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Hervé Godignon

Interviews dimanche 23 avril 2006

Hervé Godignon : objectif Aix !

Pilier de l’équipe de France depuis de nombreuses années, Hervé Godignon a eu la gentillesse de répondre à nos questions avant de s’attaquer au Grand Prix de Lummen.

Vous avez débuté votre saison extérieure très tôt par la tournée américaine et après un passage à Hardelot, on vous retrouve à Lummen. Votre préparation diffère assez fort de celle des autres français !

Oui, c’est vrai. C’est un investissement que j’ai décidé de faire. Pour la tournée américaine, Obélix n’avait plus tourné depuis la finale de Barcelone. En Europe, on en est toujours aux concours Indoor à cette période de l’année et par rapport aux tournées espagnoles, portugaises ou même Arezzo, je préférais partir quelque part où la compétition était un peu plus difficile pour savoir directement me positionner et savoir où j’en étais. Je ne voulais pas rêver en faisant des concours trop faciles.

Ici, c’est dans la suite logique des choses. Depuis mon retour des Etats-Unis, j’ai fait un petit concours à Hardelot et je viens ici car on bénéficie d’une très bonne infrastructure et d’une très grande piste qui à mon avis prépare plus pour La Baule et qui reste à l’image de ces concours extérieurs comme Aix La Chapelle.

Est-ce que Lummen a répondu à vos attentes ?

Oui, complètement ! Mais je ne suis pas venu ici par hasard, je connaissais déjà les infrastructures et j’ai essayé de me cantonner principalement à la grande piste qui est quand même d’un peu meilleure qualité que les autres.

Comment allez vous garder vos chevaux fit durant toute la saison extérieure ?

C’est une très bonne question ! Pour le moment, j’ai un programme de concours qui est La Baule puis 15 jours plus tard, Madrid puis encore 15 jours et Lucerne et j’ai bien peur qu’à cette date là, mon cheval soit prêt . C'est-à-dire trop tôt. On en a déjà parlé avec Jean Maurice pour très certainement faire le bilan à ce moment là. Si c’est ce que je pense, il ne faudra pas hésiter à redescendre un peu, ralentir un peu le rythme pour arriver à Aix La Chapelle plutôt dans une phase ascendante que trop affûté, trop prêt, à un niveau où l’on ne peut plus que redescendre. Car quand on ne peut pas monter plus, on ne peut que redescendre.

On vous découvre ici avec Joli Cœur du Château. Si vous continuez sur votre lancée avec lui, vous risquez d’aller à l’encontre de l’idée du cavalier français qui n’a qu’un cheval de tête !

Oui et non. En fait, c’est un cheval qui m’a été confié pour être un peu valorisé et je vérifie ce qu’il a dans le ventre et pour le moment, c’est plutôt pas mal … et même très bien. Il est donc destiné à la vente.

Et ça ne vous intéresse pas d’avoir un véritable piquet de chevaux ?

J’ai fêté mes 54 ans hier, (ndlr : samedi 22 avril) et je suis très content avec un seul piquet. Je n’ai plus envie de courir 48 week-ends par an. Je veux me faire plaisir, avoir quelques chevaux et des objectifs comme les championnats du monde.

Après les championnats du monde, je pense qu’ Obelix, qui m’appartient, sera très certainement à vendre. Je continuerai à préparer des chevaux, mais sans aller jusqu’au bout, et m’occuper de quelques élèves.

Vous avez d'ailleurs deux jeunes sBs par Kashmir van't Schutterhof.

Oui, oui. J’en ai un des deux en co-propriété avec un marchand belge bien connu, Christophe Ameeuw et une jument qui m’appartient. C’est un peu le hasard, mais je n’en suis pas mécontent.

 

On dit souvent que les cavaliers français ne regardent que les chevaux français, alors que vous pour le moment, vous cumulez les chevaux étrangers !

Moi, je ne suis pas raciste ! Si on m’amène de bons Selles Français, je monte de bons Selles Français… mais si ce sont des chevaux belges, hollandais … ou Néo-Zélandais, ça a peu d’importance pour moi. Puis, très franchement, quand on regarde l’évolution des studbooks, on retrouve du SF dans chacun d’eux comme l’on commence à retrouver du KWPN ou du sang Belge dans les origines françaises. On ne parlera bientôt plus des vrais studbooks avec des races protégées car il y a une ouverture, qui était souhaitable d’ailleurs et qui va dans le bon sens.

Quelles sont pour vous les qualités dont un cheval de sport moderne à besoin ?

La tête ! C’est vraiment important. L’intelligence, c’est vraiment la qualité que j’apprécie le plus chez un cheval. Evidement, après, l’idéal c’est qu’il ait du respect, du sang, des moyens … mais là, on parle du petit pourcentage que l’on appelle les cracks. Après, il y a toute une série de bons chevaux, qui animent le circuit, mais qui ne sont pas des cracks et je pense que la tête fait vraiment la différence car quand un cheval a envie , qu’il prend du plaisir, il donne beaucoup plus qu’un autre. On ne peut pas obtenir sous la contrainte qu’un cheval fasse des épreuves qui deviennent de plus en plus hautes, de plus en plus techniques et de plus en plus fréquentes.

Et en tant que cavalier - éleveur, que pensez vous de l’évolution de l’élevage en France ?

D’un côté, je pense que l’élevage va dans le bon sens à partir du moment où l’on accepte l’idée, et même plus que ça, d’ouverture au sang étranger. Par contre, je suis un peu inquiet sur les jugements qui sont portés aux chevaux qui tournent majoritairement en France car je trouve que le niveau de la compétition française à baissé fortement. Quand on voit aujourd’hui des Grand Prix qui font 1m45, grand maximum 1m50 de temps en temps, ça ne reflète pas la réalité des grandes compétitions internationales. Aujourd’hui, les gros Grand Prix, on ne parle plus d’ un mètre cinquante, on dit un mètre soixante. Je trouve que tirer le niveau de ces épreuves là vers le bas ne reflète pas la réalité de ce que les chevaux sont capables de faire. Puis comme on donne des indices en France sur les performances, j’estime qu’on donne des indices sur des chevaux de petits Grand Prix. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de chevaux de Grand Prix là-dedans, mais on ne les voit pas parce qu’ils ne sont pas mis en situation et qu’il n’y a pas beaucoup de cavaliers qui aiment trop sortir et se frotter à la concurrence et se mettre un petit peu en péril. Je pense qu’il y a un danger aujourd’hui et il faut que nos éleveurs fassent attention de ne pas se baser sur des indices qui ne sont pas calculés sur des épreuves qui reflètent la réalité.

Et comment voyez vous votre élevage personnel ?

C’est un élevage de cœur. Je n’ai que des juments que j’ai montées et presque exclusivement avec des étalons que j’ai montés ou des étalons dont j’ai monté des produits comme Narcos II, Quidam ou encore Royal Feu puisque j’ai monté Diams III . Petit à petit, l’élevage s’améliore gentiment. Je commence à avoir vendu quelques chevaux qui ne sont pas encore des cracks de Grand Prix, mais des chevaux très honnêtes qui font le bonheur des gens qui les ont achetés.

Highlander One, vous souhaitez également le vendre ?

Non, non, je ne saurais pas. Un fils de Prince et La Belletière, il ne peut pas quitter la maison. Par contre, c’est un cheval qui est un peu limité aux épreuves un mètre quarante-cinq à cause de son moral. C’est un cheval très précieux, trop précieux. Il est tellement respectueux qu’il ne passe pas le cap d’aller sauter des barres un peu plus grosses.

Vous avez monté Quidam de Revel et on vous a déjà posé tellement de questions sur lui, mais est ce que vous êtes étonné par sa carrière de reproducteur ?

Non. Non, non. Lui, il a tout. Aujourd’hui, il y a énormément d’étalons sur le marché et souvent quand des gens m’amènent de jeunes entiers qu’ils espèrent voir approuvés, je leur dis tout de suite « castrez moi ça ». Aujourd’hui, un bon étalon, c’est un cheval qui a un modèle, une bonne génétique avec des qualités de potentiel et de compétiteur. S’il manque un de ces éléments là, je ne dis pas qu’il n’y aura pas un bon étalon là dedans, mais par rapport à la quantité d’étalons qu’il y a sur le marché aujourd’hui, il vaut mieux laisser ça aux autres.

Et finalement, vous êtes un des seuls cavaliers français qui n’a pas de Quidam dans ses écuries !

Non, c’est vrai. J’en ai un peu à l’élevage puisque j’ai une fille de Quidam qui reproduit, mais c’est vrai que ça ne s’est pas présenté.

Et quand vous voyez justement tous les éleveurs/ propriétaires belges qui vont frapper à la porte de Ludo Philippaerts lorsqu’ils ont un bon Darco, ça vous laisse envieux ?

Je ne sais pas. C’est vrai que pour Quidam, ça ne s’est pas passé, les gens ne sont pas venus me voir. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à devenir de plus en plus propriétaire de mes chevaux ou avec un partenaire et faire les choses un peu plus de moi-même, que ce soit au niveau élevage ou des chevaux comme Obélix ou Querida Relais Pachis (ndlr, la fille de Kashmir van’t Schutterhof) que je possède.

Vous pensez qu’il y a une raison particulière pour que cela se soit passé ainsi ?

Je ne sais pas. Peut-être que je suis un peu trop cher ? (rires) Trop cher pour les normands en tout cas !

 

Comment travaillez vous vos chevaux chez vous ?

J’attache beaucoup d’importance au travail sur le plat. J’attache également beaucoup d’importance à l’évolution physique d’un cheval. Je veux vraiment faire attention à ne pas travailler trop un cheval lorsqu’il n’est pas prêt physiquement, mais ne pas non plus complètement l’oublier. Je suis très à l’écoute des chevaux. Je crois que ça prend du temps, et ça aussi, c’est peut-être une des raisons pour lesquelles les gens ne courent pas chez moi. Les éleveurs veulent souvent des résultats tout de suite, mais ce sont les chevaux qui nous disent lorsqu’ils sont prêts à être exploités et même un peu sur exploités. J’essaie donc de leur donner des bases sur le plat et à l’obstacle car si ce n’est pas un bon cheval de Grand Prix, ce sera toujours un bon cheval d’amateur et quand on achète une voiture, on aime bien savoir où sont les vitesses. C’est un peu le reproche que je peux faire à beaucoup de cavaliers, de jeunes cavaliers surtout, qui sont de super pilotes mais qui ne savent pas ou ne prennent pas le temps d’amener des bases qui permettent après d’avoir un acquis et de vendre le cheval plus facilement, de trouver ses marques plus facilement.

 

Quelles sont vos ambitions cette année ? Tout sur Aix la Chapelle ou vous allez aussi jouer la Super League ?

Non, non, tout sur les championnats du monde.

Est-ce que vous pensez que dans ce sport – business, il y a encore de la place pour l’amour du cheval ?

Oui. La preuve, je devais monter mon 5 ans maintenant, mais je trouve que la piste est devenue un petit peu dur. Ce n’est pas une critique, je suis organisateur aussi depuis deux ans et je comprends les impératifs aussi de météo et d’autres choses. Je pense que quand on est à l’écoute des chevaux, on peut allier un peu les deux.

Justement, Port Mort annulé cette année, ce n’est que partie remise ?

Oui, oui, complètement ! Cette année, compte tenu de l’échéance sportive, compte tenu du calendrier puisqu’à la même date, Jan Tops organise la finale de son nouveau Globale Champion’s Tour à Lanaken. L’année dernière, entre La Baule et mon concours, je n’ai presque pas monté à cheval, tellement c’est prenant. Alors j’ai préféré faire l’impasse plutôt que de faire les choses à moitié et à cheval et à pied !

Avec l’argent qui devient de plus en plus présent dans les chevaux, pensez vous qu’il soit encore possible pour un jeune cavalier qui n’a pas de grands moyens financiers de percer ?

Oui, certainement. Je pense que c’est toujours possible. Il faut avoir la patience et le fusil au corps. Je vois aujourd’hui des tas de jeunes cavaliers pour qui c’est catastrophique parce qu’ils ne font pas les juniors. A mon époque, quand j'ai commencé, les carrières étaient très longues et si à 22 ans, on n'avait pas encore percé, ce n'était pas une catastrophe. Pour atteindre le haut niveau, il faut avoir du bagage, ne pas hésiter à voyager. Ne pas hésiter à faire des maisons où on apprend et surtout, retarder le moment de s’installer parce que c’est un boulet. Un cavalier qui n’a pas trop de moyens et qui va devoir payer ses installations, son camion … mais je pense que c’est encore possible. On en voit encore, Edouard Mathe ou d’autres jeunes cavaliers chez nous ne sont pas issus de familles très bourgeoises. On a la chance d’être un pays d’élevage. Notre pays est un pays producteur donc c’est quand même plus facile que si l’on était aux Etats-Unis, au Japon ou dans les pays arabes.