les victoires à Dublin et Prague sont deux des meilleurs moments de ma carrière sportive. Je suis infiniment reconnaissant envers Gamin de m’avoir fait vivre ses émotions”, renchérit Edouard. “À la fin de la journée, on fait ce métier et on passe autant de temps aux écuries parce qu’on aime les émotions que le sport nous procure et la relation que l’on a avec ses chevaux. Ma relation avec Gamin et nos résultats sont les raisons pour lesquelles on se lève tous les matins.” Encore récemment, à Bâle, le couple est passé tout près d’une nouvelle victoire, en signant le barrage le plus rapide dans le Grand Prix de la Coupe du monde Longines et en laissant l’une des plus belles impressions en piste. “À Bâle, lorsqu’Edouard est sorti de piste, je l’ai félicité comme jamais, parce qu’il venait de réaliser quelque chose d’exceptionnel. Certes, il y a eu une petite hésitation sur un oxer, qui suffit pour changer le résultat final, mais cela n’enlève en rien la qualité du parcours qu’il a effectué avec Gamin. Je suis avant tout un passionné. L’émotion est la seule chose qui me fait avancer. Le parcours le plus émouvant que j’ai vécu avec Gamin est sans doute celui de Bâle. Il était parti pour gagner et était spectaculaire. Il a une foulée et un galop totalement hors normes”, s’émeut Arturo, qui embraye pour analyser la progression fulgurante de son cavalier. “Edouard a d’autres bons chevaux, notamment Quno qui vient de réaliser deux super Grands Prix (terminant deux fois deuxième, à Amsterdam puis Bordeaux, ndlr). Quno était le cheval idéal pour l’aider à franchir le cap d’une autre catégorie. Ce cheval a une volonté de fer et un excellent mental. Gamin, lui, peut être un peu plus compliqué. Son génie s’accompagne parfois de quelques inconvénients. Mais les tout bons chevaux ne sont jamais vraiment normaux. Avec ces deux montures, il a pu progresser de manière incroyable.”

Styliste, agile, puissant et respectueux, Gamin van't Naastveldhof a toutes les qualités que peut avoir un cheval de classe mondiale. © Mélina Massias

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Le cavalier du crack abonde également en ce sens. “Pour moi, la progression de Gamin n’a jamais vraiment été une surprise. Il a toujours eu cette qualité en lui. Il manquait juste ce dernier palier”, répète-t-il. “Nous avons aussi eu beaucoup de chance dans le fait qu’il s’agissait seulement du début de ma carrière à haut niveau. Ainsi, Gamin a évolué étape par étape. En effet, j’ai d’abord été confronté aux CSIO 3*, où il disputait de temps en temps une épreuve plus importante, mais s’afférait surtout aux parcours secondaires. J’ai eu la chance de pouvoir courir mes premiers 5* avec Quno. Gamin était alors dans l’ombre et continuait à avancer sur le moyen tour. Tout d’un coup, il s’est retrouvé à endosser le rôle de cheval de tête en CSI 3*, puis, progressivement, à prendre part à des épreuves plus importantes en 5* également. Je pense que cela a permis de ne l’engager que sur des parcours où nous le sentions totalement prêt. Pour les chevaux qui ont autant de talent que Gamin, franchir les paliers n’est pas vraiment un problème. Et, lorsque Gamin était dans un bon état d’esprit et qu’il se frottait au niveau supérieur, nous n’avons jamais été en difficulté. Il a toujours obtenu de bons résultats.”

Gamin van't Naastveldhof sur le fameux double de bidets d'Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

Et Thibault Baudron de parachever : “La progression de Gamin est bluffante. Je suis fier : Gamin est un cheval particulier pour moi. Je pense qu’on ne croise pas des chevaux comme lui tous les jours dans notre carrière de groom. Il fait partie des chevaux qui ont de vrais traits de caractère, une personnalité marquée et qui nous marquent. Les voir évoluer et performer à ce niveau est juste incroyable.”

Gamin van't Naastveldhof en route pour le tour d'honneur de sa première grande victoire internationale, dans le Grand Prix du CSIO 3* de Brastislava. © Danube Equestrian Festival

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Milan sur la route de Paris

La montée en puissance de Gamin a forcément fait le bonheur de la famille Trienpont, qui n’aurait jamais imaginé que son protégé signe de telles performances. Dans les années à venir, Gamin pourrait voir naître ses propres frères ou soeurs, Patrick Trienpont ayant “naturellement” choisi d’utiliser à nouveau Tannenhof’s Chacco Chacco pour produire quelques produits avec sa chère Feria van’t Schrijberg, dix-huit ans et toujours mère de l’unique Gamin. En attendant que ces futures stars potentielles pointent le bout de leurs nez, le petit fils de Toulon n’a pas fini de faire rêver ses proches. Alors qu’il profite actuellement de quelques semaines de repos bien méritée, Gamin pourrait s’envoler pour la finale du circuit de la Coupe du monde Longines, qui se déroulera en avril prochain à Omaha, dans le Nebraska. Suivront ensuite les Européens de Milan, échéance majeure de l’année pour le bai. “L’idée est que Gamin fasse sa grande première en championnat cette année. Le premier objectif de la saison est vraiment que la Suisse obtienne sa qualification olympique lors des championnats d’Europe. Nous allons essayer de mettre en place un programme pour Gamin, afin que nous arrivions prêts, cet été, en Italie. Forcément, lorsqu’on a un cheval comme Gamin dans son écurie, on l’envisage pour tous les Grands Prix, tous les championnats, mais il ne peut pas tout faire. En tout cas, nous essayons de nous projeter plus loin avec un cheval de ce talent-là”, assure Edouard Schmitz.

Le duo en action à Genève. © Mélina Massias

Cette ambition pour Milan d’abord, mais surtout pour Paris, où, dans le cas où la Suisse obtiendrait son ticket qualificatif, Gamin pourrait faire office de favori, est évidemment partagée par le grand passionné qu’est Arturo Fasana. “Je suis peut-être un peu excessif, mais je considère que Gamin fait partie des quatre ou cinq meilleurs chevaux du monde. J’en suis persuadé, d’autant plus qu’il n’a que onze ans. Nous le gérons de la façon la plus juste possible afin d’essayer d’atteindre ce but que sont les Jeux olympiques”, se projette l’Helvète. “Je suis conscient qu’on ne croise pas des chevaux de sa trempe tous les jours. Tout le monde me parle de Gamin. On me téléphone aussi pour me demander s’il est à vendre, ce à quoi je réponds ‘non !’ (rires). C’est un cheval qui a une place très importante dans ma famille.”

Gamin van't Naastveldhof à l'œuvre à Fontainebleau, en avril dernier. © Mélina Massias

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Qu’importe ce que l’avenir lui réserve, Gamin van’t Naastveldhof, désigné cheval de l’année 2022 par la Fédération suisse des sports équestres (FSSE), a d’ores et déjà livré une belle leçon à tous les passionnés des sports équestres. “Gamin est la preuve qu’un éleveur amateur, qui fait ça pour le plaisir et produit peu de chevaux, peut faire naître d’excellents produits. Son histoire, et celle de son naisseur, sont une nouvelle fois la preuve que la Belgique est une super terre d’élevage. Parfois, c’est un peu difficile chez nous, notamment lorsqu’il s’agit d’obtenir des terres, des équipements et autres installations. Mais il n’est pas nécessaire d’élever de multiples poulains chaque année pour rencontrer du succès. Jérôme Guéry l’avait également prouvé il y a quelques années en allant aux Jeux olympiques avec Grand Cru vd Rozenberg. Tout le monde peut continuer à élever et à rêver”, souligne Mathieu De Nutte. “Gamin a eu la chance de tomber entre les bonnes mains toutes ces années et d’être formé par de bons cavaliers. Cela joue beaucoup. Tout est important dans la réussite sportive d’un cheval de ce niveau.”

Gamin van't Naastveldhof à Genève. © Mélina Massias

Gamin van't Nastveldhof, paisible, aux côtés de sa mère, quelques mois après sa naissance, en 2012, a parcouru un sacré bout de chemin en onze ans ! ©  Collection privée.

Photo à la Une : Edouard Schmitz et son cher Gamin van’t Naastveldhof à Prague. © Sportfot