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Bernard Le Courtois, une première médaille qui en appelle d'autres.

Reportages mercredi 13 octobre 2010
Championnat du monde - Lexington 2010 Eleveur, étalonnier, Bernard Le Courtois est également un propriétaire heureux. Présent sur la plupart des terrains de concours pour suivre sa jument tout au long de l'année, il a vécu en direct la première médaille acquise par un produit de son élevage, sa crack Katchina Mail qui lui avait déjà permis de remporter le titre de championne de France des 6 ans à Fontainebleau. SFL : Que retenez-vous de ces championnats à Lexington ? Bernard Le Courtois : « La médaille d'argent !!! C'est ma première médaille en tant que propriétaire et en tant qu'éleveur. Déjà être qualifié est extraordinaire et nous aurions déjà été contents si la jument avait bien sauté… et tout le monde nous a dit que c'était le cas. Pour ma part, je n'ai pas vu grand-chose car sur le petit podium, on ne voit rien ! On est stressé, ça va très vite alors on a juste une espèce de vision… mais beaucoup de gens nous ont dit qu'elle avait sauté formidable, nous sommes donc ravis alors évidemment, la médaille c'est la cerise sur le gâteau. » SFL : Vous avez déjà vécu une première expérience aux Jeux Olympiques avec Jaguar sous couleurs suédoises. Est-ce que cela change quelque chose pour vous que Katchina soit sous couleurs françaises ? B.L.C : « Oui, c'est vrai que le fait que son frère, Jaguar, participe aux Jeux Olympiques était déjà un évènement. Le cheval avait bien sauté, il avait fait une belle coupe des nations en faisant 4+8 dont une faute sur la rivière et il s'est hissé en finale. Ce que je trouvais déjà extraordinaire alors ici, avec la médaille en plus … Pour le reste, en tant qu'éleveur, ça ne change pas grand-chose … si ce n'est que l'on est évidemment plus heureux de partager la médaille avec l'équipe de France car, pour certains, je les considère comme des copains. C'est une équipe très soudée qui s'entend très bien. Avec l'équipe suédoise, nous avions eu de très bons contacts, c'est également une équipe très soudée qui déjeune ensemble, qui boit des verres ensemble. Ils ne sont jamais isolés… etc. Il y a aussi le barrage de la langue, je parle anglais mais pas suffisamment pour être très à l'aise. Les choses sont finalement très différentes. Nous avons eu énormément de satisfaction avec Jaguar mais cette satisfaction est encore plus forte aujourd'hui car on la partage avec Patrice, cela fait 10 ans que l'on travaille ensemble et c'est une vraie récompense pour Patrice, pour Sabrine et pour nous. C'est une histoire de famille alors que Jaguar était une opportunité qui s'est présentée à nous. Ce n'était absolument pas tactique comme certaines personnes l'ont pensé puisque tout s'est décidé alors que nous ne savions pas encore que la France ne serait pas qualifiée. De toute façon, il n'aurait pas pu aller aux JO au sein de l'équipe de France puisque dans l'écurie de Patrice, il était deuxième cheval. Au final, les choses se sont bien enchaînées pour nous. » SFL : Vous avez décidé de conserver Katchina malgré toutes les propositions que vous avez pu recevoir. Est-ce que cette médaille fait oublier tous les sacrifices ? B.L.C. : « Oh oui ! Avec cette médaille, elle nous rembourse au centuple des sacrifices que nous avons fait pour elle. Néanmoins, elle n'aurait pas eu la médaille que nous n'aurions pas regretté non plus car tout était tellement serré. Là est d'ailleurs tout le paradoxe, j'ai lu ce qui a été écrit en France les premiers jours. Ce n'était pas très élogieux de la part des journalistes et cela manquait vraiment de discernement. D'autant que tant que tout n'est pas fini, rien n'est fait et nous l'avons vécu ici. Il y a des équipes qui se voyaient médaillées et qui se retrouvent reléguées. Nous, si Kevin avait eu le malheur de faire 5 points, on se retrouvait 10 ème  ! Ca va très vite, une petite faute, ce n'est rien du tout. Cela ne sert évidemment à rien d'imaginer le pire quand tout s'est bien passé mais tout s'est vraiment joué sur le fil entre une dizaine d'équipes et tant mieux pour nous. Ce que j'ai par contre vraiment apprécié dans les résultats de l'équipe, c'est qu'aucun cheval n'a surclassé les autres, mais aucun n'a fait de contre-performance répétée. Tous les chevaux ont apporté leur pierre à l'édifice. Katchina n'a malheureusement pas fait de sans-faute, cela aurait été mieux si ça avait été le cas mais d'un autre côté, ses parcours ont été très importants puisque c'est la seule qui a compté tout le temps. »

SFL : En tant qu'éleveur, quand on voit l'évolution de ce sport : qu'en pensez-vous ?

B.L.C. : « Oui, alors ceci est une toute autre vision des choses. Cela nous donne la possibilité de voir les chevaux déshabiller dans les écuries et cela donne évidemment une toute autre image que celle d'un cheval que l'on voit uniquement à la télévision.

C'est comme un toréador dans son habit de lumière ou sous sa douche, ils n'ont peut-être pas la même allure, tout comme une pin-up maquillée ou au saut du lit, c'est peut-être pas toujours pareil. Là, je viens de faire le signalement de deux étalons pour l'agrément aux Selle Français et j'avoue que j'ai été surpris de certains défauts et de certaines qualités dont on n'a pas idée lorsqu'on les voit sur la piste et à fortiori à la télévision.

Mais c'était déjà l'avantage que j'avais en tant que journaliste car pendant que certains restent derrière leurs juments car ils n'ont pas le choix, moi, je voyais les chevaux partout. Lorsqu'on traîne aux écuries, on les voit déshabillés, on voit leurs comportements, leur morphologie … et ça, c'est très très important car cela permet de voir les étalons qui produisent mieux que les autres et de voir ce qu'ils apportent.

Bien souvent des gens veulent utiliser un étalon en le voyant à la télévision non pas en se disant qu'il va convenir à leur jument mais parce qu'ils veulent un poulain de cet étalon. Pourtant 9 fois sur 10, la jument ne convient pas mais ils font quand même le croisement. Mais d'un autre côté, il est certain que l'élevage, c'est avant tout la jument. Si on regarde Elvira Mail, ses deux meilleurs produits sont issus de Hand in Glove xx (Jaguar) et Calvaro (Katchina) alors que ce sont deux étalons diamétralement opposés, que ce soit dans le studbook ou la morphologie… donc je pense que la bonne jument, c'est la bonne jument et ça, beaucoup d'éleveurs ne l'ont pas compris. »

SFL : En étant ici, vous n'avez pas pu participer aux Journées Selle Français qui se déroulaient en même temps. En tant que professionnel et étalonnier français, est ce que c'est embêtant ?

B.L.C. : « On ne peut pas être partout et c'était évidemment plus important pour moi d'être ici avec ma jument. Les journées de l'ANSF peuvent se faire sans moi. »

SFL : Pendant les WEG d'Aix la Chapelle, se déroulait la grande semaine de Fontainebleau … 4 ans plus tard, ce sont les Journées Selle Français. Est-ce que ce n'est pas quelque peu étonnant ? B.L.C. : « Il est certain qu'en septembre et octobre, le calendrier est très chargé. L'année dernière, les JSF étaient en concurrence avec le Lion d'Angers et nous étions liés l'an dernier avec le CSI de Saint Lô. Cette année, nous nous sommes dissociés du CSI pour nous permettre de nous décaler et de plus, cela nous a permis d'organiser tout dans le grand hall et d'après les échos que j'ai eus, tout s'est très bien passé.

Après, je ne suis pas certain que les gens qui étaient ici, cavaliers ou propriétaires internationaux, sont des gens qui seraient de toute façon allés aux journées de l'ANSF. De plus, le calendrier des mois de septembre et octobre est tellement chargé qu'il est difficile de ne pas être en concurrence avec un autre évènement. Fontainebleau et Warendorf sont en concurrence depuis toujours et de ce fait, nous n'arrivons pas à faire venir les Allemands et beaucoup d'étrangers comme des Suédois, Hollandais … etc qui préfèrent se rendre en Allemagne mais je ne pense pas qu'il y ait un vrai dilemme entre les WEG et les JSF car c'est une clientèle très différente.

SFL : Est-ce que la médaille obtenue par Katchina va changer quelque chose à sa carrière ? Allez vous continuer à donner la priorité au sport ou risque-t-elle de partir à l'élevage ?

B.L.C. : « Son dernier poulain est yearling, il est né en 2009. Année où nous avons fait une tentative de transfert mais où malheureusement la porteuse a coulé. Cette année, nous avons refait une tentative après sa blessure à Cannes mais comme c'est une jument qui ne supporte ni prostaglandine, ni chorionique… on ne peut rien faire, il faut la laisser venir naturellement. Ici, elle a fait une très longue chaleur avec un follicule hémorragique et nous n'avons pas trouvé d'embryon. Pour cette année, c'est donc raté d'autant qu'elle recommence la saison de coupe du monde dès Lyon. Il n'est néanmoins pas question de l'arrêter et j'espère qu'elle sera là pour les JO de Londres … même si Ornella Mail pourra l'y remplacer si tel n'était pas le cas. Après, il est certain que j'aimerai vraiment que l'on trouve un moment dans la saison pour réussir à avoir un embryon. Le problème, c'est que comme elle est assez compliquée et comme l'on ne peut pas provoquer ses chaleurs, cela tombe quelques fois mal … puis je ne peux pas utiliser des étalons sophistiqués avec de la semence congelée où l'on doit jouer avec une paillette, il faut que j'aille au plus facile, raison pour laquelle je n'emploie que des étalons de chez moi : Quite Easy, Alligator, Iowa … En fait, Katchina a une morphologie quelque peu particulière. La première était une Fergar, qui est son oncle et qui est un cheval ravissant et extrêmement dans le sang même si ce n'est pas un petit cheval puisqu'il toise 1m69 mais très fin et très racé, je me suis dit que j'allais avoir un ravissant petit bibelot … puis j'ai eu Orangeade Mail, une énorme pouliche alezane très Calvaro avec beaucoup d'os et cette couleur biscotte un peu grisée que peuvent avoir pas mal de produit de Calvaro. Ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais. Ensuite, en la croisant avec Alligator, j'ai eu une ponette qui fait 1m53 alors que le cheval faisait 1m76 ! Par contre, la Iowa a une taille normale de 1m64 à 4 ans, elle a une gueule d'enfer, elle est très musclée et saute de manière formidable. Elle n'est pas encore sortie en concours car elle était pleine mais a malheureusement coulé. Elle a donc commencé le travail tardivement mais elle n'a peur de rien, elle ne regarde rien et je pense que c'est une très bonne jument de concours même si il est impossible de dire aujourd'hui si elle fera du haut niveau. La Quite Easy de 4 ans à quant à elle fait un magnifique poulain d'Utrillo et nous avons une porteuse pleine de Diamant de Sémilly. Elle va partir au travail en fin d'année et c'est sans doute celle qui ressemble le plus à sa mère. La pouliche de 18 mois est aussi une Quite Easy, très effrontée, elle a la même personnalité que sa mère, pas très grande mais plus chic que sa mère. Assez cylindrique, elle bouge bien et est plutôt musculeuse. Elle me plait bien.

SFL : Vous êtes prêts à de nouveau faire tous ses sacrifices pour amener ces pouliches à ce niveau ?

B.L.C. : « C'est vrai que ce sont beaucoup de sacrifices d'autant que je n'ai pas la fortune que je mérite. Pour moi, c'est donc un énorme sacrifice d'avoir décidé de la garder. D'un autre côté, comme je le dis toujours, je ne tiens pas à mourir le plus riche du cimetière. Contrairement à ce que les gens s'imaginent, je vis des chevaux, j'ai démarré sans aucune fortune personnelle et ce que j'ai aujourd'hui c'est mon travail avec les chevaux qui me l'a apporté. Ils me l'ont bien rendu et je pense que je leur rends bien aussi car je m'en occupe bien, je les élève bien ...

Garder Katchina était sans doute une folie démente mais pour moi, cette jument là a toujours été particulière, c'est un cas à part. Garder un étalon peut être plus justifié puisqu'on le rentabilise par des saillies, une jument, ce ne sont pas les 5 embryons qu'elle m'a donné, que je n'ai pas vendus en plus, qui vont changer quelque chose. Les gains, cela paie les frais et c'est un peu de beurre sur les épinards … L'année dernière, elle a gagné 200.000 euros, lorsqu'on enlève tous les frais et le pourcentage au cavalier, il doit rester à peu près 75.000 euros. Ce qui n'est pas négligeable évidemment mais qui n'est pas très important au regard de la valeur de la jument. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais décidé de trouver une autre solution pour ne pas prendre tous les risques avec Ornella. En fin d'année de 6 ans, j'en ai donc vendu la moitié à un copain avant de revendre un autre quart de la jument à des propriétaires de Patrice, qui sont des gens formidables et extrêmement motivés, récemment car nous avons eu de très grosses offres pour la jument dans le courant de l'année. Sans faire de la gloriole, je pense sincèrement qu'il s'agit d'une des meilleurs 8 ans d'Europe comme l'ont confirmé les offres que l'on nous a faite. J'avais donc dit à Patrice que j'étais un propriétaire et non un mécène car je n'en ai pas les moyens mais je conserve néanmoins 25% de la jument. »