Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

Jaguar vd Berghoeve, l’héritage de Fragance et Carthina

Jaguar Jasmine
Elevage jeudi 22 juin 2023 Mélina Massias (cet article a été écrit en partenariat avec Karel Cox Stallions)

Lorsqu'ils ont décidé de croiser leur chère Quaranca de Muze à Emerald van’t Ruytershof en 2008, Bart Verbeeck et son épouse, éleveurs amateurs installés en Belgique, ont visé dans le mile. Un an plus tard, ce croisement alliant les sangs de deux des plus grandes matrones de l’élevage mondial a donné Jaguar vd Berghoeve, né Jaguar E Type vd Vlasbloem. Facile à monter, des moyens à faire tourner les têtes, un cœur et un caractère en or, le BWP a conduit la cavalière amateur Jasmine Chen jusqu’aux Jeux équestres mondiaux de Tryon. Désormais retraité des pistes sportives et plébiscité à l’élevage, l’étalon de quatorze ans a la mission de faire perdurer son héritage.

“Nous ne sommes pas éleveurs professionnels ; nous sommes juste des amateurs, qui avons eu quelques chevaux”, lance Bart Verbook. En avril 2009, le Belge voit naître sur ses terres Jaguar vd Berghoeve, alors baptisé Jaguar E Type vd Vlasbloem. Neuf ans plus tard, son protégé dispute les Jeux équestres mondiaux de Tryon. Une consécration pour celui qui espère retrouver prochainement les joies de l’élevage. 


Le charismatique Jaguar lors d'une visite vétérinaire. © Sportfot

“Ma femme, Catherine, montait un peu à cheval, et a participé à quelques compétitions de saut d’obstacles, notamment avec Quaranca de Muze, la mère de Jaguar”, reprend Bart. “Quaranca était une jument exceptionnellement talentueuse. Elle était très, très douée, et aussi très spéciale. Elle avait son petit caractère, mais lorsqu’elle voulait gagner, elle donnait tout à son cavalier.” Fille de Nabab de Rêve, la représentante du studbook sBs n’est autre qu’une fille de Fragance de Chalus, l’une des meilleures poulinières du monde, dont le produit le plus célèbre et sans nul doute le très demandé Mylord Carthago. En 2008, le frère de Catherine, éleveur à temps plein, suggère au couple de faire pouliner sa jument, qui a déjà donné vie à une pouliche, Escape van de Olmenhoeve (Querlybet Hero), lorsqu’elle avait quatre ans. Son choix se porte alors sur un tout jeune étalon de quatre ans : Emerald van’t Ruytershof. “Même s’il était jeune à ce moment-là, Emerald était déjà exceptionnel. Nous nous sommes dit que ce croisement pourrait être réussi”, précise le Belge. Et l’avenir lui donne raison. Au-delà des performances mêmes de son sublime mâle BPW, l’éleveur en herbe est l’un des premiers à faire confiance à Emerald, fils de l’éternel Diamant de Semilly et Carthina, une autre matrone de l’élevage mondial. Avec une petite quarantaine de naissances au cumul de ses deux premières années de monte, l’étalon alezan devient, au fil de ses performances au plus haut niveau avec Harrie Smolders et celles de ses premiers rejetons, l’un des plus prisés de sa génération. 


La prolifique Fragance de Chalus est la deuxième mère de l'étalon Jaguar. © Sportfot



Avant de suivre les traces de son père, Jaguar grandit paisiblement au Plat-Pays. “Comme je l’ai dit, nous sommes juste des passionnés, et l’idée de faire naître notre propre cheval était chère à nos yeux. Avec notre Jaguar, je crois que nous avons eu le poulain spécial dont nous rêvions. Je pense qu’il est la combinaison des bons conseils du frère de Catherine et d’une dose de chance. Jaguar est resté à nos côtés pendant un peu moins de six mois. Sa mère et lui étaient particulièrement faciles à gérer au quotidien”, narre Bart, les souvenirs intacts de ces beaux moments. “Et puis, nous avons eu une offre pour vendre Jaguar et sa mère. Nous avons pris l’argent… Aujourd’hui encore, des années plus tard, nous repensons à cette décision et nous la regrettons en partie. Quaranca était vraiment spéciale, et Jaguar, même s’il était tout jeune, aussi. Ils sont nés dans un environnement familial, sans but commercial. Ils étaient des membres de la famille, en quelque sorte. Nous n’aurions peut-être pas dû les laisser partir… Mais, d’un autre côté, ma femme a toujours dit que les céder à de bons cavaliers était une belle opportunité pour leur donner une chance d’exprimer leur plein potentiel. Si nous avions conservé Jaguar chez nous, il n’aurait peut-être jamais atteint le sommet du sport comme il l’a fait. Malgré tout, lorsqu’on a un cheval si spécial, il faut réfléchir à deux fois avant de prendre une décision.” 

 Le calme et la sérénité de l'ancien complice de Jasmine Chen. © Sportfot

Des débuts en trombe jusqu’à Tryon

Alors qu’il n’a pas encore fêté sa première bougie, Jaguar croise la route de Karel Cox, qui l’achète pour préparer sa relève. À trois ans, alors qu’il commence à montrer toute sa qualité en liberté, l’étalon à la robe noir ébène est racheté en partie par Paul van de Bosch, fidèle partenaire d’affaires et d’élevage de Karel Cox. Le pilote, bien connu de la sphère équestre grâce notamment à son implication commerciale, lance son protégé en compétition à quatre ans, sur des épreuves nationales en Belgique, puis passe le relais, un temps à Sus Dirickx pour quelques parcours et les championnats du monde des chevaux cinq ans, puis à son épouse, Marit Haarr Skollerud-Cox, talentueuse amazone norvégienne. Pendant un an, le duo poursuit son évolution, avant de prendre des chemins différents. “À ce moment-là, je n’étais pas particulièrement investi avec les étalons, alors je n’étais pas soucieux de l’utiliser à l’élevage”, avoue Karel, qui se souvient d’un cheval pétri de qualités. “Jaguar était toujours d’accord pour sauter, avait d’énormes moyens, du sang, et une technique remarquable. On pouvait sentir qu’il sautait avec une grande aisance. Lorsqu’il avait sept ans, nous avons eu une bonne offre et l’avons vendu.” 

 Jaguar sous la selle de Marit Haarr Skollerud-Cox. © Sportfot

La Britannique Carron Nicol en prend les rênes pour la saison 2016, puis est suppléée aux commandes de l’étalon au printemps 2017 par son compatriote Matthew Sampson. De parcours à 1,30m, Jaguar passe à des épreuves à 1,60m en trois mois de temps ! Sans-faute et quatre points dans la Coupe des nations du CSIO 3* d’Uggerhalne, le fils d’Emerald, encore tout juste âgé de huit ans, termine deuxième d’une compétition à 1,50m à Hickstead et concède deux fautes dans le prestigieux Prix King George sur le mythique terrain anglais. Cette ascension éclaire séduit alors Jasmine Chen, en quête de son nouveau crack pour affronter les échéances majeures de la planète équestre. 

 Avant d'intégrer le piquet de Jasmine Chen, Jaguar appartenait à Carron Nicol. © Sportfot



“À ce moment-là, je m’entrainais aux côtés de Janika Sprunger. J’ai vu une vidéo de Jaguar à Hickstead, alors qu’il avait huit ans. Il était déjà très impressionnant, montrait des moyens démesurés. Vu ses résultats, je savais qu’il était courageux et qu’il avait un grand potentiel. Alors, je l’ai acheté”, résume la représentante taïwanaise. “Mon objectif est toujours de prendre part aux grands championnats Seniors, que ce soient les Jeux olympiques ou les Jeux équestres mondiaux (JEM). J’ai acheté Jaguar en 2017 et, quelques mois plus tard, nous sommes allés aux JEM de Tryon, en 2018. C’était une expérience formidable ! Normalement, ce genre d’échéance est hors de ma portée. Je concours surtout au niveau 3*. Les parcours à 1,50m me paraissent déjà assez hauts ! À Tryon, nous avons réalisé un sans-faute lors de la Chasse. C’était absolument incroyable. Certes, c’était une épreuve de vitesse, mais elle était déjà conséquente. Ensuite, mon manque d’expérience s’est fait ressentir. Je consacre trente à quarante pourcents de mon temps aux chevaux. À l’époque, le reste de mon temps était consacré à mes études, et, aujourd’hui, j’ai un métier. Jaguar m’a beaucoup aidé.” En plus de ses qualités sportives, Jaguar se révèle être un véritable maître d’école, facile et tolérant. “Les sensations en selle étaient très bonnes”, se souvient son ancienne propriétaire et cavalière. “Il donne un sentiment de sécurité. On voit également toute sa puissance. Il a une grande amplitude et va toujours vers l’avant. Rien ne l'effraye, il est d’un courage sans limite. Et puis, il a du sang. Il m’a donné beaucoup de confiance sur les épreuves importantes. Je n’avais pas à me soucier des obstacles regardants, des oxers larges, etc. J’avais juste à penser à mon équitation et à le suivre. C’est quelque chose de précieux pour un cavalier amateur. Peut-être qu’il n’était pas le plus compétitif, tant il prenait son temps au-dessus des obstacles et s’appliquait à faire de jolis sauts, mais ce qui m’importait le plus était son cœur et sa volonté. Je commets des erreurs lorsque je suis en piste et Jaguar était toujours là pour m’aider. À pied, il était assez sûr de lui, mais très détendu. Au contact des gens, il était très, très facile à gérer. Avec les chevaux, il pouvait un peu faire l’étalon, mais rien n’était compliqué avec lui.”

 Jaguar vd Berghoeve ne peut pas renier son père, l'inimitable Emerald van't Ruytershof. © Scoopdyga

Une blessure, une nouvelle vie et une belle histoire

Après moins d’une dizaine de concours avec son crack et une belle expérience engrangée à Tryon, Jasmine le confie quelque temps à Michael G. Duffy, qui réalise un bon parcours à quatre points dans le Grand Prix de Doha en 2019, avant d’en reprendre les rênes. Jusqu’à juin 2019. Ensuite, Jaguar disparaît des radars pendant deux ans, embêté par une blessure tendineuse et pas franchement aidé par la pandémie de Covid-19 qui s’abat sur le monde. Malgré une tentative de retour, aux rênes de Piergiorgio Bucci à l’été 2021, la carrière sportive du BWP, alors âgé de seulement douze ans, s’arrête là. “Nous avons tenté de le faire revenir, mais l’espoir qu’il retrouve le très haut niveau était mince. Dans le même temps, je ne voulais pas le vendre à quelqu’un qui l’utiliserait pour des épreuves à 1,40m sans se préoccuper de sa santé. Ce n’était pas juste et, comme pour tous les chevaux qui m’ont beaucoup donné, je voulais lui offrir le meilleur, lui rendre la pareille. J’ai rencontré Tom de Craeneet sa femme, Ines, qui sont très investis dans l’élevage et ont une super écurie. Ma priorité était vraiment de lui trouver une bonne maison.” Débarqué à l’élevage van de Bisschop en 2022, le fils d’Emerald aux origines prestigieuses recroise une vieille connaissance, quelques mois plus tard. “J’ai racheté Jaguar, en partenariat avec l’affixe vd Bisschop. L’an dernier, seuls eux l’ont utilisé à l’élevage, et nous avons proposé sa semence aux éleveurs cette année”, apprécie Karel Cox, heureux de ce retour plein de sens. “Jaguar est un cheval adorable. Nous avons toujours été fiers de lui. Il est magnifique et super à monter. Il a toujours une énergie positive ; quoi qu’on lui demande, il s’exécute immédiatement. Il saute avec une telle facilité ! Je pense que tout le monde rêve d’avoir un cheval comme lui.”


Grâce à Jaguar, Jasmine Chen a vécu une bonne expérience à Tryon. © Sportfot



Désormais, une nouvelle mission s’offre à Jaguar : transmettre sa précieuse génétique, son charisme et son talent à la nouvelle génération. “Il donne du sang, avec un corps solide. Sa souche est l’une des plus performantes en Belgique, voire dans le monde. Il apporte également une bonne mentalité et je dois dire que tous ses poulains sont magnifiques. J’en ai vu quelques-uns, et leur type est super. Concernant la facilité d’utilisation et le galop, je n’ai aucune réserve. Jaguar pouvait très bien faire dix foulées, comme cinq, dans une même ligne, le tout sans forcer. À mon avis, il conviendra à beaucoup de juments”, développe Karel Cox.


Pour sa première vraie saison de monte, Jaguar vd Berghoeve est très populaire au Benelux ! © Scoopdyga

Depuis 2014, et la venue au monde de ses tous premiers descendants, Jaguar compte une vingtaine de produits. Parmi eux, quatre, sur les quinze en âge de concourir, évoluent à 1,30m ou plus : Yaziz vd Berghoeve (mère par Guidam), Phiddich van het Hertenrooi (mère par Power Light), Yax vd Berghoeve (mère par Quickfeuer van Koekshof) et Jolie van der Berghoeve (mère par Kannan). “J’ai vraiment hâte de voir ses futurs poulains ! Je pense qu’ils auront à coup sûr beaucoup de moyens. J’en ai déjà vu quelques-uns, et c’est le cas. Karel a de bonnes relations, alors je pense que Jaguar aura la chance d’honorer de bonnes juments, pour faire de bons poulains. Je pense que nous verrons beaucoup sa descendance à l’avenir”, se projette Jasmine Chen. Et lorsque les prochains et nombreux minis Jaguar pointeront le bout de leur nez, nul doute que Bart Verbeeck et son épouse y jetteront un œil. 

 Jolie van der Berghoeve, la classe, la technique et les moyens de son père ! © Sportfot

Photo à la Une : Le tout bon Jaguar sous la selle de Jasmine Chen, cavalière amateure et ambitieuse. © Sportfot