Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“Être en Californie me permet de faire mon métier dans un rythme un peu plus normal”, Grégory Wathelet (1/3)

Interviews jeudi 26 janvier 2023 Mélina Massias

Depuis qu’il a posé ses valises en Californie, Grégory Wathelet accumule les classements et les victoires. Clarity, Berline du Maillet et Argentina de la Marchette, trois des quatre montures qui l’accompagnent outre-Atlantique, ont toutes brillé sous le soleil de Thermal. Pour le Belge de quarante-deux ans, son départ, loin du Vieux Continent, dont il arpente les routes sans relâche depuis plus de deux décennies, sonnait comme une évidence. Le besoin et l’envie de découvrir un nouveau fonctionnement, de se ressourcer, avant de repartir de plus belle aux beaux jours. Le jeune père de famille a décidé de passer deux mois aux Etats-Unis, puis de revenir en mars, pour relancer la machine avec en ligne de mire, évidemment, les grandes Coupes des nations et, si l’occasion se présente, les championnats d’Europe de Milan. Pour revêtir la veste rouge des Diables Rouges, le trente-troisième meilleur cavalier du monde le sait : il devra faire ses preuves avec ses montures. En effet, son gris, Nevados S, sera préservé cette année et n’ira pas en Italie pour l’échéance continentale. En parallèle, Grégory Wathelet n’oublie pas l’élevage, une activité qui lui tient à cœur et à laquelle il vient de donner une nouvelle dimension en lançant, en partenariat avec son ami Gilles Botton, un catalogue d’étalons. À l’occasion d’un entretien divisé en trois épisodes, le médaillé de bronze par équipe des derniers Jeux olympiques revient sur son expérience californienne, ses objectifs 2023, les départs d’Iron Man van de Padenborre et Cocktail de Talma, ainsi que sa vision de l’élevage. Première partie.

L’année 2023 commence de la meilleure des manières pour vous, avec des débuts couronnés de succès à Thermal, où vous avez déjà décroché plusieurs classements et victoires. Comment vous sentez-vous en Californie, où vous avez posé vos valises pour la première fois de votre carrière de cavalier ?

C’est effectivement la première fois que je viens ici. J’avais déjà effectué une tournée en Floride, il y a une quinzaine d’années, mais je n’étais jamais venu de ce côté du pays, en Californie. Pour le moment, je me sens bien ! Je ne peux pas me plaindre ; j’ai vécu un bon concours la semaine passée (entretien réalisé mercredi 18 janvier, ndlr). Je sais que les résultats ne seront pas les mêmes toutes les semaines (depuis, le Belge a ajouté deux victoires à son compteur, dont une dans le Grand Prix 3* avec Clarity, Clarimo x Ephèbe For Ever, ainsi qu’une quatrième place dans une épreuve intermédiaire, ndlr). Je savoure ces performances et j’essaye de profiter de nouvelles expériences et de ma venue ici pour découvrir d’autres concours, que je ne connais pas du tout.

Grégory Wathelet, sur la plus haute marche du podium du dernier Grand Prix 3* disputé à Thermal. © Desert International Horse Park

Combien de temps avez-vous prévu de rester en Californie ?

Je reste deux mois aux Etats-Unis. Je prévois d’aller sur d’autres terrains de concours, mais toujours en Californie. Cela permet de ne pas rester tout le temps au même endroit et de ne pas lasser les chevaux.

[revivead zoneid=48][/revivead]

Quels facteurs ont motivé votre choix de partir outre-Atlantique pour entamer cette nouvelle année ?

Il y a plusieurs raisons, professionnelles et personnelles. Déjà, j’avais envie de changer d’air. Je suis le même circuit depuis vingt-cinq ans et j’avais un peu l’impression de tourner en rond, de faire toujours la même chose. J’avais peut-être besoin d’une nouvelle motivation en début d’année, dans un autre projet. La Californie est un endroit que j’aime beaucoup. Je viens régulièrement en vacances ici. L’environnement est très paisible, le climat agréable. Cela rejoint le côté personnel ; en parallèle de cette tournée de concours, je vais pouvoir profiter sans la pression quotidienne de mon entreprise en Belgique, qui est présente du matin au soir, du lundi au dimanche. C’est parfois un tout petit peu lourd et épuisant. Être ici me permet de faire mon métier dans un rythme un peu plus normal, tout en profitant de ma famille.

Grégory Wathelet ici aux côtés de sa compagne et de son fils, à Dinard. © Mélina Massias

“Le rythme est différent, il y a moins de pression”

Comment avez-vous géré l’aspect organisationnel que doit impliquer votre départ pour deux mois sur un autre continent ?

Cela ne change pas grand-chose. Nous sommes toutes les semaines en concours et le système est le même. Je pars en général du mercredi au dimanche. Hormis le fait que je ne sois pas de retour le lundi et le mardi, mon départ en Californie n’est pas très différent de d'habitude. Je ne suis déjà pas souvent là en temps normal ! Lorsque je pars cinq ou six semaines au Sunshine Tour, je peux effectivement prendre un avion pour rentrer un jour ou deux, ce qui est plus compliqué en raison de la distance depuis la Californie, mais le principe est le même. Il n’y a donc pas tellement de bouleversements aux écuries. Le seul changement structurel majeur est plutôt lié aux jeunes chevaux. Lorsque je pars en Espagne, j’en emmène souvent beaucoup avec moi. Depuis trois ans, je peux compter sur un super cavalier (Manuel Thiry, ndlr), qui fait un excellent travail. Il est tout à fait capable d’aller en Espagne seul et c’est d’ailleurs ce qu’il va faire, puisqu’il va emmener dix-huit jeunes chevaux au Sunshine Tour. Avant, je faisais ce boulot-là, ou nous nous répartissions la charge de travail. Maintenant, ce sera seulement lui, tout simplement.

Clarity lors du tour d'honneur du Grand Prix 3* de Thermal, qu'il a remporté le 22 janvier dernier. © Desert International Horse Park

Avez-vous prévu de faire tourner votre piquet de chevaux sur le sol américain ?

J’ai pris quatre chevaux avec moi (Clarity, Argentina de la Marchette, Acajou de la Marchette x Del Piero P&B, Berline du Maillet, Berlin x Action-Breaker, ainsi qu’Ace of Hearts, Aliandro B x Ra, ex Ramanov, ndlr). Normalement, ce seront toujours les mêmes, à moins que je n’en fasse venir un autre en fonction de l’évolution. C’est pour cela que mon plan n’est pas arrêté. Je sais ce que je veux faire dans les grandes lignes, mais tout va dépendre de mes chevaux, que ce soit pour la durée où nous restons ici ou pour le nombre de concours que nous allons disputer. Je ne ferais pas plus que ce qu’ils peuvent faire. L’idée de base est d’en monter deux par week-end, et d’alterner chaque semaine, afin qu’ils participent chacun à un concours sur deux.

Ici à La Baule, l'excellent Ace of Hearts a lui aussi fait le voyage outre-Atlantique, où il a déjà brillé. © Mélina Massias

[revivead zoneid=48][/revivead]

Depuis votre arrivée sur le sol américain, avez-vous noté des différences entre la culture équestre locale et celle à laquelle vous êtes davantage habitué en Europe ?

Le mode de fonctionnement est différent, mais il s’agit de détails. Une fois en piste, on a un parcours et des obstacles à sauter. Le but est toujours d’être sans-faute et d’aller vite, il n’y a pas vraiment de changement à ce niveau-là. En revanche, on ne va pas se le cacher, le niveau est nettement plus bas ici. C’est une réalité. Après, comme partout, et même s’il y a moins de concurrence pour les places d’honneurs, il faut s’employer pour gagner. Dans la mentalité, il y a forcément des différences. Je côtoie et discute souvent avec des Américains en Europe, donc je m’y attendais un peu, mais c’est sympa de le vivre et de le découvrir. Ils travaillent d’une autre façon. Ne serait-ce que les détentes au paddock se déroulent différemment, de même que les modalités d'inscription en concours. C’est un monde nouveau pour moi, qui diffère du système européen, que l’on connaît par cœur et où tout se déroule tous les jours de la même façon. Tout se fait en un clic sur internet. Ici, il faut appréhender un nouveau fonctionnement. Après une semaine, tout est plus ou moins rodé, mais c’est intéressant de découvrir une autre culture. Tout commence plus tôt et se termine, par conséquent, plus tôt, les gens semblent plus tranquilles. Sur cette côte, le rythme est différent, il y a moins de pression, les cavaliers sont moins dans l’esprit d’être compétiteurs les uns envers les autres ; tout est plus cool. Ce sont des choses que j’ai remarquées et qui sont assez agréables pour l’instant. On verra ensuite sur le long terme. Comme tout changement, les débuts sont toujours appréciables. Maintenant, s’agit-il d’un système qui pourrait me plaire sur du moyen ou long terme ? Je ne sais pas. Dans six semaines, j’aurais peut-être un discours différent parce que je ressentirai une forme de lassitude à force de répéter la même chose ici. On verra. De toute façon, je suis venu ici avec l’ambition de faire de nouvelles choses.

Le charmant Nevados S en route pour la remise des prix de la Coupe des nations de La Baule, remportée par la Belgique. © Mélina Massias

“Je n’irai pas aux championnats d’Europe avec Nevados”

Le continent américain est connu pour être très fertile en termes de coaching. Du moins, cette activité est peut-être plus médiatisée outre-Atlantique qu’en Europe. Avez-vous des élèves sur place ou comptez-vous solidifier cet aspect de votre système ?

Les entraîneurs sont en effet très sollicités, mais tout est déjà très fermé ici. Les cavaliers implantés ici ont déjà leurs clients. On ne peut pas débarquer ici en espérant vendre telle ou telle prestation. On peut avoir cette impression, mais ce n’est pas le cas. Je ne suis pas venu ici dans cette intention-là. Cependant, Marie Longem m’accompagne ici. Elle s'entraîne déjà chez moi en Europe depuis dix ans (et est également la propriétaire de Clarity, ndlr). Elle est venue concourir ici aussi et j’ai une autre cliente que je vais commencer à entraîner cette semaine. Elle avait déjà tout préparé en amont, avant mon arrivée. Ces choses-là ne se sont pas décidées il y a trois jours. Je ne suis pas venu ici sans plan, mais je vais rester attentif et ouvert aux propositions qui pourraient m’être faites, ou pas. Si des opportunités se présentent à moi et s’inscrivent dans mon fonctionnement ici, je le ferai, mais cela n’est pas une obligation vitale ou financière pour boucler ma tournée.

Clarity et son passage de queue inimitable à Dinard. © Mélina Massias

Quels vont être vos objectifs pour la saison 2023 ? Pensez-vous aux championnats d’Europe de Milan ?

Comme chaque année, exception faite des saisons rythmées par les Jeux olympiques ou les championnats du monde, je n’ai pas d’objectif précis. Bien sûr, les championnats sont toujours des événements auxquels on a envie de participer. En tout cas, je n’irai pas aux championnats d’Europe avec Nevados (S, Calvados x Romualdo, meilleur complice du Belge, médaillé d’or par équipes aux Européens Longines de Rotterdam puis de bronze aux derniers Jeux olympiques de Tokyo, ndlr), ça, c’est certain. Comme je l’ai dit l’année passée, si j’ai la chance de l’avoir en forme et frais pour les Jeux, mon objectif serait de disputer un dernier championnat avec lui à Paris, car il aura seize ans en 2024. Puisque nous sommes qualifiés, il n’y a pas de raison de lui imposer un tel événement cette année, et je pense qu’il en sera de même pour Quel Homme (de Hus, dix-sept ans cette année et complice de Jérôme Guéry, ndlr). Cela étant, la question est toujours la même : quel autre cheval pourrait disputer un championnat ? Tout de suite, je n’en ai aucun de prêt. J’ai deux, trois montures intéressantes, mais je ne peux pas prédire s’ils seront opérationnel le moment venu. J’avais dans l’idée d’éventuellement préparer Iron Man (van de Padenborre, Darco x Chin Chin, ndlr) ou Cocktail (de Talma, Baloubet du Rouet x Cento, ndlr) pour l’échéance, mais tous deux ont été vendus. Il faut donc que je noue de nouveaux partenariats, que je forme de nouveaux talents, comme Clarity par exemple, qui est déjà dans mon écurie. Il faut que ces chevaux-là fassent leurs preuves, ce qui n’est pas encore le cas au niveau attendu pour des championnats d’Europe. Je pense aussi à Beau Goss (du Park, Quaprice Bois Margot, ex Quincy x Kannan), qui avait été opéré l’an dernier et qui revient. Il y a une possibilité pour quelques chevaux de mon piquet. Si Pieter Weinberg me donne ma chance dans l’équipe en Coupe des nations avec ces chevaux-là, qu’ils confirment, alors, oui, la porte s’ouvrirait et mon but serait toujours de courir un championnat. Seulement, aujourd’hui je ne suis pas dans la situation où Nevados est prêt et assuré de disputer un championnat sauf incident. Je suis loin de cela et il y a plein de bons cavaliers en Belgique. À moi de faire mes preuves avec mes autres montures. Mon planning sera orienté dans cette optique-là. À mon retour en mars, l’objectif sera d’abord de remettre les cinq ou six chevaux restés à la maison, dont Nevados, en route. Ensuite, mon but est d’être prêt pour le mois de mai, où ont lieu toutes ces Coupes des nations, de Rome ou La Baule par exemple, que tout cavalier adore courir.

L'attachant Iron Man van de Padenborre, vendu l'automne dernier, aurait pu être un candidat pour les prochains championnats d'Europe. © Mélina Massias

La deuxième partie de cet entretien est disponible ici.

Photo à la Une : Grégory Wathelet et Argentina de la Marchette à Thermal, en route vers une victoire. © Desert International Horse Park