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Anthony Bourquard – dans les pas de Steve Guerdat

Reportages lundi 20 juillet 2020 Oriane Grandjean

À seulement 24 ans, Anthony Bourquard est une étoile montante du saut d’obstacles suisse. Il faut dire que le jeune homme peut se targuer de travailler au sein de l’une des écuries les plus prestigieuses du monde : depuis plus de cinq ans, il est le cavalier du numéro 1 mondial Steve Guerdat. Liens familiaux, amitié et travail acharné, voilà quelques-uns des ingrédients qui expliquent la trajectoire du jeune Jurassien, qui réalisait l’an dernier ses premiers parcours chez l’élite dans le cadre du Morocco Royal Tour. Reportage à Elgg, entre Zurich et Saint-Gall, où Anthony Bourquard a posé ses valises.

Parlez-nous de vos débuts…

Je suis issu d’une famille qui a toujours été entourée de chevaux. Mon père gère un centre équestre à Glovelier et ma maman a toujours été présente à mes côtés. Tous les deux étaient cavaliers, mon père a monté jusqu’au niveau Grand Prix national en Suisse et il a même participé au CHI de Genève. Je suis très admiratif de son parcours, car il est parti de rien et a tout construit lui-même, notamment avec une bonne jument qui s’appelait Willora. Il a beaucoup de mérite. Dès que j’ai commencé les Children, il a mis un terme à sa carrière de cavalier de concours pour me mettre à disposition tous ses meilleurs chevaux, notamment Willora. Pour lui, c’était la meilleure solution pour que je puisse faire mes armes dans ce milieu. Commencer avec des chevaux de métier, des chevaux déjà aguerris, c’est cela qui m’a donné envie de continuer et qui m’a procuré de la confiance pour le futur.

Vous avez donc commencé dans le centre équestre familial ?

Oui, cela fait une trentaine d’années que mon père tient le manège de Glovelier. J’ai grandi dans ce manège. Il y a un poney-club et ce qui était sympa, c’est qu’on était un super groupe de copains. On se battait pour savoir qui allait monter quel poney et qui allait gagner la puissance des poneys. Tous ces copains montent toujours en concours. Il y a Sébastien Monin, Nicolas Müller et Nicolas Willemin. On est toujours potes, c’est aussi une belle histoire d’amitié. Je pense que cela nous a beaucoup aidé d’être en groupe, d’avoir une certaine convivialité dans le sport. Au début, on pensait plus à jouer avec les chevaux, à prendre du plaisir avec eux qu’à vraiment les travailler.

Anthony Bourquard et Cornet

Vous avez aussi une sœur cavalière…

Oui, ma sœur monte toujours, mais pour le plaisir, elle n’en n’a pas fait son métier. Elle a participé aux championnats d’Europe Children. Quand elle était jeune, elle était aussi très motivée. Ensuite, elle s’est concentrée sur ses études. Il faut avouer aussi qu’en étant l’aîné, les meilleurs chevaux étaient souvent pour moi. Mais elle monte toujours et suit avec plaisir mes résultats.

Votre père continue-t-il à gérer le manège ?

Oui, car c’est ce qu’il aime faire. Je pense que cela n’a pas été une décision facile pour lui de me laisser partir, même s’il ne l’a jamais laissé transparaître. Il savait que c’était la meilleure décision, surtout quand il voit mes résultats actuels. Je ne lui serai jamais assez reconnaissant de m’avoir laissé voler de mes propres ailes en partant chez Steve. C’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver, même si je ne suis pas sûr que tous les parents auraient été capables de cela.

Anthony Bourquard lors du CHI de Genève en 2015 avec Nasa et entouré de son père, Roger Bourquard.

Mais avant de partir chez Steve, vos parents ont quand même voulu que vous fassiez des études…

Oui, surtout ma mère. Et je pense qu’elle avait raison. Tout est arrivé à très vite : à 12 ans j’ai monté les championnats d’Europe Children et je gagnais déjà des 140 cm donc j’aurais pu penser que tout allait continuer aussi facilement et que je pouvais me lancer dans le monde professionnel. Pourtant, tout n’est pas si simple dans le monde des chevaux. Ma mère a su me remettre les pieds sur terre et je lui en suis très reconnaissant. Je suis content d’avoir fait ce diplôme de maturité commerciale à l’école de commerce de Delémont. Je pense aussi que cela va m’être utile, car une bonne partie du cursus concernait les divers aspects de la gestion d’une entreprise, ou encore la comptabilité. Mais évidemment, dans ma tête, cela a toujours été une certitude que j’allais travailler avec les chevaux.

Anthony Bourquard dans les écuries de Steve Guerdat à Elgg

Avant de venir chez Steve Guerdat, vous vous êtes toujours entraîné avec votre père. Mais certains ignorent que c’est lui qui avait entraîné Steve dans ses jeunes années…

Exactement. Je n’avais qu’un ou deux ans à l’époque où Steve montait au manège et mon papa est resté très proche de la famille Guerdat. J’ai toujours eu des liens avec Steve. On suivait avec passion ses résultats. Il a toujours été notre idole, au manège. Je pense que Steve a beaucoup apporté au monde équestre jurassien. Il y a maintenant beaucoup de cavaliers à un bon niveau qui viennent du Jura. Le Jura est un petit canton, mais on y trouve beaucoup de cavaliers et je pense que ce n’est pas par hasard. C’est aussi une grande fierté, notamment pour mon père, de savoir que Steve a commencé dans notre manège. Cela lui a valu de la reconnaissance pour son travail.

Les installations de Steve Guerdat sont situées dans le joli village d'Elgg, entre Zurich et St-Gall

Qu’est-ce que ce père entraîneur vous a transmis ?

Mon père est un vrai homme de cheval. Il dit directement les choses, sans passer par quatre chemins. Il fonctionne beaucoup au feeling, il sent les chevaux. Il va travailler dans le sens du cheval. J’ai beaucoup appris avec lui, et en particulier cette compréhension des chevaux. C’était vraiment apprendre le feeling, mais aussi la faim de la victoire. Il a toujours eu cette rage de vaincre et il me l’a transmise. Et le point essentiel qu’il m’a donné, c’est la passion du cheval, tout simplement.

En faisant partie de la relève suisse, vous avez aussi pu profiter d’entraînements dispensés par Willi Melliger ou Thomas Fuchs...

Oui, c’est ainsi que j’ai goûté à la mentalité suisse-allemande, ce qui m’a poussé à venir ici après mes études. Il y a plus de rigueur de ce côté du pays, ce qui peut parfois nous manquer en Suisse romande. Avec mon père, j’ai appris la passion, l’envie de gagner les épreuves, mais c’est vraiment par la suite, quand je suis arrivé chez Steve, que j’ai appris l’importance du travail et de la discipline, que j’ai compris que tout ne venait pas si facilement que cela. Cela s’apprend. C’est bien d’avoir du feeling, mais si l’on n’est pas travailleur, que l’on n’aime pas se lever à 6h du matin pour monter à cheval jusqu’à la nuit, cela ne sert à rien. Il faut donc avoir la passion, mais aussi une envie de travailler, sinon on ne peut pas y arriver.

Anthony Bourquard peut profiter des spacieuses installations de Steve Guerdat, où les chevaux jouissent d'immenses espaces en herbe pour travailler

Vous avez participé à plusieurs championnats d’Europe avec la relève.

Oui, children, juniors et jeunes cavaliers, deux fois dans chaque catégorie. Mais sans la moindre médaille à la clé.

Cela reste une frustration ?

Oui, sans doute. Comme je l’ai dit, tout a toujours été vite pour moi. J’ai l’impression, avec le recul, que je n’avais pas pris le temps de me poser et de faire les choses mieux. J’avais toujours un ou deux bons chevaux, mais pas plus, ce qui m’aurait peut-être permis de m’aguerrir au plus haut niveau. Au niveau national, cela se passait bien, mais en international, même si je n’étais pas si loin du compte, je n’étais jamais dans le top. Ce n’est pas un regret, car j’espère que les médailles viendront dans le futur. Tous les championnats que j’ai vécus m’auront permis d’acquérir une expérience qui, je l’espère, me sera utile pour la suite.

Par contre, vous avez remporté plusieurs médailles lors des championnats de Suisse…

J’ai été champion suisse junior et jeunes cavaliers. Plus jeune, j’avais un tempérament plutôt nerveux. Et au début, cela me semblait presque normal de gagner. Du coup, quand cela se passait moins bien, j’avais de la peine à gérer la déception. Avec le temps, c’est un aspect que j’ai appris à maîtriser et qui fait partie de la vie de cavalier. Évidemment, monter avec la relève, ce n’est pas la même pression qu’avec l’élite, mais monter en équipe, faire des parcours pour les autres, c’est quelque chose que j’ai toujours beaucoup aimé. J’espère pouvoir en refaire avec l’élite.

Vous avez d’ailleurs fait vos débuts avec l’élite l’an passé au Maroc, à Rabat, où vous signiez un double sans-faute avec Tum Play du Jouas… Un bon début, non ?

C’était ma première expérience avec l’élite, et j’ai beaucoup apprécié. Quand tu montes au sein d’une équipe, même si tu n’es pas forcément proche des autres cavaliers, tout le monde s’entraide et tous veulent que tu réussisses, c’est un sentiment incroyable. Sans oublier la fierté de monter pour ton pays. Au Maroc, j’étais vraiment très heureux de porter la veste rouge de l’équipe de Suisse. J’espère que ce n’était que le début.

Anthony Bourquard et Tum Play du Jouas lors de la Coupe des Nations de Rabat en 2019

Quand on monte pour la Suisse, on se transcende ?

Je pense que oui. Mais il faut faire attention que ce ne soit pas une pression négative. Au Maroc, je suis parvenu à transformer cela en pression positive. J’ai aussi senti que mon cheval était en super forme et qu’il était vraiment avec moi. Cela m’a beaucoup apporté.

S’il ne fallait citer qu’un seul souvenir de ces années avec la relève ?

Les championnats d’Europe Children en 2012. J’étais sans-faute le premier jour, double sans-faute dans la Coupe des Nations, on n’a pas eu de médaille par équipe – je crois qu’on était quatrième – et tout le monde me voyait favori pour la finale. Et j’ai fait un refus sur le mur dans la finale. Là, j’étais catastrophé. Pour moi, c’était la fin du monde. Je pense que cela m’a servi de leçon et j’ai beaucoup appris. J’ai compris que rien n’est jamais acquis, même si on est tout proche du but. Avec les chevaux, on n’est jamais sûr de rien.

La suite demain...