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Beau Gosse du Park, quand le sort s’acharne (1/2)

Beau Gosse du Park a joué de malheur, voyant sa carrière être entravé par de nombreux coups du sort.
Interviews samedi 25 octobre 2025 Mélina Massias

Destiné à briller, par son look, ses origines et ses qualités intrinsèques, le bien nommé Beau Gosse du Park a vu la vie s’acharner sur son sort. Son éleveuse et propriétaire de toujours, Corinne Accary, a pourtant fait de son mieux pour lui donner les meilleures chances possibles. Les mille et une épreuves traversées par le charismatique bai brun, et qui ont forcément affecté ses réussites sportives, témoignent de sa résilience et de son courage. Regrettant que son protégé, passé sous les selles expertes de Yannick Guillot, Valentin Besnard, Grégory Wathelet et Nicolas Layec, ait parfois été trop vite catalogué, Corinne Accary revient sur son éprouvant itinéraire.

“Le malheur de Beau Gosse du Park a été de s’appeler Beau Gosse”, plante sa naisseuse, propriétaire et première fan, Corinne Accary. Il faut dire que le grand et charismatique bai brun, né au cœur de son élevage breton, dans le Morbihan, un jour de mai 2011, porte merveilleusement son nom. Dès ses premiers jours de vie, ses origines et son look le promettent à un avenir brillant… et pourquoi pas à marcher sur les traces de son très proche oncle, Diabolo du Parc II (Quidam de Revel), première star de sa naisseuse. Fruit du croisement entre Quincy, alias Quaprice Bois Margot, et Rita du Park, une fille de Kannan et de la fabuleuse Quinine de Livoy (Ukase), à l’origine de tous les porteurs de l’affixe du Park, l’étalon réunit en lui d’immenses espoirs. 

Mais le destin s’est inlassablement immiscé dans la carrière de cet attachant Selle Français. Alors que tout semblait enfin réuni pour revoir Beau Gosse du Park briller à sa juste valeur avec Nicolas Layec, une tendinite, détectée il y a quelques semaines, le contraint à un long arrêt et laisse planer le doute quant à la suite de sa carrière sportive. “Est-ce qu’il refera un jour des concours dans sa vie ou est-ce une préparation à une retraite anticipée ? Pour le moment, je n’en sais rien. Ce dont je suis sûre, c’est que je vais bien m’occuper de lui. J’ai du mal à l’imaginer déjà à la retraite… Même s’il a quatorze ans, il n’a jamais vécu une saison de concours complète. J’aimerais tellement qu’il termine sa carrière sur une belle note. Quoi qu’il en soit, on fera ce qu’il faut pour lui. C’est le plus important. S’il ne reprend pas le sport, il deviendra gardien de poulains”, résume son éleveuse et propriétaire. 

Alors que son couple avec Nicolas Layec semblait trouver ses marques, Beau Gosse du Park, quatorze ans, a déclaré une tendinite il y a quelques semaines. © Sportfot

“J’ai tout de suite vu que Beau Gosse n’était pas comme les autres”

Si Corinne Accary évoque l’itinéraire tumultueux de son cher Beau Gosse du Park avec une pointe d’humour qui la caractérise bien, ces quatorze années passées à ses côtés n’ont pas été toutes roses. Elle a vécu le meilleur à ses côtés, comme lors de sa victoire dans le Grand Prix 4* de Rouen en 2021, devant une certaine Luna van het Dennehof, de sa huitième place à 1,60m à Monaco l’an dernier, de son bon Grand Prix au pied de la Tour Eiffel quelques semaines plus tôt ou encore de sa cinquième place dans le temps fort du CSI 4* de Saint-Lô il y a quatre ans. Mais elle a aussi connu le pire. Et plusieurs fois.

Sous la selle de Valentin Besnard, Beau Gosse du Park s'est imposé dans le Grand Prix 4* de Rouen en 2021, la plus belle réussite de sa carrière. © Pixels Events

“À deux ans, il se dégageait déjà quelque chose de Beau Gosse. Il me paraissait être assez hors norme. J’ai tout de suite vu qu’il n’était pas comme les autres, exactement comme avec Diabolo avant lui”, rembobine la Bretonne d’adoption. “S’il n’avait pas été aussi beau, il ne serait pas resté entier et n’aurait pas connu tous ces malheurs…” Approuvé à trois ans, le grand bai séduit par son excellent galop, ses aptitudes à l’obstacles et son modèle, qui lui vaut la meilleure note de sa section lors des qualificatives étalons de Lamballe. À quatre ans, le petit-fils de Quidam de Revel effectue quatre sorties en Formation 1, qu’il boucle avec une “extrême facilité”. “Après ces quatre parcours, je l’ai laissé grandir, au pré. Beau Gosse était un très grand cheval, qui était aussi très doué”, se souvient Corinne. Durant l’hiver, le Selle Français reprend le travail pour préparer la suite de son éducation, mais un premier coup du sort entrave sa progression. “En février 2017, Beau Gosse a fait une hernie inguinale. C’était le premier samedi des congés d’hiver, et donc un jour de départ en vacances. Il y avait un laps de temps très court pour qu’il soit opéré et pour tenter de le sauver. J’avais le choix entre deux cliniques et j’ai décidé d’éviter de potentiels bouchons pour ne pas perdre de temps”, déroule l’éleveuse et propriétaire de Beau Gosse. La vie sauve, le bai regagne ses terres natales. Mais, rapidement, et malgré quatre prestations parfaites pour ses premiers parcours sur le Cycle classique des cinq ans avec Yannick Gaillot, un mauvais sentiment s’invite à la fête. “J’ai vu assez vite que quelque chose n’allait pas. Beau Gosse n’a jamais regalopé comme avant, il ne sautait plus de la même manière, même s’il a refait deux ou trois concours en sautant très, très bien. Naturellement, ce cheval était vraiment une star. On m’a dit que c’était normal, qu’il n’y avait pas de problème et que tout allait rentrer dans l’ordre. Mais cela n’a jamais été le cas…”, regrette Corinne. Décidant de faire confiance aux professionnels qui l’entourent, et notamment au vétérinaire ayant opéré son cheval, l’éleveuse patiente. “Beau Gosse était toujours en croissance et entier, mais son comportement a radicalement changé après cette chirurgie. En très peu de temps, il a commencé à montrer des signes qui ne lui ressemblaient pas. À cinq ans, les étalons peuvent affirmer davantage leur caractère, mais je ne comprenais pas ce qui se passait. D’autant que chez moi, Beau Gosse n’avait pas du tout le même comportement. Il était très gentil, mais dès qu’il allait travailler, c’était un enfer.” 

Le fils de Quincy, alias Quaprice Bois Margot, a été victime d'une erreur vétérinaire ayant eu des conséquences importantes sur sa carrière. © Pixels Events

Pour donner à son petit-fils de Quinine de Livoye le temps de mûrir et de poursuivre sa croissance, Corinne met un terme à sa saison de concours avant le début de l’été. Beau Gosse ne retrouve les pistes de compétition qu’en avril 2017, à six ans. “Il sautait comme un cheval ordinaire et était toujours compliqué”, se désole-t-elle. Après seulement sept parcours, le Selle Français retourne une nouvelle fois au pré et ne revient aux affaires que l’année suivante. Malgré le temps et le repos accordé, la situation s’envenime. “C’était encore pire après cette nouvelle reprise du travail. Je connais très bien mes chevaux et j’ai un caractère affirmé : cette fois, je me suis dit que ce n’était pas possible et qu’il y avait vraiment quelque chose qui n’allait pas”, reprend l’éleveuse, qui après avoir déjà essayé mille et unes solutions et dans un ultime espoir fait intervenir une nouvelle ostéopathe. Sa visite s’avère “miraculeuse” et révèle l’impensable. 



Un préjudice inestimable et des séquelles difficiles à guérir

“À force de chercher, encore et encore, cette ostéopathe a trouvé ce que personne n’avait jamais senti : une masse anormale au niveau de la cicatrice de castration consécutive à l’opération pour hernie inguinale qui avait eu lieu… deux ans plus tôt !”, s’étonne encore la Parisienne d’origine. En moins de vingt-quatre heures, Corinne conduit Beau Gosse à la clinique du Mans et demande aux chirurgiens de lever le mystère sur cette étrange grosseur. Et le verdict tombe. “Il s’agissait de compresses, vestige de sa première opération. Elles s’étaient enkystées, formant comme une enveloppe de noix fraîche”, hallucine encore aujourd’hui l’éleveuse de Beau Gosse. “Quand on pense que l’on opère des chevaux qui développent des adhérences après une castration… Là, c'était pire qu’une adhérence ! Il y a eu une procédure judiciaire, que j’ai gagnée, mais cela ne compensera jamais le préjudice subi par mon cheval.” Car, forcément, la douleur est restée ancrée dans la mémoire de Beau Gosse du Park. “À travers son comportement, il essayait juste de nous dire qu’il avait trop mal pour continuer. Forcément, la vie n’a pas dû être si simple pour lui… Mais personne n’a jamais trouvé ce qu’il avait. Dire que tout cela est parti d’une mauvaise rencontre… Après l’opération, je me souviens que Beau Gosse avait le fourreau très gonflé. Ma vétérinaire référente l’avait mis sous antibiotiques, ce qui avait réglé ce problème, mais celui qui l’avait opéré ne s’est jamais déplacé. Je lui avais pourtant envoyé des vidéos lorsque Beau Gosse avait recommencé à galoper. Il ne posait plus son postérieur droit ! Il m’avait répondu que cela était dû aux fils résorbables, qu’il ne fallait pas s’inquiéter et que Beau Gosse devait être un peu ‘chochotte’. Si seulement il avait pris sa voiture pour venir le voir… Personne n’aurait pu imaginer que des compresses étaient restées à l’intérieur du cheval après son opération !”

Pour sauver son protégé, Corinne Accary a dû écouter son instinct. © Sportfot

Enfin débarrassé de cette masse, Beau Gosse du Park s’apprête à laisser ses démons derrière lui et démarrer une nouvelle vie. Le souvenir du mal qui l’a accompagné durant deux ans enraciné trop profondément, la bai brun quitte les écuries de Yannick Gaillot pour intégrer l’effectif de Valentin Besnard et tourner la page. “Pendant deux ans, Beau Gosse avait composé avec cette gêne et compenser comme il le pouvait avec son corps. Il fallait donc le rééduquer, mais la douleur était encore dans sa tête. Alors, il a rejoint l’écurie de Bruno Rocuet. Je savais que là-bas, Beau Gosse trouverait le bon cavalier et que toute l’équipe était habituée à gérer des étalons. Compte tenu de l’expérience de Bruno, je n’avais aucun doute. S’il y avait un moyen de redonner confiance à Beau Gosse, c’était celui-là”, poursuit Corinne. “Valentin Besnard montait encore chez Bruno à cette époque. Valentin n’était pas du tout impressionné par les entiers un peu rebelles et j’admirais son équitation. Son couple avec Beau Gosse s’est fait assez vite, en quelques mois. Après avoir vécu tout ce qu’il a vécu, Beau Gosse a forcément gardé quelques séquelles, mais qui ne sont absolument pas liées à son caractère intrinsèque. Ses réactions ont été sa façon de s’exprimer contre la douleur qu’il a connue et la crainte de revivre cela.” 

Promis à un avenir radieux, le petit-fils de Kannan n'est jamais vraiment parvenu à exploiter son plein potentiel, la faute à un destin semé d'embûches. © Scoopdyga

Avec Valentin Besnard aux commandes de sa pépite, Corinne Accary retrouve le sourire et l’espoir de voir la chenille devenir papillon. Très rapidement, les performances s’enchaînent. Disposant d’une maigre expérience en raison de ses mésaventures, Beau Gosse rattrape son retard. Si les pauses forcées liées à la pandémie de Covid-19 puis à l’épizootie de Rhinopneumonie freinent sa progression, 2021 est enfin l’année de la concrétisation. Avec son cavalier tricolore, le petit-fils de Kannan laisse entrevoir l’étendue de son talent. Il signe un double zéro et se classe sixième de son premier Grand Prix 3* à Cabourg Classic en juin 2021, puis termine onzième de sa deuxième tentative à ce niveau, un mois plus tard, à Dinard, pour un point de temps dépassé. À l’automne, le duo vit ses meilleures heures et brille dans ses deux premiers Grands Prix 4*, avec un cinquième rang décroché à Saint-Lô puis une victoire à Rouen un mois plus tard. Moins fructueux, le début de l’année 2022 voit le binôme s’offrir une deuxième place dans une épreuve à barrage à 1,50m lors d’un CSI 3* organisé à Lanaken, puis affronter son premier Grand Prix 5*, bouclé avec quatorze points. La machine semble lancée et Corinne sent qu’elle touche du doigt l’avenir dont elle a toujours rêvé pour son protégé. “L’aventure entre Beau Gosse et Valentin a été superbe. Ils ont décroché plein de classements et de bons résultats. Beau Gosse était certainement prédestiné à concourir au très haut niveau”, assure l’éleveuse. Seulement, “à ce moment-là, les portes de l’équipe de France étaient moins ouvertes que maintenant”, regrette-t-elle. “Je me suis laissé griser. J’avais envie que mon cheval évolue au niveau 5* et je sentais qu’il ne le ferait pas en France. Alors, il est parti en Belgique, chez Grégory Wathelet, que je côtoyais déjà sur les terrains de concours à l’époque de Diabolo. Valentin m’en a beaucoup voulu à ce moment-là, et je m’en suis aussi voulu. Ce n’était pas une décision facile, mais c’est celle que j’ai prise. C’est ainsi.”

Après ses bons résultats aux rênes de Valentin Besnard, le bien nommé Beau Gosse du Park a rejoint la Belgique et Grégory Wathelet. © Sportfot

La seconde partie de cet article sera disponible demain sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Beau Gosse du Park a joué de malheur, voyant sa carrière être entravé par de nombreux coups du sort. © Sportfot