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François Mathy, une légende faite de passions et de plaisirs (1/3)

Reportages mardi 7 décembre 2021 Julien Counet

Alors que la Belgique vient de remporter une seconde médaille de bronze par équipe à Tokyo, 45 ans après celle de Montréal, on se souvient d’un athlète qui était revenu du Canada avec deux médailles de bronze ! Accompagné de Stany van Paeschen, Edgar Henri Cuepper et le regretté Eric Wauters par équipe, Fifi comme on aime l’appeler dans le milieu, reste à ce jour le seul médaillé individuel belge de l’équitation ! Depuis l’homme s’est distingué en étant l’un des marchands les plus réputés et respectés du milieu. Difficile de dénombrer le nombre de stars passées par ses écuries. Homme de goût et de classe, comme en attestent ses installations, il n’en demeure pas moins un homme accessible de tous au contact des hommes et de la terre.

Toujours soucieux d’être à la pointe de l’innovation, notre homme organise, juste avant les fêtes de fin d’année, sa première vente en ligne : Excellence Auction by François Mathy ou l’art de toujours se remettre en cause pour continuer à aller de l’avant.

Le nom de François Mathy résonne comme celui d’une légende dans le microcosme de l’équitation mais votre personnage reste une énigme pour beaucoup...

François Mathy : « Ce n’est pas une volonté de ma part, je n’aime pas faire de bruit. Je crois beaucoup en l’adage : « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Je ne vois pas l’intérêt de m’exposer inutilement. Nous avons des clients qui sont réguliers depuis de très nombreuses années avec qui nous avons tissé des liens. Même si mon frère organise le Jumping de Liège, je ne suis personnellement pas investi dans la fédération et je ne tiens pas de rôle de chef d’équipe ou autre. Je fais mon métier avec les gens que j’aime bien et heureusement, j’ai pu faire cela toute ma vie. »

François Mathy avec Marc Bettinger et l'étalon Quannan R (Kannan)

Vous vous êtes rapidement destiné à une carrière de cavalier ou de marchand de chevaux ? Vous pensiez qu’il faudrait choisir entre les deux ?

F.M. : « J’ai toujours aimé les animaux et quand j’étais jeune, j’étais surtout porté par l’agriculture, le bétail et les animaux en général. Un peu avant mes 18 ans, mon père aimant beaucoup les chevaux, nous allions promener dans les bois et nous avons commencé à faire des petits concours. Nous avons directement été amenés à développer un peu de commerce pour trouver des solutions pour des chevaux qui ne nous convenaient pas ou pour trouver de meilleurs chevaux. Cela s’est fait naturellement et cela m’a plu. A 18 ans, j’ai commencé à avoir des relations avec des cavaliers étrangers. A cette époque, il y avait beaucoup moins de commerce en Belgique. Les Belges allaient plutôt acheter des chevaux à l’étranger. J’ai vite trouvé cela étrange car pour moi, nous avions d’aussi bons chevaux en Belgique. Je me suis alors dit que, plutôt qu’en acheter à l’étranger, on pourrait aussi vendre nos chevaux à l’étranger. C’est à cette époque que le commerce international a débuté. J’ai rapidement eu de bons contacts avec Alwin et Paul Sochockemoehle. J’ai développé le commerce vers l’Allemagne et la France. »

Votre passion vous poussait davantage à devenir cavalier ou directement marchand de chevaux ?

F.M. : « J’avais plus de passion pour le commerce que pour le concours hippique. Je participais souvent à des concours dans le but de vendre. Du coup, je suis régulièrement rentré du concours sans les chevaux que j’avais emmenés parce que je les avais vendus au concours. Aujourd’hui, c’est vrai que je regrette un peu de ne pas m’être autorisé à conserver un peu plus un cheval en vue du concours hippique en allant un peu plus loin et en faisant un peu plus… mais à cette époque, cela me plaisait de faire du commerce et j’éprouvais du plaisir à les vendre et les voir ensuite aller avec leur nouveau cavalier. »

François Mathy et Pedro Renault en compagnie de clients canadiens

Du coup, sportivement, il y a un petit regret quelque part ?

F.M. : « Non, je n’ai pas de regret. Je me dis que j’aurais juste pu monter un peu plus longtemps les très bons chevaux qui sont passés chez moi comme Talisman que j’ai vendu à Paul Schockemohle après avoir gagné seulement un ou deux Grand Prix, Gai Luron et tant d’autres qui ont eu une carrière après moi. Je n’ai pas de regret de les avoir vendus mais je me dis juste que j’aurais pu aller un peu plus loin dans la compétition. »

Quand aujourd’hui, vous voyez des cavaliers pleurer dans la presse lorsqu’ils vendent un cheval, qu’en pensez-vous ?

F.M. : « On constate qu’il y a beaucoup de cavaliers qui ne pensent qu’à monter. Il y a très peu de cavaliers qui sont à la fois commerçants et cavaliers. Lorsque l’esprit cavalier domine, ils veulent gagner, aller en concours, c’est leur passion. Je le comprends. Le problème, c’est que les chevaux sont arrivés à des prix où les propriétaires ne veulent pas garder des chevaux à de tels tarifs. C’est dès lors très difficile pour une catégorie de cavaliers d’empêcher la vente d'un cheval. Je trouve normal que des cavaliers aient envie de faire du sport. Cela a toujours existé. Un cavalier comme Hugo Simon répondait toujours, quand on lui demandait pourquoi il ne vendait pas ses chevaux, qu’il n’avait jamais vu personne monter sur une liasse de billets et que lui, il voulait monter à cheval ! Il n’en avait rien à faire du prix qu’on pouvait offrir pour ses chevaux, il n’était pas question de les vendre. Le commerce à mon époque était beaucoup moins important. Il y avait moins de concours, moins de cavaliers et moins de chevaux compétitifs. Ces 20-30 dernières années, le monde équestre a beaucoup évolué. Les prix des chevaux ont fortement augmenté, il y a plus de concours, plus de cavaliers. A mon époque, les militaires terminaient de monter à cheval et il y avait encore beaucoup d’amateurs. C’était plus réservé à une certaine classe de gens. Aujourd’hui, tout a évolué : le nombre d’acheteurs, de cavaliers, de marchands. Tout est devenu énorme. »

A cette époque, il y avait encore peu de cavaliers professionnels !

F.M. : « Les Jeux Olympiques de Montréal étaient encore réservés aux amateurs selon les règles en vigueur. Aujourd’hui, celui qui veut être cavalier doit être professionnel et y consacrer tout son temps en y pensant jour et nuit. Un cavalier performant n’est pas le fruit du hasard, il faut être rigoureux dans son entrainement et dans la manière dont on gère son écurie. La concurrence est trop rude pour laisser place à l’improvisation. »

Avec le recul, vous trouvez que vos deux médailles olympiques vous ont apporté une véritable plus-value ?

F.M. : « Ces médailles m’ont permis de rencontrer des gens partout dans le monde. Ce n’était pas aussi médiatisé qu’aujourd’hui mais pour l’époque, c’était un évènement très important d’autant que deux médailles de bronze pour un pays comme la Belgique, c’était une belle publicité et un grand plaisir. Les Jeux Olympiques, la population entière y participe. Les championnats du monde, d’Europe, les coupes du monde : c’est personnel. Il y a des cavaliers qui gagnent de grands championnats sans que personne ne le sache tandis que pour les Jeux, les gens disent « nous avons gagné ». Tout le monde a gagné une médaille et y participe. C’est une différence énorme qui fait que les gens sont beaucoup plus au courant. Une médaille, c’est entre 8 et 10 millions de personnes qui disent « on a gagné une médaille ». La répercussion de la performance n’est pas la même. »

Sapphire, sous la selle de McLain Ward, fait partie des très nombreuses références de François Mathy.

Ces médailles étaient plus importantes en tant que sportif ou en tant que marchand ?

F.M. : « Sportivement, c’était bien d’autant qu’il faut un peu de chance pour gagner deux médailles et quand on fait du sport, c’est le sommet de ce que l’on peut faire. J’étais déjà commerçant mais cela a fait du bien et m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes avec qui pour certaines, j’ai toujours des contacts aujourd’hui. »

La seconde partie de notre entretien avec François Mathy sera disponible dès demain !