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“J’ai réalisé que j’étais capable de disputer des épreuves importantes”, Marcus Westergren

Marcus Westergren
Interviews lundi 26 juin 2023 Mélina Massias

Marcus Westergren. Voilà un nom qui devrait se faire entendre sur la scène internationale dans les prochains mois. Après un début de concours chaotique à La Baule, en raison du forfait de sa jument de tête, le Suédois a fait sensation, remportant une épreuve à 1,50m en ouverture puis terminant quatrième du Grand Prix dominical avec Fellaini de Liebri, une talentueuse jument de neuf ans. Baigné dans l’univers équestre depuis son plus jeune âge, le Scandinave n’a pour autant pas connu un parcours dénué d’embûches. Victime d’un grave accident lui ayant valu une fracture du dos, le souriant quadra a longtemps fait des jeunes chevaux son métier, avant d’exploser au plus haut niveau. Entretien.

Après vos incroyables résultats au CSIO 5* de La Baule, avec une victoire au compteur et une quatrième place dans le Grand Prix, beaucoup de spectateurs ont été surpris de vous découvrir à ce niveau, que vous avez pourtant régulièrement fréquenté ces dernières années. Quel a été votre parcours pour devenir cavalier professionnel ?

J’ai commencé à monter à poney lorsque j’avais six ou sept ans. À huit ans, je prenais part à ma première compétition internationale. Dans mes années poneys, j’ai disputé quelques grands rendez-vous. À douze ou treize ans, je faisais partie de l’équipe victorieuse des championnats scandinaves. Je suis passé à cheval à mes quinze ans, et l’année suivante, j’ai remporté mon premier titre de champion de Suède. En 1996, l’année de mes vingt ans, j’ai été médaillé de bronze par équipe (derrière l’Allemagne et la France, où figurait notamment un certain Julien Epaillard, ndlr) aux championnats d’Europe Jeunes cavaliers de Klagenfurt MessehalleEt puis, j’ai été victime d’un grave accident, où je me suis fracturé le dos. J’ai passé un an et demi à l’hôpital. Après ma rééducation, je me suis concentré sur les jeunes chevaux pendant un long moment. Je ne sais pas pendant combien d’année j’ai fait cela ! Ma femme (Lena Westergren, ndlr) et moi achetions des jeunes, les montions, faisions progresser puis les revendions. Un jour, elle m’a dit “je veux faire autre chose”. Je lui ai répondu “si tu veux”, puis je suis parti en marchant. Elle m’a rattrapé et m’a dit “non, non, je veux que nous allions sur de nouveaux concours, dans des lieux différents”. Alors, nous avons conservé quelques chevaux un peu plus longtemps et j’ai réalisé que j’étais capable de disputer des épreuves plus importantes. C’était il y a sept ou huit ans. J’ai toujours eu quelques montures pour sauter à 1,50m sur des événements nationaux en Suède, mais je n’ai jamais eu des chevaux comme ceux sur lesquels je peux compter aujourd’hui. En ce moment, j’ai un excellent piquet.

Fellaini de Liebri a éclaboussé La Baule de son talent. © Scoopdyga

D’où vous est venue votre passion pour les chevaux et l’équitation ?

C’est de famille ! Mon père montait aussi à cheval et a fondé une école d’équitation en Suède. Il a arrêté de monter pendant huit ans, avant de remettre le pied à l’étrier.

Avez-vous gardé des séquelles de votre accident au dos ? Est-ce que cela affecte votre quotidien auprès des chevaux ?

Non, pas vraiment. Je dois simplement surveiller mon physique et m’entraîner beaucoup, parce que je me suis quand même cassé le dos. La plus grande difficulté que j’ai eue est survenue lors d’une chute, en février dernier. J’étais à la détente avec l’un de mes chevaux, et je m’apprêtais à franchir un oxer à 1,10m. Ma jument n’a pas réalisé qu’il s’agissait d’un oxer et nous sommes tombés tous les deux. Il n’y avait rien à faire à part garder une main douce et la laisser gérer.

Marcus Westergren et Crunch Air lors du Sotheby's International Realty CSIO 3* de Deauville. © Pixels Events



Vous avez également posé vos valises en Allemagne pendant plusieurs années. Comment compareriez-vous les philosophies germaniques et suédoises ? 

En Allemagne, c’était un vrai business. Dans les écuries où je travaillais, nous ne faisions qu’acheter et vendre les chevaux. Et c’est ce que nous avons également fait ensuite de notre côté.

“Fellaini est un peu lunatique ; elle a deux personnalités”

Hurry Up G (Bernini, né Vigourous x Berlin, né Caspar) a fait le déplacement à La Baule, il y a quinze jours, mais n’a pu prendre le départ d’aucune épreuve…

Elle s’est fait taper à La Baule, avant la visite vétérinaire. De fait, je n’ai pas pu concourir avec elle. Cela fait quelques années qu’elle est à mes côtés. Je l’ai achetée lorsqu’elle avait sept ans. C’est ma meilleure jument pour l’instant, celle sur laquelle je mise pour les Coupes des nations et toutes ces choses-là. Elle était d’ailleurs double sans-faute dans celle du CSIO 3* de Peelbergen en mai. C’est une super jument. À La Baule, j’avais initialement prévu de participer avec trois chevaux. J’envisageais de faire le Derby samedi avec l’un d’entre eux, les épreuves majeures avec Hurry Up, et de consacrer Fellaini de Liebri (Faustino de Tili, né Faustino de Liebri x Corrado I) aux parcours à 1,40 et 1,45m. Après la petite déconvenue survenue avec Hurry Up, je me suis dit que j’allais tenter ma chance avec Fellaini dans l’épreuve à 1,50m d’ouverture, qualificative pour le Grand Prix. Nous avons gagné, alors, je suis parti dans l’idée de l’engager dimanche, d’essayer, et d’abandonner si cela était trop difficile pour elle. Le Grand Prix a été tellement agréable ! C’était comme si elle me demandait “où veux-tu que j’aille maintenant ? quel obstacle veux-tu que je saute ?” C’était presque facile.

La styliste et performante Hurry Up G. © Sportfot

Comment décririez-vous cette excellente grise de neuf ans ?

C’est vraiment une jument géniale. Au box, c’est une vraie peste. Je ne sais pas combien elle en a cassé ! On n’a pas vraiment envie de rentrer avec elle ! Mais, lorsqu’elle est dehors, ou qu’on la monte, elle est super. Elle a beaucoup de sang en piste, mais au paddock, elle est un peu fainéante. Elle est un peu lunatique ; elle a deux personnalités. 

Avez-vous été surpris, impressionné par sa prestation dans le Grand Prix de La Baule ou étiez-vous convaincu qu’elle était ou du moins serait capable de telles performances ?

D’une certaine façon, oui, bien-sûr, j’ai été surpris. Mais elle était en pleine forme ces derniers mois. En début d’année, nous avons attaqué la saison avec des petites épreuves, à 1,30, 1,35 et 1,40m. Six mois plus tard, elle rivalise au plus haut niveau. Elle était blessée l’an dernier, ce qui explique que nous ayons dû reprendre progressivement, mais je n’avais jamais sauté d’épreuves aussi hautes avec elle. Elle a énormément progressé. 

Sortie de piste avec le sourire aux lèvres pour le clan Westergren à La Baule. © Mélina Massias

Elle semble avoir énormément de qualités ! 

Oui, c’est le cas. Lorsque j’ai vu la vidéo de notre parcours dans le Grand Prix, je me suis rendu compte à quel point elle faisait tout avec aisance, confirmant mes sensations sur son dos. Au barrage, je voulais juste faire un sans-faute et, finalement, je termine à 0’’8 seconde du gagnant. J’ai fait dix foulées pour aborder le dernier, là où tous les autres ont fait huit. Si j’en avais fait neuf, je pense que j’aurais pu jouer le podium, voire mieux… Mais avec des si… Même pour aborder le double, j’ai fait une foulée de plus que tout le monde. J’espère que la prochaine fois sera la bonne pour nous. C’était un barrage bien aux cotes et je ne voulais prendre aucun risque avec elle. Je savais de toute façon qu’elle est naturellement rapide.



Allez-vous pouvoir la conserver sous votre selle ? 

Oui, nous ne voulons pas la vendre. Sa propriétaire (Lotta Finnhammar, sa belle-sœur, ndlr) a pourtant reçu des propositions absolument incroyables pour la céder, mais, comme elle le dit, pourquoi la vendre alors que cela ne la rendrait pas heureuse ? J’ai de la chance de pouvoir la garder. 

Fellaini de Liebri, dans son élément à La Baule, va continuer à faire les belles heures de son cavalier. © Mélina Massias

“J’aimerais défendre mes chances sur le circuit du Global, mais j’adore monter pour l’équipe suédoise”

Désormais, quels vont être vos objectifs ? Imaginez-vous disputer un grand championnat dans les mois ou années à venir ?

Pour sûr j’irai à Falsterbo, puis nous aviserons pour Hickstead. Notre chef d’équipe (Henrik Ankarcrona, ndlr) m’a demandé si j’aimerais participer à ce concours, mais nous n’avons pas encore arrêté notre décision. Comme Falsterbo est en Suède, je suis certain de m’y rendre. Pour le reste, je dois voir comment mes chevaux se sentent et évoluent. Je dois écouter. Évidemment, j’aimerais continuer au plus haut niveau, mais pas au détriment de mes chevaux. Je vais voir comment Fellaini se comporte. Est-elle en mesure de continuer en 5* ? Ou avons-nous besoin d’alterner avec d’autres CSI 2* avant de remonter d’un niveau ? Ce week-end (entretien réalisé mardi 20 juin, ndlr), nous sommes au CSIO 3* de Deauville (avec Fellaini Marcus Westergren a concédé dix-huit points dans la première manche de la Coupe des nations, avant de signer un sans-faute et de participer à la troisième place du clan suédois, ndlr). En début d’année, je me suis dit que j’aimerais découvrir des terrains de concours où je ne suis jamais allé par le passé. Et c’est vraiment ce que j’ai fait ! J’ai découvert plein de nouveaux endroits, en Italie, en Allemagne et maintenant en France. 

Fellaini a pris part à la Coupe des nations du CSIO 3* de Deauville vendredi. © Pixels Events

Vous participez principalement à des CSIO, du moins plus qu’aux étapes du lucratif Longines Global Champions Tour, que vous n’avez fréquenté qu’à l’occasion de l’étape de Stockholm. Est-ce un choix de votre part ou aimeriez-vous vous confronter davantage à ce circuit ?

J’étais effectivement au Global de Stockholm la semaine dernière, seulement pour les épreuves jeunes chevaux. Le concours est à quarante minutes de chez moi ; c’est le plus proche que j’aie ! Je pense que Ludger (Beerbaum, ndlr) et moi sommes les deux personnes à compter le plus de participations aux CSI organisés à Stockholm. Concernant le Global, j’aimerais évidemment disputer plus d’étapes. Ce circuit est fantastique et les villes dans lesquelles les concours sont organisés sont incroyables. Alors, oui, forcément, j’aimerais défendre mes chances dans ces événements, mais j’adore monter pour l’équipe suédoise. Les compétitions par équipes offrent une autre ambiance.

Marcus Westergren à Stockholm en compagnie du jeune Lyandro MDB, un fils du génial Grand Slam VDL, né Lucky Won van het Bevrydthof. © Sportfot

Que ressent-on au sein de l’équipe la plus solide du moment en saut d’obstacles ?

Faire partie de cette équipe est très agréable. Nous avons tant de bons cavaliers ! Ils sont incroyables et ont de super chevaux. C’est fantastique. La Suède est sur le toit du monde en ce moment, avec Henrik (von Eckermann, numéro un mondial et dont le palmarès n’est plus à détailler, ndlr), Malin (Baryard-Johnsson, ndlr), Peder (Fredricson, ndlr), son frère Jens, Wilma (Hellström, ndlr), etc. D’ailleurs, c’est moi qui aie vendu à Wilma sa jument de tête, Cicci BJN. Elle était dans mes écuries lorsqu’elle avait cinq et six ans.

La veste de l'équipe suédoise donne le sourire à Marcus Westergren, ici en selle sur Hurry Up G. © Sportfot




“Nous avons besoin de préparer la génération suivante dès maintenant”

Quelle est la chose que vous préférez dans la formation des jeunes chevaux ?

Parfois, cela s’apparente au travail d’une personne lambda, qui va au bureau, s’assoie à son poste, et effectue les tâches qui lui sont confiées. Et puis, parfois, lorsqu’on obtient des résultats qui récompensent notre investissement et nos efforts, c’est fun ! À mes yeux, c’est avant tout un travail. À haut niveau aussi, il s’agit d’un job, mais c’est chouette de voir ce dont on est capable soi-même, de voir jusqu’où on peut aller, et ce que l’on peut accomplir avec son cheval. 

À quoi ressemble le fonctionnement de votre écurie ?

Pour l’instant, c’est assez difficile. J’ai beaucoup de jeunes chevaux, qui sont un peu en retard sur leur classe d’âge, à la maison. Mais ce sont de bons chevaux, donc je pense que leur laisser le temps de mûrir jusqu’à l’année prochaine n’est pas un problème. J’ai également un fils (Carl-Hugo, ndlr) qui monte à cheval et fait des concours. Il a de très bons chevaux, donc nous avons besoin de préparer la génération suivante dès maintenant. Dans tout cela, j’ai la chance d’avoir une épouse formidable, qui assure toute l’organisation que cela implique. 

Carl-Hugo Westergren suit les traces de son père. © Sportfot

“Pour élever correctement, il faut pouvoir compter sur des personnes compétentes”

Vous intéressez-vous à l’élevage ? Faites-vous naître quelques poulains pour votre compte personnel ?

Nous l’avons fait. Nous élevions beaucoup, mais c’était horrible. Il faut pouvoir compter sur des personnes très compétentes, avec de l’expérience, et notre vétérinaire de l’époque n’était sans doute pas assez doué pour l’élevage. Il faut une équipe de qualité, capable de prendre des décisions en notre absence. Et il faut aussi une part de chance, pour trouver une très bonne jument qui pourrait éventuellement engendrer de bons poulains. 

Tout au long de votre carrière, vos meilleurs complices ont souvent été des juments. Avez-vous songé à conserver leur génétique en ayant recours au transfert d’embryons ? 

Oui, j’y ai évidemment pensé, mais non. Nous n’avons pas pu le faire, nous n’avions pas le temps pour cela. Désormais j’ai une ancienne jument de concours qui est gestante de Singular LS La Silla (tempétueux étalon à l’immense monté par Marcus Ehning et désormais consacré à la reproduction chez sa propriétaire, la Suédoise Maria Gretzer, ndlr) depuis deux ou trois mois maintenant. Nous avons également acquis un poulain l’an dernier auprès de Paul Schockemöhle. C’est un étalon que nous laissons en Allemagne. Nous verrons ce que l’avenir lui réserve. 

Avec Hurry Up G, ici en photo, et ses autres montures, le souriant Marcus Westergren a de quoi espérer de belles choses pour les mois à venir. © Sportfot

Photo à la Une : Le sourire de Marcus Westergren après son double sans-faute dans le Grand Prix de La Baule avec Fellaini de Liebri. © Mélina Massias