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Granby, le cheval croisé Shire à l’assaut des plus belles pistes du monde

Sport lundi 14 mars 2022 Mélina Massias

Sous la selle du Nordiste Daniel Delsart, Granby s’illustre outre-Manche, principalement dans des épreuves de puissance. Pourtant, rien ne prédestinait ce grand gris à un tel succès. Né du croisement entre une jument de race Shire et un bon cheval d’obstacles, tous deux élevés par ses propriétaires, Beryl et Derek Meeds, Olly, comme il est surnommé, se lance à l’assaut des plus belles pistes du monde. Déjà présent à Londres en fin d’année dernière, le grand gris devrait fouler celles du Touquet, d’Hickstead voire de Dublin l’année prochaine. 

En fin d’année dernière, un grand cheval gris de près d’1,83m au garrot a fait parler de lui au CSI 5*-W de Londres. Engagé dans les deux épreuves de puissance sous la selle du Français Daniel Delsart, ce hongre à l’allure de gentil géant porte le nom de Granby. Contrairement à ses adversaires, qui honoraient les courants de sang de Chacco-Blue, Darco, Cornet Obolensky (ex Windows vh Costersveld), Cardento, ou encore Calvaro, Granby ne se targue pas d’un pedigree à la mode. Au contraire, le gris de seize ans, enregistré au stud-book des chevaux de sport de Grande-Bretagne, est issu d’un croisement pour le moins original. “Sa mère s’appelait Fiona. C’était une Shire, que ses propriétaires utilisaient pour faire des livraisons, notamment de lait”, lance le Français Daniel Delsart, installé outre-Manche et cavalier de Granby depuis deux ans. Beryl et Derek Meeds, les propriétaires et naisseurs du hongre, décident de croiser leur jument à un certain Millbrook, autre produit maison. Ce fils de Templetrine a remporté plus de 100.000 pounds il y a une vingtaine d’années, sous la selle de John Renwick, le mari de Laura. Pour autant, l’étalon a servi assez peu de juments, puisqu’il effectuait ses devoirs de reproducteur uniquement en monte en liberté.

Après avoir grandi au pré, Granby est débourré tardivement, à l’âge de sept ans. L’histoire raconte que le grand gris n’était pas très coopératif pour se laisser attraper par l’homme… Une fois sous la selle, celui qui est surnommé Olly révèle un potentiel certain à l’obstacle. Bien qu’il ne soit que peu apparu sur la scène internationale, il a concouru jusqu’à 1,45m et en Grand Prix CSI 2*. Granby a surtout engrangé classements et victoires en épreuves nationales à 1,30, 1,35 et 1,40m. Grâce à la famille Renwick, avec qui il s’entraîne quand il en a l’occasion, Daniel Delsart a croisé le chemin du hongre. “Granby est un gentil géant, comme on dit ici, en Angleterre”, sourit le pilote. “Ma femme le monte, elle le prend parfois pour faire de petites chasses à courre et il adore ça. C’est vraiment un cheval super gentil, très facile à gérer. Je loue une écurie avec vingt-cinq boxes dans un gros centre de pension, qui organise également des concours d’entraînement. Tous les enfants des écuries viennent le voir, lui donnent des bonbons, etc. Il est en train de devenir une vraie mascotte ! Avec ses origines, il a une technique un peu particulière et peut parfois sauter avec ses postérieurs un peu sous lui. Il n’est pas très classique mais a un gros cœur." 

Granby et Daniel Delsart en compagnie de Beryl et Derek Meeds, à Arena UK. © Collection privée

Originaire du Nord, près de Béthune, Daniel Delsart a attrapé le virus cheval par son père, ancien jockey puis gérant de centre équestre et maréchal ferrant. À dix-sept ans, le jeune homme décide de se spécialiser dans les chevaux et arrête ses études. Il intègre alors pour trois ans les écuries de Bruno Broucqsault, seul Français à avoir remporté la finale de la Coupe du monde, en 2004, avec l’Anglo-Arabe Dilème de Cèphe. “En 2007, j’ai eu une offre pour aller à l’étranger. Je me suis alors retrouvé chez Tim Stockdale. J’ai travaillé pour lui pendant un peu plus de deux ans, puis je me suis installé à mon compte en novembre 2009. Depuis, nous avons une vingtaine de chevaux à la maison et quelques clients qui viennent s’entraîner et font des concours", résume le Nordiste. “Nous faisons surtout de la mise en valeur et de la production de jeunes chevaux, dans un but commercial. Parfois, nous avons quelques chevaux d’âge pour faire de belles épreuves.” Par le passé, le cavalier a notamment pu compter sur Lord Quidam (Old, Lordanos x Quidam de Revel), qui lui a permis de disputer son tout premier Grand Prix 4* à Liverpool, en 2018, ou encore la bonne Maystream, une petite jument d’à peine 1,55m qui a disputé des épreuves jusqu’à 1,45m. Comme Granby, cette monture ne présente pas d’origine maternelle significative. Désormais, la baie se consacre à l’élevage en France, chez Yannick Fardin, un ami de la famille. Ce dernier, à la tête du célèbre affixe “du Rouet”, confie d’ailleurs régulièrement un ou deux produits à Daniel.

Les puissances… et bientôt les derbys !

Granby, de son côté, a trouvé sa voie en s’illustrant sur des épreuves de puissance. “Nous avons terminé premier ex-aequo d’une puissance en Angleterre où nous avions franchi 2m12. Nous avons ensuite été invités au Horse of the Year Show, à Birmingham. Nous n’avons pas eu de chance et avons commis une petite faute, ce qui peut arriver. Nous avons continué les puissances et avons gagné quelques épreuves”, reprend Daniel Delsaert. Fort de ses bons résultats, le couple décroche son ticket pour participer au CSI 5*-W de Londres. Une sacrée récompense, qui a ravi toute l’équipe qui gravite autour de Granby. “C’était magique”, confesse le Français. “J’étais un petit peu tendu lors du premier parcours. Beaucoup de clients étaient venus nous voir. C’était un moment vraiment sympa. J’ai dit à tout le monde que nous allions essayer de faire sans-faute au premier tour, puis que la suite ne serait que du plaisir.” Malgré une hésitation lors de la dernière manche, le couple parvient à se classer deuxième, tout comme Mathieu Billot, derrière l’invincible Guy Williams. “C’était une expérience vraiment chouette à vivre. Nous avons pris beaucoup de plaisir et Granby aussi. J’avais déjà accompagné plusieurs fois Tim Stockdale à Londres pour l’aider. La période de Noël rend le concours d’autant plus singulier. Cette année, j’ai trouvé les nouvelles infrastructures bien, plus grandes et aérées”, ajoute le cavalier.

Granby, ici au CSI 5*-W de Londres, est en train de devenir une véritable mascotte. © Collection privée

En plus de partager un bon moment, l’événement a été l’occasion pour Daniel Delsart de faire des rencontres. Outre son apparition dans le vlog de la Fédération équestre internationale, aux côtés des influenceuses Megan Elphick et Lucy Robinson, le Français a pu faire la connaissance et Mathieu Billot, qu’il ne connaissait pas jusqu’alors. Les propriétaires de Granby, eux aussi, ont vécu un moment riche en émotions. Installés près de Boston, à l’Est de l’Angleterre, Beryl et Derek Meeds n’avaient plus mis les pieds au London International Horse Show depuis près de vingt ans et une compétition à laquelle participait… Millbrook, le père de Granby ! Mis en lumière par ses performances, Granby a même suscité l’intérêt de quelques cavaliers. “Des gens ont fait des offres pour acheter le cheval, mais ses propriétaires ont tout de suite refusé. Granby est un cheval de famille”, justifie Daniel Delsart. “Ses propriétaires m’ont dit qu’il irait à la retraite chez eux, derrière leur petit chalet, et qu’ils le verraient depuis leur chambre.” 

Avant de penser à la retraite, Granby, seize ans, va poursuivre sa folle aventure à l’assaut des plus belles pistes du monde. Et son cavalier a prévu un alléchant programme pour son doux géant. “Nous allons nous rendre au Touquet, principalement pour faire le Derby. La semaine suivante, nous sommes invités à Windsor pour la puissance. Ensuite, l’idée est de participer au Derby d'Hickstead, fin juin, puis peut-être à la puissance de Dublin en juillet”, explique-t-il. “Je pense qu’il faut profiter de ces opportunités pour participer à de beaux événements. Cela ouvre des portes, d’autant plus que maintenant, il est difficile de participer à ces concours sans avoir des moyens financiers conséquents.” L'échéance du Touquet, qu’il a déjà disputée par le passé, servira de préparation à Daniel Delsart en vue du Derby d’Hickstead. Granby, qui suit un entraînement classique, entremêlé de séances de travail sur le plat et de sorties en extérieur, va affiner sa préparation avant de se confronter à ces nouvelles épreuves. “Autour de chez nous, il y a quelques butes semblables à celles d’Hickstead. Nous allons lui faire descendre trois ou quatre fois, en ajoutant un petit vertical en bas, simplement pour lui montrer ce type de configuration. Ensuite, nous avons quelques fossés et barrières pour nous entraîner”, reprend le Nordiste. “Le cheval a fait quelques chasses à courre avec ma femme et lui a donné un bon sentiment. Il s’est fait plaisir en sautant les haies et barrières. Si nous pouvions reproduire cela à Hickstead, ce serait bien !” 

Avant les puissances, Granby franchira sans doute quelques fois le mur de puissance que son cavalier à ramener de France, il y a une paire d’années. Une chose est sûre, les deux complices seront motivés pour leurs premiers Derbys communs. Plus que les résultats, Daniel Delsart espère pouvoir continuer à se faire plaisir avec son atypique mascotte. “Nous sortons de l’ordinaire, et je trouve cela positif. Nous donnons un peu d’espoir à tout le monde”, abonde-t-il. “Parfois, il n’y a pas besoin d’avoir les meilleurs étalons, les meilleures origines du monde. Certains chevaux peuvent parfois sortir du lot et nous permettre de nous faire plaisir.” Et c’est bien là l’essentiel.

Granby, le gentil géant. © Collection privée

Photo à la Une : Granby et Daniel Delsart sur le mur de la puissance du CSI 5*-W de Londres. © Collection privée