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Frédéric Neyrat, l'aventure BLH.

Interviews lundi 16 juin 2014
Frédéric Neyrat, l'aventure BLH. Avec la victoire de Vepsom Bel lors du championnat de France des 2 ans en 2011, vous aviez l'opportunité de prendre part au « marché des jeunes étalons » et on a vu que ce n'était pas un secteur qui vous intéressait spécialement, pourquoi ? F.N. : « Il y a deux choses. D'une part, la sélection des deux et trois ans au saut en liberté, l'expérience montre que, très rarement, sortent de là les étalons véritablement améliorateurs du futur. Je pense que si on avait fait passer Baloubet du Rouet dans un concours de saut en liberté partout en Europe, il se serait fait recaler car il était très spécial et son père s'est fait recalé de la même manière. Pour sélectionner les futures reproducteur du très haut niveau, aussi bien que les performers de haut niveau, on sait bien que lors des modèles et allures, ils en sont incapables. Le seul intérêt de ces choses-là, c'est de faire des rencontres sociales et associatives avec des éleveurs et faire des évènements commerciaux, comme ils y sont arrivés dans les pays d'Europe du Nord. Ce n'est pas le cas en France, pour des raisons qui sont longues à développer. Nous avons un problème récurrent, du fait que nous avons un très grand pays et de ce fait, nous avons du mal à faire évènements d'éleveurs qui soit vraiment porteurs. C'est plus facile de rassembler 5.000 personnes dans le Holstein qui correspond à deux départements français, que de rassembler 5.000 personnes dans une région très excentrée, comme à St Lô. Puis comme la France a été longtemps aux mains des fonctionnaires, il n'y a pas cette culture, cette fierté que l'on sent chez les éleveurs d'Europe du Nord. Chez nous, les éleveurs ont plus souvent été pris en charge, assistés par leurs fonctionnaires, plutôt qu'habitués à se prendre en charge eux-mêmes, à construire leur avenir comme ils le font ces dernières années, ce qui me semble beaucoup plus stimulant, d'autant que cela renforce les liens entre les éleveurs et ça permet de faire de belles choses ensemble. Pour en revenir à nos problèmes de jeunes chevaux, lorsque nous avons décidé d'emmener Vepsom Bel, nous y sommes allés également pour faire la publicité de son père, Epsom Gesmeray, et nous avons eu la chance d'être premier, car le cheval est joli, qu'il bouge bien et qu'au saut en liberté, il sautait comme il fallait. Je pense en effet que le seul intérêt de ces testages, c'est en effet de sélectionner des jeunes étalons qui seront jolis, harmonieux, bien faits, auront de bonnes radios et sauteront à peu près correctement, avec des allures à peu près correctes aussi, qui permettront de faire des bons chevaux pour servir 50% de la clientèle.

Maintenant, la production de chevaux est de plus en plus orientée vers la performance sportive, ce type de sélection ne correspond pas bien à l'élevage, car elle est trop lente par rapport à l'utilisation de sport de très haut niveau. Pour nous, c'est important de pouvoir proposer dans notre catalogue deux ? trois jeunes étalons pour pouvoir proposer des prix de saillies très bon marché et très sécurisés, ce qui a toujours été notre volonté. Pour nous, proposer des jeunes étalons est le seul moyen de proposer des prix de saillies bon marché, sinon, nous devrions proposer de vieux chevaux qui ne produisent pas bien. Néanmoins, personnellement, je suis incapable d'acheter un jeune étalon de deux ans pour l'avoir vu sauter trois obstacles en liberté, parfois bien préparé, et vu trotter en main, car je suis incapable de le définir et de savoir véritablement quelle est la qualité de ce cheval-là. Ici, en proposant à notre catalogue, trois chevaux issus de notre élevage, je me dis qu'au moins, je les connais depuis le début, et en mon âme et conscience, je pense que je peux les présenter aux éleveurs. Après les éleveurs ont confiance en mon jugement et mon analyse, ou ils n'ont pas confiance et iront en choisir un ailleurs. The Best of Bel, qui est un frère utérin de Vepsom Bel, a intégré notre catalogue en fin d'année de 6 ans et vient désormais de se classer dans divers épreuves internationales avec Julien Gonin dans son année de 7 ans. C'est pour nous le moyen d'occuper toute la gamme de prix que demandent les clients.

A côté de cela, nous avons également beaucoup développé le réfrigéré en France, en collaborant avec tous les centres de mise en place français, notre volonté étant de permettre aux éleveurs de toucher aux meilleurs étalons en sécurisant au maximum leurs investissements. C'est-à-dire que toutes les saillies de nos étalons disponibles en réfrigéré sont payables au poulain vivant et, maintenant, même les frais techniques qui est la première partie que l'on demande en France, bénéficient de la garantie « poulain vivant ». Le travail que je fais avec les 250 juments que je passe au centre d'insémination au Montellier, le suivi gynécologique, est également garanti « poulain vivant ». Notre message est de dire aux gens, si vous voulez faire des économies, faites le grâce à la sécurisation de nos techniques de vente, ne le faites pas en choisissant des étalons de bas niveau pour votre jument qui fera que, de toute façon, vous allez perdre de l'argent quand vous allez devoir vendre votre production, mais faites l'effort de prendre une saillie à 1400 euros, elle est garantie : tout est garanti ! »

Par rapport à votre métier de vétérinaire où vous n'êtes pas forcément responsable qu'une jument ne remplisse pas, ce n'est pas un peu dévaluer votre travail ?

F.N. : « Non, c'est vrai que nous n'avons pas d'obligation de résultat. Notre obligation de vétérinaire est de faire le suivi gynécologique d'une jument selon des techniques modernes de la science. Par contre, Beligneux le Haras, société commerciale, ne veut pas que ses clients soient déçus. Cette semaine, j'ai encore trois nouvelles juments qui sont arrivées de Suisse après avoir été vides depuis deux ans, alors que leur propriétaire avait acheté de la semence cash, sans aucune garantie. Les gens m'ont dit « voilà monsieur, vous avez des chevaux de valeur, mais nous, on en a marre de se faire racketter, on veut des juments pleines ! Nous, nous avons par exemple décidé d'arrêter de distribuer Baloubet du Rouet, lorsqu'à l'évidence, la semence n'était plus à la hauteur et pourtant, j'aurais bien aimé continuer à vendre le cheval. L'année où nous avons « fabriqué » Palloubet d'Halong, on a fait 16 poulains ! Nous n'étions pas dans la prospective, lorsque nous commercialisions Baloubet, les gens préféraient acheter du Quidam de Revel. Il faut aussi noter que lorsque nous avons fait des wagons de For Pleasure, il y a 10-12 ans, j'achetais pour 150.000-200.000 euros de paillettes cash à Madame Zilling, sa propriétaire, et on le revendait aux clients « jument pleine au premier octobre ».Notre activité de courtier n'était donc pas d'acheter une paillette 1.000 euros pour la revendre 1.200, comme on le voit beaucoup, mais c'était, comme on le fait toujours, de dire qu'on prenait pour nous le risque d'échec. C'est pour ça qu'à l'époque, on travaillait avec un petit nombre de centre que l'on nommait « centre partenaire » et que l'on ne mettait en place la semence très précieuse que dans ces centres-là. Ensuite, on a vu que, l'évolution faisant, les gens étaient de plus en plus tendus économiquement, ils ne voulaient plus emmener leurs juments dans un des dix centres partenaires français, mais voulaient aller plus près de chez eux, pour que cela leur coûte moins cher, et c'est à ce moment-là qu'on s'est dit que l'évolution était d'importer la meilleure génétique possible vivante en France : les Tinka's Boy, Goldfever, Lando, Epsom Gesmeray… . et d'envoyer du réfrigéré partout en France. On travaille aujourd'hui avec 300 centres en France, car la semence réfrigérée nous coûte beaucoup moins cher que l'achat cash de paillettes du For Pleasure de maintenant. Cela a aussi été une raison de notre succès… s'il existe. » La suite, c'est demain.