“Le destin gâché de Beau Gosse du Park reste un regret pour moi”, Corinne Accary (2/2)
Destiné à briller, par son look, ses origines et ses qualités intrinsèques, le bien nommé Beau Gosse du Park a vu la vie s’acharner sur son sort. Son éleveuse et propriétaire de toujours, Corinne Accary, a pourtant fait de son mieux pour lui donner les meilleures chances possibles. Les mille et une épreuves traversées par le charismatique bai brun, et qui ont forcément affecté ses réussites sportives, témoignent de sa résilience et de son courage. Regrettant que son protégé, passé sous les selles expertes de Yannick Guillot, Valentin Besnard, Grégory Wathelet et Nicolas Layec, ait parfois été trop vite catalogué, Corinne Accary revient sur son éprouvant itinéraire.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Beau Gosse, un guerrier comme aucun autre
Après une mise en jambes à Opglabbeek en juin 2022, Beau Gosse du Park file à Aix-la-Chapelle avec son nouveau cavalier, Grégory Wathelet, dans le but de prendre de l’expérience sur les épreuves intermédiaires. Le néo-duo décroche deux classements, à 1,50 et 1,55m, laissant augurer de très bonnes choses pour la suite de la saison. Rendez-vous est alors pris à Dinard, trois semaines plus tard. Mais patatras. Le malheur rattrape le fils de Quincy. “En arrivant à Dinard, Beau Gosse n’était pas bien. Il était en train de faire une nouvelle hernie, sur son testicule restant. Pourtant, j’avais pris mes précautions en 2019 en faisant réaliser une hernioplastie, afin de préserver ce testicule et éviter les risques de récidive ! Beau Gosse est alors parti en urgence à la clinique de Saint-Lô, où il a été extrêmement bien opéré par le Docteur Boris Poutas. Il a fait un travail formidable, car Beau Gosse était dans un état plus que critique”, narre Corinne Accary. Cet été là, la chaleur est accablante. Et non pas une, mais deux complications viennent s’ajouter au tableau. Le bai brun fait une “petite rechute de colique”, couplée à une infection des plaies de sa seconde opération pour hernie inguinale ! “Le Docteur Poutas ayant bien mérité de prendre des vacances, Beau Gosse est parti à la clinique de Livet qui s’est aussi très bien occupée de lui. Pourtant, j’ai eu froid dans le dos. La colique a été prise en charge sans problème, mais si une opération avait été nécessaire, elle aurait été vouée à l’échec : la septicémie était assurée. Le mois d’août a été très, très long. Cela m’a coûté une fortune, mais Beau Gosse s’en est une nouvelle fois sorti”, respire sa fan de la première heure. “L’an dernier, j’ai recroisé le chirurgien qui s’est occupé de Beau Gosse à ce moment-là. Il m’a demandé des nouvelles et m’a dit que je ne pouvais pas imaginer à quel point il avait souffert. Ce cheval est tout sauf rétif : c’est un guerrier ! Il aurait dû mourir deux fois ! Avec tout ce qu’il a subi depuis l’âge de cinq ans, beaucoup de chevaux n’auraient jamais ressauté un parcours à sa place.”

Pour Corinne Accary, Beau Gosse du Park était encore meilleur que l'excellent Diabolo du Parc II. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Ce nouveau coup du sort perturbe l’équilibre émotionnel du sensible Selle Français, qui peine à retrouver son brillant d'antan en 2023 et connaît une saison compliquée. D’un commun accord, Corinne Accary et Grégory Wathelet décident de le laisser souffler à partir de juillet, afin de lui permettre de retrouver ses repères. Début 2024, l’aventure se poursuit outre-Atlantique, à Thermal, où la paire se classe sixième d’un Grand Prix 2*. Petit à petit, l’attachant Beau Gosse retrouve ses moyens. Il saute au CSI 5* de Windsor puis à l’Officiel d’Italie, dont il repart à chaque fois avec au moins un classement à 1,55m. S’ensuit le Longines Global Champions Tour de Paris, où le bai brun dispute enfin le deuxième Grand Prix 5* de sa carrière. Une faute le relègue aux portes du classement, mais il prend sa revanche à Monaco, en terminant huitième de l’épreuve qualificative pour l’épreuve reine du CSI 5*. “Beau Gosse a réalisé une saison 2024 correcte. Nous pensions que tout était reparti dans le bon sens”, souffle Corinne, qui voit son protégé enchaîner trois éliminations, dans le Grand Prix de Monaco puis au CSI 3* de Dinard, où il obtient malgré tout une huitième place dans une Vitesse à 1,50m. “Beau Gosse a à nouveau cessé de coopérer… Compte tenu de son passé, je pense qu’il a vraiment peur d’avoir mal quelque part”, regrette sa naisseuse et propriétaire.

Avec Grégory Wathelet, Beau Gosse du Park a foulé plusieurs pistes 5* et décroché de bons classements. © Sportfot
Après ce revers, elle se tourne à nouveau vers Bruno Rocuet et Beau Gosse passe sous la selle de Nicolas Layec, avec qui il achève l’année 2024 sans coup d’éclat. En 2025, la paire reprend la compétition sur le tard, glane quelques flots, avant que le sort ne s’acharne une énième fois. “Beau Gosse et Nicolas s’accordaient plutôt bien, mais, début juillet, à Chantilly, j’ai senti que mon cheval ne sautait pas comme à son habitude. Il a concédé quatre fautes, ce qui ne lui ressemble pas du tout, mais il faisait très chaud ce jour-là, ce qui a pu jouer aussi. Il n’est pas ressorti de l’été car le programme des concours ne lui convenait pas. À Saint-Tropez, fin septembre, il n’était à nouveau pas au meilleur de sa forme et le verdict est tombé… Une atteinte tendineuse. Pourtant, il ne boitait pas et ne montrait pas de signes flagrants. Mais il y avait bien quelque chose qui le gênait. C’est tout bête, mais cela le contraint à rester au repos longtemps. Il est rentré à la maison et je vais tout faire pour qu’il puisse retravailler confortablement un jour ou bien vivre une belle retraite”, encaisse Corinne.
Depuis l'été 2024, Beau Gosse du Park était associé à Nicolas Layec. © Sportfot
Un cruel manque de chance
Même le scénariste le plus inventif d’Hollywood n’aurait pas songé à infliger autant d’épreuves à son héros. D’une faute professionnelle, à une récidive de hernie inguinale aux chances infimes, qui plus est après une opération pour l’éviter, la chance n’a jamais été du côté du charismatique fils de Quincy. “La technique utilisée pour les hernioplasties a été améliorée en 2020… quelque mois après celle effectuée sur Beau Gosse ! Il a été tellement malchanceux ! Rien n’a joué en sa faveur. Finalement, il a plutôt un bon mental, car il est retourné au feu à chaque fois. C’est tellement dommage que sa carrière ait été gâchée de la sorte, par l’incompétence d’un professionnel ! Il y a des gens plus ou moins consciencieux et il est tombé sur la mauvaise personne. Je ne sais pas si beaucoup de chevaux ont un aussi mauvais karma que lui…”, complète Corinne, qui souligne quand même un brin de positif dans cette série noire. “Dans toutes les écuries par lesquelles Beau Gosse est passé, tout le monde s’est toujours très bien occupé de lui. S’il est plutôt dominant avec les autres chevaux, il est adorable et l’a toujours été avec les gens. Pauline Paris, la compagne de Valentin Besnard, était amoureuse de Beau Gosse. Elle s’en est, elle aussi, merveilleusement bien occupé, tout comme la groom de Nicolas Layec. Lorsqu’il était entier, on pouvait déjà faire tout ce qu’on voulait avec lui ; depuis qu’il est hongre, c’est un véritable agneau.”

À pied, Beau Gosse du Park est vrai gentil. © Sportfot
Si Corinne a aujourd’hui accepté, bon gré mal gré, le destin de son grand espoir, une pointe de déception reste évidemment présente, rappelant les sacrifices et les tourments que peuvent traverser, bien souvent dans l’ombre, les éleveurs. “Le destin de Beau Gosse reste quand même un regret pour moi. Je pensais honnêtement que ce cheval était un crack parmi les cracks. Je le voyais meilleur que Diabolo”, avoue la Bretonne d’adoption. “Il n’a jamais été à cent pour cent et a tout de même obtenu quelques beaux résultats. Je ne sais même pas s’il était à soixante-dix pour cent de ce qu’il pouvait faire. J’espère pouvoir faire passer un message à travers l’histoire de Beau Gosse : quand on connaît bien ses chevaux, il ne faut jamais hésiter à aller au bout des choses et à écouter son intuition. On a mis deux ans à élucider le premier problème, mais j’avais raison : quelque chose clochait.”

"Je pense que Beau Gosse était un crack parmi les cracks", assure son éleveuse et propriétaire. © Pixels Events
En attendant que le combatif Beau Gosse surmonte cette nouvelle épreuve et achève sa longue convalescence, l’histoire continue de s’écrire, avec ses sœurs et frères, d’abord, et avec sa descendance, encore confidentielle. “J’ai deux propres frères et deux propres sœurs de Beau Gosse. La première est une D, que j’ai conservée comme poulinière dès le départ. Elle a l’air de produire plutôt bien, mais ses poulains sont encore jeunes et il ne faut pas oublier que ma lignée est très tardive. De fait, mes chevaux commencent à vraiment montrer des choses aux alentours de six ans. Je pense avoir deux très bons fils de Qlassic Bois Margot avec cette jument-là. L’Homme du Park, quatre ans, est quant à lui dans les écuries de Brice Maubert. Il ne ressemble pas du tout à Beau Gosse physiquement : il est plus petit, plus trapu et il me fait beaucoup penser à Diabolo, avec une meilleure technique d’antérieurs. C’est un lion sur les barres ! Je crois qu’il a tapé dans l'œil de pas mal de gens. Mais, comme son frère, il a fait une hernie inguinale ! Il paraît que c’est très rare que cela arrive à quatre ans. D’ailleurs, par précaution, je comptais lui faire faire une hernioplastie cet hiver, comme me l’avait conseillé le vétérinaire qui avait réalisé l’opération sur Beau Gosse il y a quelques années. Heureusement pour L’Homme, il a été pris en charge très rapidement et tout est rentré dans l’ordre. Il a gardé ses deux testicules et l’hernioplastie a été réalisée avec succès. Oh Bel Homme du Park, le petit frère de dix-huit mois, quant à lui, est le portrait craché de Beau Gosse, en plus petit. Je pense qu’il toisera autour d’1,68m. Dans le caractère il ressemble aussi à Beau Gosse : rien ne l’émeut et il est très cool. Et j’ai également Nina du Park, une femelle de deux ans. Malheureusement, leur mère, Rita, vieillit et je suis obligée de la faire remplir en frais. Il n’y aura donc plus de croisement avec Quaprice. Je ne désespère toutefois pas d’avoir un très bon étalon parmi les deux jeunes ! D’ailleurs, Si j’ai un autre étalon, il ne restera en aucun cas dans ma région. Je préfère l’envoyer en Normandie, afin d’être au plus près de toutes les bonnes cliniques et de mettre toutes les chances de notre côté en cas de nouvelle malchance !”, développe l’éleveuse.
La relève : L'Homme du Park, propre frère de Beau Gosse. © Collection privée
Une revanche à l’élevage ?
En attendant que L’Homme et Oh Bel Homme poursuivent tranquillement leur évolution, Beau Gosse lui, devrait être rendu disponible dès l’an prochain pour les éleveurs. Mais le nombre de paillettes reste très limité, Corinne n’ayant pas eu la chance de le faire prélever avant sa castration définitive, en 2022. “Je voulais l’envoyer à la congélation juste avant Dinard, durant l’été 2022… Mais il commençait à vraiment bien performer et nous avions préféré attendre l’hiver. Finalement, nous n’aurons pas eu le temps de le faire, et comme je voulais préserver son physique un maximum, il n’a été que très peu prélevé avant cela. Ses premiers produits sont tardifs, comme toute sa lignée maternelle, mais ils ont l’air de sortir de l’ordinaire”, sourit-elle. “Pour l’heure, il n’a qu’une trentaine de poulains.” Les premiers d’entre eux ont vu le jour en 2017. Hexcel du Park fait partie de cette génération : il a obtenu un ISO 115 en 2022 après avoir signé quelques sans-faute en Cycle Classique cinq ans et avant de passer sous selle amateur. Sa conscrite, Hayade de Mazeroy permet, elle, à son cavalier de disputer et gagner ses premiers Grands Prix Pro 2 à 1,35m, tandis qu’Irondelle Kerbouard, sept ans, concourt désormais à 1,25m après avoir signé deux très bonnes premières années de formation sur le Cycle Classique, à quatre et cinq ans. En tout, seuls cinq des trente-quatre produits de Beau Gosse enregistrés au SIRE sont âgés de sept ans ou plus.

S'ils sont encore peu nombreux et jeunes, les produits de Beau Gosse du Park semblent avoir hérité d'au moins quelques unes de ses qualités. © Sportfot
“Paul Schockemöhle avait remarqué Beau Gosse il y a quelques années et m’avait acheté des paillettes. J’espère qu’il a rempli quelques bonnes juments avec lui et qu’il aura de bons poulains. Nous le saurons un peu plus tard. Je vais commercialiser quelques paillettes l’an prochain, tout en en gardant quelques unes pour moi. Même si je ne peux pas mettre beaucoup de juments à Beau Gosse, puisque tous mes chevaux sont issus de la même lignée, je fais un peu de consanguinité malgré tout. Je pense proposer des contrats à la paillette pour économiser le stock, tout en offrant un report sur Hollywood du Park ou sur L’Homme du Park - s’il vient à être approuvé et congelé - en cas de problème”, imagine Corinne Accary. “Dans mes écuries, j’ai une très bonne fille de Beau Gosse, et un fils qui va, je crois, être vraiment pas mal aussi. Je connais quelques personnes dont on devrait aussi voir les poulains l’année prochaine.” Depuis 2022, plus aucune jument n’a été mariée au bai brun, dont la génération la plus nombreuse, avec treize représentants, est née en 2023.

Le séduisant Beau Gosse du Park au modèle. © Collection privée
À quatorze ans et avec cette carte encore inexplorée, Beau Gosse du Park a l’occasion de prendre sa revanche sur un destin semé d’embûches, que lui et son éleveuse ont toutes surmontées avec courage. “Entendre que Beau Gosse est un cheval rétif me fait mal au cœur. On n’a pas idée de ce par quoi il est passé. Il a eu une vie pas facile et ne méritait pas cela. Durant toute la procédure judiciaire, il y a eu une forme d’irrespect et Beau Gosse a été dénigré. En réalité, il s’agit d’un cheval extrêmement gentil. J’aurais aimé qu’il finisse sa carrière sportive sur une belle note, sur de beaux concours”, regrette Corinne Accary. “Désormais, tout se fera à son rythme et nous verrons ce que l’avenir lui réserve cette fois. Je serai heureuse qu’il puisse au moins avoir une belle descendance.”

Avant d'envisager un potentiel retour sportif, Beau Gosse du Park se concentre sur sa rééducation, en attendant que ses premiers poulains ne déploient leurs ailes. © Pixels Events
Photo à la Une : Beau Gosse du Park a connu ses plus belles réussites avec Valentin Besnard, avant de poursuivre sa route vers le très haut niveau aux côtés de Grégory Wathelet. © Scoopdyga





