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Arioto*du Gevres, un petit prince à la personnalité affirmée (2/2)

Sport mercredi 30 mars 2022 Mélina Massias

Après une excellente saison 2021, notamment marquée par un double sans-faute dans la Coupe des nations du mythique CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle, Arioto*du Gevres a repris le chemin des compétitions avec tout autant de brio en 2022. Il y a un peu plus d’une semaine, l’énergique bai, a remporté le Grand Prix 4* de Gorla Minore, sous la selle de son fidèle cavalier, Marc Dilasser. Véritable petit prince choyé par tous à de nombreuses raisons de laisser rêver son entourage : son pilote, bien-sûr, mais aussi sa groom, Romane Desdoits, et sa naisseuse et propriétaire, Marie Michèle Bastin, qui n’en est pas à son coup d’essai dans l’élevage.

La première partie de ce portrait est à (re)lire ici.

Connaissant très bien Marc Dilasser, pour lui avoir confié Siamoise Minotière (SF, Calvaro x Ithuriel), Marie-Michèle Bastin reconduit l’expérience avec sa nouvelle star, Arioto*du Gevres. “J’ai senti les capacités d’Arioto lorsqu’il était encore jeune. J’ai voulu le confier à un très bon cavalier, donc je suis allée vers Marc, qui était ravi”, complète Marie-Michèle. Et son cavalier ne la contredira pas ! “Monsieur et Madame Bastin m’avaient confié Siamoise Minotière, avec laquelle j’avais beaucoup gagné en 2*. Je m’étais également classé en Grands Prix 3*, notamment à Saint-Lô. Ils m’ont renouvelé leur confiance avec Arioto. Monsieur et Madame Bastin sont des gens très discrets, qui font de l’élevage depuis longtemps. Ce sont des éleveurs aguerris, qui ne font pas naître beaucoup de chevaux mais qui connaissent toujours de la réussite”, loue le Breton.

“Arioto était adorable. C’est moi qui l’ai fait naître et il a toujours été très gentil. Comme nous nous occupons nous-mêmes de nos poulains, ils sont très familiers. Arioto n’en restait pas moins un cheval avec beaucoup de sang et de l’autorité. Pour moi, les gagnants sont des chevaux qui ont du tempérament”, retrace l’éleveuse. “Arioto était droit, très agréable, et était indépendant par rapport aux autres. Il a été très facile à débourrer. Sous la selle, il s’est ensuite montré plus compliqué. Il fonçait un peu, était très sûr de lui. C’était lui le chef. Il avait beaucoup de tempérament, mais dans le bon sens du terme. Nous avons pris notre temps, et avec du travail, tout s’est bien passé. Avec les chevaux, il faut savoir attendre pour qu’ils nous donnent quelque chose en retour. C’est très important, tout comme la façon de vivre avec eux. Finalement, ils adorent avoir de l’attention.” 

Arioto est particulièrement à l'aise sur les grandes pistes, comme ici dans le magnifique écrin du CSIO de Rome. © Sportfot

Une progression constante

Dès le départ, Marc Dilasser est conquis par son nouveau partenaire, qui a toutefois une importante marge de progression, notamment pour canaliser son énergie débordante. “Quand il était jeune, Arioto était un fonceur. Il ne s’occupait pas de grand-chose et n’avait qu’une idée en tête : aller le plus vite possible”, résume le Tricolore de quarante-trois ans. “Il m’a tout de suite séduit puisque ses capacités étaient déjà incroyables. Cependant, il avait une idée bien à lui de la manière dont il voulait faire les choses. Il a fallu lui apprendre à prendre le temps. Ensuite, il a rapidement gagné des Grands Prix de sept ans et a été vice-champion de France dans cette catégorie d’âge. L’année suivante, j’ai disputé deux ou trois Grands Prix à 1,50m, desquels il a terminé en deuxième position. Il ne sort pas de nulle part et a toujours gagné.” De là à l’imaginer un jour affronter les plus belles pistes du monde ? “Je mentirais si je disais que j’ai tout de suite cru qu’il le ferait. Tant que les chevaux n’ont pas sauté 1,60m, il est difficile d’affirmer qu’ils en seront capables”, répond franchement Marc Dilasser. Malgré tout, le chevronné cavalier reste persuadé d’avoir entre les mains un excellent cheval, à minima capable de gagner au niveau 3*.

Arioto à Barcelone. © Scoopdyga

Une fois la machine lancée, les années se suivent et se ressemblent pour Arioto, qui ne cesse d’impressionner son monde. À neuf ans, le bai se classe dans plusieurs Grands Prix 4*. À Gorla Minore, d’abord, Arioto signe un double sans-faute et occupe le cinquième rang du classement final. Deux semaines plus tard, le bai récidive à l’Hubside Jumping de Grimaud et gagne deux places pour terminer troisième. Début juin, le couple s’offre un nouveau classement en terminant quatrième, toujours sur la côte d’Azur, puis enchaîne ses belles performances en prenant la huitième position de son premier Grand Prix 5*, sur la somptueuse piste de Dinard. À ces belles performances s’ajoute une victoire dans le Grand Prix 2* du Mans, en octobre. Chamboulée par la pandémie de Covid-19, l’année 2020 rime toujours avec réussite pour Arioto et son cavalier. “L’année a été compliquée, mais j’ai continué à lui faire prendre de l’expérience à Grimaud, où nous avons eu la chance d’avoir beaucoup de concours”, précise Marc Dilasser. Vainqueur du Grand Prix du Grand National FFE/AC-Print de Canteleu, Arioto double la mise en s’imposant dans le Grand Prix 3* d’Opglabbeek, disputé face à une sérieuse concurrence, à base de Denis Lynch, Christian Ahlmann, Henrik von Eckermann, Jérôme Guéry, Darragh Kenny et autres Scott Brash. “Tous les meilleurs étaient là”, analyse l’heureux lauréat.

Rome, Aix-la-Chapelle, Barcelone

De retour avec un calendrier plus normal, 2021 voit Arioto poursuivre sa montée en puissance. Troisième d’un Grand Prix 2* à Royan lors de sa reprise des compétitions, l’énergique bai est sélectionné pour représenter la France sur la magnifique place de Sienne de Rome. En Italie, le couple réussit un parcours parfait dans la seconde manche de la Coupe des nations. Après une victoire à 1,55m à Grimaud, les deux complices entrent dans le mythique stade de la Soers, à Aix-la-Chapelle, pour y arracher un salvateur double clear round, dans l’une des plus difficiles épreuves collectives de la planète. Le staff accorde une nouvelle fois sa confiance au duo, qui participe à la finale du circuit des Coupes des nations, à Barcelone, et déroule un parcours sans-faute aux obstacles le deuxième jour. Avec de telles performances, on aurait pu imaginer Marc Dilasser et Arioto défendre les couleurs de la bannière tricolore à Riesenbeck, aux championnats d’Europe Longines. “Nous avons peut-être manqué de régularité en début de saison, ce qui nous a éloigné d’une sélection en championnat. Nous n’étions pas encore suffisamment aguerris à ce moment-là, mais en fin de saison, Arioto a montré qu’il était capable de sauter les plus gros parcours, comme à Aix ou Barcelone. Nous avons marqué des points pour 2022”, relativise Marc Dilasser.

Arioto et Marc Dilasser dans la première manche de la Coupe des nations d'Aix-la-Chapelle.

Le secret de la réussite d’Arioto découle sans doute d’une gestion bien sentie de la part de son entourage. Son cavalier, Marc Dilasser, s’assure de toujours préserver son fidèle compagnon, en ne disputant jamais trop de parcours (trente-deux en 2021) et en alternant entre épreuves de très haut niveau et événement de niveau légèrement inférieur. “En accord avec ses propriétaires, nous avons vraiment préservé Arioto. Il a été très sollicité ces dernières années, et tout particulièrement fin 2021. Nous avons bien réfléchi et cette solution est apparue comme la meilleure”, explique Marc Dilasser. “Monsieur et Madame Bastin veulent vraiment profiter et se faire plaisir avec leur cheval. Je les en remercie de tout cœur. Ils acceptent de faire de gros sacrifices et sont passionnés par les chevaux. L’histoire est encore plus belle pour eux puisqu’ils ont fait naître Arioto.” Il est en effet important de souligner le dévouement de la famille Bastin, qui, en plus d’être propriétaire d'Arioto, a surtout fait naître cet attachant cheval. Une belle histoire, rare à un tel niveau sportif, où les offres d’achat ne doivent pas manquer.

“Comme je suis d’un âge où je ne peux plus monter à cheval, nous voyageons avec Marc. Nous allons partout où nous le pouvons en Europe. C’est formidable, un vrai bonheur ! L’année dernière, nous avons vécu de fabuleux moments”, s’enthousiasme l’éleveuse avec une passion intacte. “Nous nous entendons très bien avec Marc, qui est un garçon très droit. Nous sommes en pleine confiance, autant avec lui qu’avec toute son équipe, qui est super. Je lui dis toujours de prendre son temps et d’aller doucement. Marc est d’ailleurs très ouvert et nous pouvons aisément échanger avec lui sur la carrière d’Arioto. Nous avons une bonne ligne de conduite.”

Arioto à Aix-la-Chapelle, entourée de Marc Dilasser, Marie-Michèle Bastin et Romane Desdoits. © Collection privée.

Une personnalité haute en couleurs

Pour faire d’un cheval un grand champion, il faut souvent une personnalité singulière, affirmée et une grande dose de détermination. Arioto n’échappe pas à la règle. “C’est le petit prince de l’écurie, il fait ce qu’il veut”, sourit Marc Dilasser. “Il est très indépendant, même s’il est très proche de Romane, sa groom, et de moi. Après, Arioto mène sa vie. C’est à nous de nous adapter à lui, et non l’inverse. C’est assez rigolo. Il est extrêmement attachant de par sa personnalité. [...] Je pèse tous mes chevaux avant de partir en concours et à notre retour. Forcément, avec les transports, ils peuvent perdre un tout petit peu de poids. Arioto, lui, est tout à fait capable de rentrer après avoir fait beaucoup de route avec deux kilos supplémentaires ! Il est comme un poney.” Et Romane Desdoits de compléter : “Il a un fort caractère et est assez indépendant. Il est très gourmand : il adore les carottes, les bonbons, etc. Il n’est pas particulièrement câlin, donc c’est lui qui décide lorsqu’il en veut. C’est un vrai prince ! Il va au paddock et est très heureux. Nous n’avons jamais le temps de nous ennuyer avec lui. Il lui arrive même de faire des bêtises, car il est très joueur, mais il a un peu tous les droits.” Marie-Michèle Bastin ne manque pas non plus d’anecdotes sur son petit prince. “Partout où il va en concours, il fait des siestes. Et on n’entend ronfler que lui dans l’écurie ! Il ronfle vraiment comme un sonneur. Je n’avais jamais vu ça parmi tous les chevaux que j’ai pu avoir”, plaisante l’éleveuse. “Il est vraiment bien dans ses bottes. Il sait se relâcher et connaît ses temps de repos et d’action. Cela lui permet de bien récupérer. S’il est plus tranquille au box, une fois en piste, il sait pourquoi il est là. Quand il voit les obstacles, il y va. Il aime sauter et a un tempérament de gagneur.”

Arioto et Romane Desdoits. © Sporfot

Bref, Arioto a conquis tout son monde, de son cavalier, à sa groom, en passant par ses propriétaires et le public. À douze ans, le bai semble être au début de son apogée. Sans modestie, tout l’entourage du talentueux Selle Français peut nourrir de grands rêves pour le futur. “Nos objectifs vont être de maintenir Arioto à ce niveau-là. Je pense que cela lui a fait beaucoup de bien de refaire quelques CSI 3*. Il devrait sauter le 5* de Grimaud, puis j’espère pouvoir aller à La Baule”, se projette Marc Dilasser. Dans sa quête de performances, le Breton pourra toujours compter sur le soutien de Marie-Michèle Bastin, qui espère continuer à vivre de belles aventures. “L’élevage est une vraie vocation. Nous allons essayer d’aller le plus loin possible et de faire naître d’autres bons poulains. C’est un plaisir. Il y a eu des privations et des échecs, mais nous savons les assumer et rebondir. Il faut aller de l’avant. C’est dans mon caractère aussi : je suis comme Arioto ! Je ne me laisse pas abattre”, glisse la dynamique éleveuse, qui peut aussi compter sur les frères et sœurs utérins d’Arioto, dont Bianca Star (Quick Star), Evisa, une propre sœur du crack qui a donné plusieurs produits à l’élevage, mais aussi le tout jeune Lafayette (Chacco-Blue), dernier produit de la vaillante Kim de Dampierre. Citons également Fogata (Diamant de Semilly), Guido (Montender) ou encore Hugo du Gevres, tous indicés en jumping. Avec Arioto, ou l'un de ses cadets, Marie-Michèle Bastin aimerait bien revivre la même épopée que celle offerte par son premier protégé… “Cela va dépendre de la suite de la carrière d’Arioto, mais nous sommes comme tout le monde : nous voulons toujours aller plus haut”, avoue l’éleveuse. “Arioto pourrait être notre deuxième La Fayette, on ne sait pas ! Pour la France comme pour nous, ce serait bien.”

Photo à la Une : Marc Dilasser et Arioto*du Gevres. © Sportfot