Notre site web utilise la publicite pour se financer. Soutenez nous en desactivant votre bloqueur de publicite. Merci !

“Avec la victoire d’Atome, nous avons eu l’impression d’obtenir une énorme récompense”, Karine Boué

Interviews samedi 15 octobre 2022 Mélina Massias

La victoire de Laurent Goffinet et Atome des Etisses, lors du dernier CSI 5* de l’année sur la piste de l’Hubside Jumping de Grimaud, a été celle de toute une équipe. Derrière ce duo attachant, se cache le haras de Lacke, une aventure faite, avant tout, d’amitié et de passion. Après avoir traversé une phase de doute, l’ancien pilote de Flipper d’Elle a su conduire avec maestria son crack, fils de Mylord Carthago et la grande Eve des Etisses. Pour Studforlife, Karine Boué, co-propriétaire de l’étalon bai, à la tête du centre équestre de la Scie, co-organisatrice du CSI 4* de Rouen et impliquée à de nombreuses échelles dans le monde équestre, revient sur cette folle aventure, initiée il y a de longues années grâce à une amitié nouée avec Laurence Waechter-Artaud, qui a découlé sur une immense récompense le week-end dernier.

“La route n’est pas toujours facile, il y a des hauts et des bas. Nous vivons un véritable ascenseur émotionnel, des périodes de doute et là, justice est rendue. Il y a eu tellement de travail de la part de Laurent (Goffinet, ndlr), nous nous sommes tellement investis, écoutons notre cheval du mieux que nous pouvons. Avec cette victoire, nous avons eu l’impression d’obtenir une énorme récompense. Surtout, je suis extrêmement heureuse pour Laurent, qui est un travailleur acharné, un vrai gentil avec ses chevaux et un cœur à lui tout seul. Il est toujours dans le doute, se remet incessamment en question. Il n’y a pas si longtemps, il se demandait encore s’il montait bien à cheval ! Nous le soutenons, sommes tous là pour lui, et désormais, il a la preuve qu’il fait partie des tous meilleurs, tout comme son cheval.” Le triomphe d’Atome des Etisses (Mylord Carthago et Eve des Etisses, par Quidam de Revel) dans le Grand Prix 5* de l’Hubside Jumping de Grimaud, dimanche 9 octobre, sous la selle de Laurent Goffinet, a plus que ravi toute l’équipe du haras de Lacke.

Toute la joie de Laurent Goffinet sur Atome des Etisses.

Il y a près de quinze ans, naissait, de l’amitié entre Karine Boué et Laurence Waechter-Artaud, cette formidable aventure. Les deux pétillantes passionnées, ainsi qu’Alexandre Artaud, Christophe, et Elise Goffinet donneront ainsi leurs initiales à ce projet. “Laurence et moi nous sommes rencontrées dans l’ancien centre équestre où je travaillais”, retrace Karine Boué, à la tête depuis vingt ans de sa propre structure, le centre équestre de la Scie, à Longueville-sur-Scie - où sont pratiqués de multiples activités, de compétition mais aussi sociales - et qui oeuvre également en milieu carcéral, toujours aux côtés des chevaux. “Elle amenait sa belle soeur aux écuries, et nous avons discuté sur le bord de la carrière. Quelque chose d’incroyable, qu’on ne peut pas expliquer, s’est passé entre nous. Nous venons de deux milieux différents, mais nous avons immédiatement matché. Laurence a repris l’équitation avec moi, a acheté un cheval, mais nous n’étions pas encore dans l’optique du haras de Lacke. Plus tard, lorsqu’elle a perdu son papa, elle m’a dit qu’il fallait que l’on fasse quelque chose ensemble. Nous avons alors créé le haras de Lacke. Depuis, des chemins se sont séparés, mais nous restons une équipe, ce qui est primordial. La base est toujours là.”

[revivead zoneid=48][/revivead]

Pour que l’épopée soit belle, il fallait compter sur un cavalier de premier rang. Et le choix n’a pas été difficile pour Karine. “L’aventure avec Laurent a vingt ans. Il montait déjà nos chevaux à l’époque de Spotlight (Stakkato x Graf Grannus), puis s’est vu confier Qantar des Etisses (Quick Star x Persan II), Quinette du Quesnoy (Helios de la Cour II x Capital), etc. Laurent est mon meilleur ami, comme mon petit frère. Lorsque j’ai rencontré Laurence et qu’elle avait ce souhait d’aller vers le haut niveau, la question ne s’est même pas posée : c’était avec Laurent ou personne”, martèle-t-elle.

Le barrage victorieux du duo star du haras de Lacke. © GRANDPRIX.tv.

De Quinette à Atome, des années d’amitié et de partage… en équipe !

“C’est avant tout une histoire d’amitié”, résume Karine. Soudée et solide, l’équipe du haras de Lacke a réussi, au fil des années, à s'imposer sur le devant de la scène. “Dans notre entourage proche, il y a aussi quelqu’un de très important : Jean-Maurice Bonneau (ancien sélectionneur des Bleus et chef de l’équipe championne du monde en 2002, puis artisan de la montée en puissance du Brésil, entre autres, ndlr). Il est un peu notre impresario ; il nous guide, nous calme dans nos moments d’excès, et arrive aussi à nous pousser, notamment sur la planification des compétitions et des entraînements. Il n’entraîne pas Laurent à proprement parler. Il est conscient que Laurent sait monter à cheval, mais il nous cadre et nous apporte son aide dans notre cohésion d’équipe”, reprend Karine. “Surtout, ce que nous adorons, c’est cette solidarité et l’amitié qui règne avec les autres cavaliers. Marco (Marc Dilasser, qui terminait deuxième, juste derrière Laurent Goffinet lors du dernier 5* de l’Hubside Jumping de Grimaud, ndlr) a été chez nous pendant des années. Lorsqu’il sort de piste et embrasse Laurent, c’est juste génial. Avec les autres propriétaires nous arrivons aussi à avoir des relations sympas, et tout le monde est content pour les autres. C’est le sport, mais nous sommes heureux pour celui qui gagne ! À Calgary, nous avons eu peur pour Atome (qui a lourdement glissé lors de la Coupe des nations, ndlr), et tout le monde était là, Kevin (Staut, ndlr), les autres propriétaires, etc. C’était vraiment chouette.”

Atome et Laurent à Calgary.

Avant de permettre à ses proches de s’envoler vers le Canada, puis de lever les bras à Grimaud, Atome a vu le jour chez Jean-François Batillat. Et le parcours de ce petit crack, lui-même issu des deux stars Mylord Carthago et Eve des Etisses, ne fait qu’embellir son heureuse épopée auprès du haras de Lacke. “L’histoire d’Atome est très jolie”, débute sa co-propriétaire. “Nous sommes allés à la vente aux enchères de l’élevage des Etisses (en 2010, une vente judiciaire y a été organisée, ndlr). Nous avons vu Monsieur Batillat triste, à l’idée qu’Eve des Etisses, la mère d’Atome, soit vendue. Nous avons alors décidé de l’acheter et de la laisser chez lui. Il pouvait ainsi garder sa jument, et nous avions convenu de se partager les poulains, une année sur deux. Finalement, Eve n’a jamais eu de produit (à l’exception de D’jazze de Lacke, un fils d’Utrillo vd Heffinck qui a vu le jour en 2013, ndlr). Pour nous remercier, il nous a vendu Atome et Aston (Mylord Carthago x Quidam de Revel, soit les mêmes père et grand-père qu’Atome, mais une mère différente, ndlr), qui a été vendu une première fois, puis cédé en Suisse pour une belle somme. Nous avons gardé Atome, qui a débuté sa carrière avec Clio Choukroun, notre cavalière jeunes chevaux de l’époque. À cinq ans, Atome est parti chez Laurent, puisque nous avons décelé un potentiel intéressant chez lui. Depuis, il n’a jamais quitté Laurent. Nous avons gardé Atome étalon, parce qu’il est d’une grande gentillesse. Il est facile à manipuler et reste un cheval tout à fait normal. Avec les origines dont il dispose, il n’y a rien à jeter. Nous avons commencé à l’utiliser à l’élevage il y a maintenant quatre ans. Nous allons donc bientôt voir ses produits sortir en concours. Cette année, nous en avons eu trois au haras de Lacke, avec des origines différentes. Nous en avons une de Delphi (Zurich x Lancelot), la deuxième jument que nous avons confiée à Laurent. Elle a évolué jusqu’à 1,50m et nous aidait à qualifier les autres chevaux pour les épreuves majeures. Quinette du Quesnoy, notre ancienne jument de Grand Prix (notamment troisième des Grands Prix 3* de Canteleu et 4* de Rouen, en 2014 et 2017, ndlr), a eu son troisième poulain d’Atome, et Quinine Platière (Dollar dela Pierre x Uriel), que Laurent et mon mari ont montée, et qui a fait jusqu’à 1,40m, a eu une pouliche.”

Une partie des petites mains qui oeuvre pour la réussite d'Atome, Laurent et le haras de Lacke.

Toute la sagesse et l’expertise de Laurent Goffinet et du haras de Lacke ont finalement payé et permis de transformer l’essai. Du statut de prometteur cheval de cinq ans, Atome est passé, à douze ans, à celui de gagnant au plus haut niveau et s’apprête à faire valoir toutes ses qualités de reproducteur.

[revivead zoneid=48][/revivead]

À Grimaud, une consécration espérée, mais inattendue

Pourtant, avant d’atteindre le graal, la route a été semée d’embûches pour le duo formé par l’étalon et l’ancien pilote du génial Flipper d’Elle. Après une courte, mais réussie, saison 2020, entamée par la pandémie de Covid-19, les deux complices montent en puissance en 2021, terminant deuxièmes du temps fort individuel du CSIO 5* de La Baule. S’ensuivent de belles Coupes des nations, en première division. Malheureusement, survient une désillusion totale à Aix-la-Chapelle, en juillet de cette même année. Pas question pour autant de baisser les bras. “Il ne faut surtout pas juger sur une contre-performance. Ok, Atome n’est pas passé dans certaines Coupes des nations. Il y a eu des choses compliquées cette année (en 2022, ndlr), mais cela n’a jamais remis en cause ni la valeur intrinsèque du cheval, ni celle de son cavalier. Les planètes n’étaient pas alignées", souligne Karine, dont l’optimisme et l’état d’esprit ont sans aucun doute permis à toute cette troupe de rebondir et de revenir plus fort. “Laurent savait que le cheval était super et allait bien. Il a prouvé que rien n’est impossible. Nous mettons tout en place pour que cela fonctionne, et nous en avons eu la preuve le week-end dernier.”

Laurent et Atome, en tête du tour d'honneur à Grimaud.

Avant la déconvenue imprévisible de Calgary, où il a frôlé le pire, Atome a connu un pépin de santé, qui a freiné sa progression en 2022. “Nous avons eu un moment de doute cette saison. Atome n’était pas au meilleur de sa forme, mais il était atteint par la douve (une maladie parasitaire qui touche le foie, ndlr). Ce n’est pas facile à diagnostiquer, donc cela a pris du temps”, révèle Karine. Finalement, sa victoire à Grimaud est une belle revanche sur la vie et une sacrée consécration. “Nous ne nous attendions pas du tout à cette victoire. Nous savons qu’Atome est un très bon cheval et que son cavalier fait partie des tous meilleurs. Nous nous attendions quand même à une performance, puisque nous sentions Laurent et le cheval vraiment très, très bien, mais qui ose dire ‘oui, je m’attendais à gagner ?’ (rires). Cette victoire est vraiment la cerise sur le gâteau, surtout en revenant de Calgary, où nous avons tous eu très peur. Cela aurait pu mal finir, mais nous avons la preuve qu’Atome est physiquement très, très solide. Nous avons fait un contrôle vétérinaire, tout allait bien, et trois semaines plus tard, bam ! Atome remporte son premier Grand Prix 5* et fait remporter son premier Grand Prix à Laurent. C’est juste fantastique”, savoure Karine.

[revivead zoneid=48][/revivead]

Absente physiquement, mais plus que présente mentalement, la co-propriétaire du bai raconte comment elle a vécu ce moment empli d’émotions : “Je n’étais pas sur place, puisque j’étais en compétition avec mon équipe de cavalier pour la finale du Grand Régional amateur en Normandie. Forcément, j’étais branchée sur le direct de l’Hubside et au téléphone avec Laurence, la co-propriétaire d’Atome, Laurent et toute l’équipe qui était sur place. Nous avons regardé le premier tour, et nous sommes appelés. Nous étions évidemment comme des dingues ! J’étais en train de faire la reconnaissance de l’Amateur Elite, quand je me suis arrêtée pour le barrage. Nous avons regardé le parcours d’Atome avec mon mari et toute mon équipe. Nous avons hurlé comme des malades et j’ai passé le reste de la journée en visio avec tout le monde présent à Grimaud. Nous avons pleuré tous ensemble, nous étions tous contents ; c’était très spécial.” À la fin du mois, tout le clan du haras de Lacke suivra attentivement le CSI 4* de Saint-Lô, où se rendront Laurent et Atome. Puis, Karine rêverait de voir ses deux protégés défiler en tête du tour d’honneur du Grand Prix du CSI 4* d’Equi Seine, à Rouen, qu’elle organise avec ses amis.

Et peu importe le résultat, les premiers fans de Laurent Goffinet et Atome des Etisses sauront profiter de chaque instant. “À chaque fois que nous vivons une grosse contre-performance, et où c’est violent pour tout le monde, je dis toujours qu’il faut relativiser, que personne n’est mort et que ce n’est pas gravissime. Sportivement, c’est dur, mais il faut replacer chaque chose. Quoi qu’il se passe avec Laurent, avec Atome ou Laurence, rien n’est jamais remis en question”, conclut Karine Boué. “Il est important de réaliser qu’il y a plus grave. Il faut continuer, encore et encore. Demain est un autre jour. Nous nous connaissons suffisamment, Laurent, Laurence et moi, et sommes tellement proches que nous ne nous mettons pas de pression. La pression, il y a la bonne et la mauvaise. La bonne, c’est de se dire ‘allez, fais toi plaisir’, mais nous n’avons rien à nous prouver.”

Crédit photo : © Sportfot. Photo à la Une : Atome des Etisses et Laurent Goffinet à la remise des prix.