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Rodrigo Pessoa : au passé, au présent et au futur ...

Interviews mercredi 10 novembre 2010
Rodrigo Pessoa
Rolex Pit Crew C'est dans la grisaille et sous une fine pluie typique à la Belgique que Rodrigo Pessoa et Rolex avaient réuni la presse pour une visite guidée du haras de Ligny. Le cavalier brésilien aura exposé ses installations dans les détails : grooms, cavaliers, vétérinaire, maréchal ferrant. Tout le monde aura été passé au crible. La réussite de l'actuel 16 ème mondial réside en un mot : l'organisation ! « C'est un sport individuel mais qui ne peut exister que grâce à une équipe derrière soi. » argumentera le médaillé en chocolat de Lexington.

Après chaque concours, chaque cheval aura droit à un check up complet. Le but est simple : la prévention ! Tenter d'avoir des chevaux blessés le moins souvent possible et le moins longtemps possible.

Piste extérieure, manège couvert, tapis roulant, piste de trotting avec de légers dévers, paddock : tout est réuni pour que les chevaux puissent arriver au concours en forme optimale.

Après sa 4 ème place à Lexington avec Rebozzo, Rodrigo Pessoa a enchaîné par une victoire en Coupe du monde à Harrisburg puis une 5 ème place dans la Coupe du monde de Washington avec Ashley. Ses deux maîtres achats de la saison. « Il y a maintenant 5 ans que je travaille avec monsieur Harrisson. Sans propriétaire, ce n'est pas possible d'être n°1, n°20 … ni même n°100 dans la ranking ! Lorsque nous nous sommes rencontrés, il n'avait pas de cavalier et je n'avais pas de chevaux. L'an dernier, lorsqu'il a arrêté de travailler avec Darragh Kerrins, j'ai récupéré ses deux chevaux : Night Train et Carlsson vom Dach mais je me suis vite rendu compte que ce dernier n'avait plus les capacités pour revenir au plus haut niveau et lorsque nous avons vu Rebozo sauter un jour dans un concours, nous avons directement conclu un accord et nous avons remis Carlsson dans le commerce. Je n'ai même pas essayé Rebozo, cela s'est passé très vite. Nous avons tout de suite conclu l'affaire et cela a bien marché. Ensuite, plus tard dans la saison, nous avons acheté Ashley chez Jos Lansink et à ce moment-là s'est posée la question de savoir si nous ne devrions pas vendre un des autres chevaux. Night Train était le cheval de tête de son cavalier. Il a investi beaucoup d'énergie avec lui et il a effectué un incroyable championnat d'Europe. Lorsque je l'ai monté, c'était un bon cheval et nous avons gagné une Coupe du monde … mais lorsque j'ai dit à monsieur Harrison que j'avais du mal à l'imaginer comme étant un cheval de championnat avec moi, il m'a donné carte blanche même si c'était son cheval préféré et quand Denis Lynch s'y est intéressé pour la fille de son propriétaire, nous l'avons vendu. Tout simplement. Mr Harrison comprend tout à fait le sport. C'est quelqu'un de très enthousiaste et qui aime gagner. Il est évidemment heureux lorsque je l'appelle après le concours pour lui dire que tout s'est bien passé mais si je lui dis que j'ai fait une, deux ou trois barres ou même qu'un cheval s'est blessé, il le comprend très bien et demande ce que l'on peut faire pour s'améliorer. C'est quelqu'un de très ouvert. Par contre, ce n'est pas quelqu'un de très patient. Nous avons quelques projets à plus long terme mais il les a dans un coin de sa tête. Il m'a toujours dit qu'il préférait mettre un 0 de plus et acheter un cheval prêt à évoluer au plus haut niveau dans quelques semaines ou quelques mois comme ce fut le cas avec Ashley ou Rebozo qu'investir dans un cheval de 5 ans et attendre pendant 4 ans ! Je n'ai que 5 chevaux à lui dans mes écuries mais ce sont 5 chevaux pour le plus haut niveau et qui sont vraiment formidables. Il n'y a pas de contrat, juste une confiance mutuelle. » Toujours aussi impliqué dans l'évolution de notre sport, Rodrigo Pessoa est heureux de voir le saut d'obstacle se mondialiser comme on a pu le constater lors des derniers JEM de Lexington. « Je pense que c'est une bonne chose. Cela dynamise notre sport. Depuis plusieurs années, ces nations investissent dans de bons chevaux et de bons professeurs. C'est bon pour tout le monde, que ce soit le commerce, les éleveurs car l'on va vendre plus de chevaux, les concours… tout le monde a à y gagner. Peut-être que d'ici quelques années, nous aurons des Grand Prix offrants plusieurs millions d'euros au vainqueur au Qatar ou en Azerbaïdjan… qui sait ? Nous devons être stricts dans les règlements mais nous devons aussi être réalistes. Lorsque l'on voit l'équipe ukrainienne, Gregory Wathelet n'a pas facile de retrouver une place au sein de l'équipe belge et Bjorn Nagel n'aurait aucune chance d'avoir sa place en Allemagne alors qu'aujourd'hui, il est cavalier et participe aux championnats. C'est une bonne chose même s'il faut mettre des règles strictes. Aujourd'hui, le sport devient de plus en plus professionnel. Pas seulement les concours en eux-mêmes mais également toute la préparation qu'il y a autour. Tout est de plus en plus pointu et de plus en plus précis, avoir un bon cheval ne suffit plus. Toutes ces choses font que de plus en plus de personnes peuvent désormais avoir la chance de bien performer lors d'un championnat. Aujourd'hui, il y a 20 cavaliers qui pourraient être numéro un mondial et il faut se battre pour être dans ces positions et quoi que vous fassiez, si vous voulez bien le faire, vous devez toujours faire des efforts. Pour ma part, cette année, j'ai voyagé entre la 10 ème et la 20 ème place car j'ai eu plusieurs soucis dans mon écurie et je n'ai jamais pu compter sur l'entièreté de mon piquet. Aujourd'hui, avec les points que j'ai pris depuis les championnats du monde, j'espère néanmoins pouvoir faire partie du Top Ten à Genève et lorsqu'on est tout près comme cela, on est prêt à faire un petit effort supplémentaire car on a vraiment envie d'y participer même si le Rolex Ranking n'est pas un but en soi pour moi. J'aime la compétition et je veux y participer seulement lorsque je suis compétitif. Participer à de petits concours n'a pour moi aucun intérêt, seul le haut niveau m'intéresse. Je travaille uniquement pour vivre des moments comme nous en avons vécu durant une semaine au Kentucky. Ce sont des moments vraiment spéciaux et il faut trouver la motivation semaine après semaine durant toute l'année pour se préparer pour un tel évènement. Ce n'est pas possible de se réveiller à deux mois d'un championnat, cela ne fonctionne pas. » Un évènement qui ne manquera pas d'être planifié au calendrier des écuries Pessoa est sans aucun conteste les Jeux Olympiques de 2016 à Rio. « Les Jeux Olympiques sont toujours quelque chose de positif dans un pays. Nous ne pouvons qu'espérer qu'ils fassent les choses dans un bon sens. Pour ma part, cela se passera dans ma ville d'origine à Rio et j'espère que cela va amener beaucoup de bonnes choses à cette ville. Pour notre sport, je pense que c'est un privilège de pouvoir organiser un tel championnat. Les Jeux Panaméricains y avaient déjà été organisés en 2007 avec un bon résultat à la clé. Evidemment, tout est plus grand mais j'espère que le Brésil et tous les gens qui y travaillent seront capables de réaliser un bel évènement. Nous étions en face de candidatures solides comme Tokyo, Chicago … qui avaient également un gros potentiel mais le Brésil l'a obtenu et nous en sommes très fiers. Ce sera évidemment fantastique de pouvoir concourir les JO devant son propre public au moins une fois dans sa vie. » Réaliste, l'enfant star de l'équitation vit aujourd'hui une vie d'homme épanoui. « Avec les années qui passent, je me rends compte que j'ai eu énormément de chance dans ma vie avec une équipe fantastique autour de moi. J'ai aujourd'hui une carrière déjà assez longue et assez réussie en 23 ans de métier. Finalement, les mauvais moments et les moments difficiles ont été surmontés  grâce aux gens qui m'entourent et ce que je retiens en premier, c'est la chance que j'ai eue. A la fin, toutes les mésaventures que j'ai rencontrées ont été positives. L'âge nous aide à vivre ces situations difficiles, alors que plus jeune, on est vite frustré lorsqu'on a une barre à terre dans le Grand Prix. Quand on a plus de métier, on comprend cela. Personnellement, j'ai eu quelques expériences mauvaises et parfois assez brutales comme la finale de Coupe du monde en 2006, les jeux olympiques en 2000 … mais à la fin, cela m'a permis de devenir une meilleure personne et quelqu'un de plus fort. En réussissant à passer au-dessus de ces mauvaises choses, cela permet d'apprécier encore plus les bonnes choses et les bons moments de la vie. Vous apprenez à mieux savourer les bons jours, qui sont des jours vraiment spéciaux car vous savez à quel point il est difficile d'être au top. Ces moments prennent alors une grande importance. » Une philosophie acquise auprès de son père. Après avoir transmis son savoir et aidé son fils à atteindre le plus haut niveau, Nelson Pessoa reste en effet, à 74 ans, une clé essentielle de l'équipe. « Il représente la pièce la plus importante du puzzle. Au début, il m'a amené son expérience et a été capable de mettre sa propre carrière en retrait pour me permettre de venir sur le devant de la scène quand il a réalisé que j'avais les possibilités de le faire. Mais pour cela, il devait faire un pas en arrière pour mettre une autre personne en place et peu de gens en sont capables. On pense que c'est facile pour un père de faire cela pour un fils ou pour une fille, mais ce n'est pas facile et il l'a fait sans que personne ne demande quoi que ce soit. Il a été sans conteste la personne la plus importante de ma carrière. Aujourd'hui, les choses sont évidemment différentes par rapport au début. J'ai plus d'expérience et je fais beaucoup de choses par automatisme : savoir comment je vais faire dans certaines situations, aller essayer un cheval et savoir s'il est bon pour moi ou non, je peux le faire de moi-même … mais nous avons toujours énormément de contact. Même si nous avons chacun nos occupations de notre côté, si nous ne nous voyons pas, nous nous appelons 4,5, 6 fois sur une journée. Légende photo : Aujourd'hui, chacun a ses activités : pendant que Rodrigo répond aux journalistes, Neco entraîne ses élèves comme ici Caio Carvalho, cavalier de Bernardo Alves, qui prépare le retour d'Ionesco de Brekka à la compétition. Mais même si j'ai aujourd'hui beaucoup d'expérience, réussir à rattraper toutes ses connaissances est quelque chose de vraiment difficile car il continue toujours à avancer. Par contre, je pense que si j'ai réussi à avoir un tel palmarès, c'est que contrairement à mes adversaires : nous étions deux ! Marcus Ehning est seul, Ludger Beerbaum est seul, nous nous avions deux têtes qui pensaient au même problème. Aujourd'hui, lorsqu'on prend l'exemple de la finale tournante, je pense que je pourrais la faire sans lui mais ce sont des moments que nous aimons partager ensemble même si ce n'était pas un bon moment, mais nous partageons tout ensemble. S'il n'était pas là, je demanderai à quelqu'un d'autre mais autrement, je veux vraiment qu'il soit à mes côtés. Nous avons tous les deux des goûts différents, et de ce fait lorsque nous regardons un cheval, nous le regardons différemment. Le point que nous avons en commun, c'est que nous voulons vraiment donner une chance au cheval mais après ça, nos opinions peuvent diverger même si la plupart du temps, nos avis sont très proches. Il a peut-être plus de patience que moi et donnera au cheval une plus grande chance que moi, qui serai plus radical et jugerai le cheval plus vite alors que lui persistera plus longtemps. L'exemple qui restera sera évidemment Baloubet. Au début, je n'ai jamais cru qu'il pourrait devenir spécial à ce point. On pouvait voir le potentiel mais lui a vu au-delà et grâce à cela et à beaucoup d'autres facteurs, il est devenu le cheval que l'on a connu. » Pour l'avenir, Rodrigo Pessoa reste prudent, préférant voir comment les choses se présenteront. « Si on m'avait demandé quel cheval j'allais monter à Lexington au mois de février, je n'aurais pas pu répondre. Rufus s'était blessé, nous venions d'acheter Rebozo et je montais Night Train mais n'avais pas un très bon feeling avec lui … et finalement ce n'est qu'en juillet - août que nous avons opté pour Rebozo. Pour l'année prochaine, je n'ai aucune idée du cheval que je monterai aux jeux panaméricains, c'est impossible de planifier autant à l'avance : peut-être Ashley, peut-être Let's Fly ou peut-être même un cheval que je ne connais pas encore ! C'est la beauté et la difficulté de notre sport de réussir à avoir une idée du plan à adopter pour emmener tel ou tel cheval vers telle ou telle échéance. C'est évidemment un problème de luxe d'avoir un tel choix. J'ai déjà eu ce problème en 2000 où j'avais le choix entre Lianos et Baloubet du Rouet qui avaient tous les deux gagnés énormément. Il est certain qu'actuellement, je n'ai pas un autre Baloubet et je n'en aurai peut-être plus dans ma vie, mais Lianos était aussi un cheval très consistant dans un style très différent. Avec Baloubet, je savais qu'il pouvait s'arrêter sur l'eau mais que s'il était dans un bon jour, quasiment rien ne pouvait lui arriver alors que pour Lianos, un stop était impossible … mais on pouvait sortir de pistes avec plus de fautes. C'était un choix difficile et malgré ce qui s'est passé, je ne changerai rien puisque deux semaines avant, j'avais remporté le masters de Calgary avec Lianos. Une fois que l'on fait un choix, il faut vivre avec. Lorsqu'on a qu'un seul cheval, on n'a pas le choix. C'est un luxe d'en avoir deux … mais c'est aussi un problème, Mais je préfère avoir celui-là que de devoir tout miser sur un seul cheval et lorsque quelque chose arrive, vous êtes dehors comme cela m'est arrivé en 2006. Baloubet était en grande forme et quelques jours avant le championnat du monde d'Aix la Chapelle, j'ai sauté quelques petits obstacles d'un mètre vingt maximum … et il s'est blessé ! Comme je n'avais pas un autre cheval au niveau, je n'ai pas pu participer aux WEG. » En ce qui concerne son futur proche, depuis les histoires de dopage qui ont frappé plusieurs cavaliers dont le Brésilien lors des Jeux Olympiques de Hong-Kong, Rodrigo Pessoa n'a plus participé à un seul concours en Allemagne, suite à la manière dont la fédération allemande a traité ses cavaliers. Néanmoins la finale de la Coupe du monde 2010-2011 se déroulera à Leipzig, un objectif pour l'actuel 16 ème mondial ? « Je pense que les choses concernant le dopage et tout cela évoluent de manière positive. Les gens sont plus éduqués à propos de ce sujet et je pense que d'ici avril, tout sera de nouveau bien en Allemagne. Les choses se seront calmées et si je réussis à me qualifier, j'aimerais aller à Leipzig, qui est mon prochain objectif. » clôturera Rodrigo Pessoa.